Titre Original : When Worlds Collide
De : Rudolph Maté
Avec Richard Derr, Barbara Rush, John Hoyt, Frank Cady
Année : 1951
Pays : Etats-Unis
Genre : Science-Fiction
Résumé :
Un astronome découvre une planète morte qui file droit vers la Terre. Car il n’y a aucun moyen d’empêcher la collision, un pilote et un astronome sont chargés de construire puis de piloter un vaisseau spatial capable d’embarquer une poignée d’humains rigoureusement sélectionnés vers une autre planète.
Avis :
Dans le domaine de la science-fiction, les années 1950 ont été particulièrement prolifiques pour fournir des métrages emblématiques, sinon fondateurs du genre. Sans chronologie spécifique, on songe à Planète interdite, La Chose d’un autre monde, Les Soucoupes volantes attaquent et Le Jour où la Terre s’arrêta. Au début de la décennie, Le Choc des mondes constitue l’amorce de cet engouement. Si la réalisation est confiée à Rudolph Maté, déjà responsable du film noir Midi, gare centrale, on doit la concrétisation du projet à George Pal. L’homme a travaillé sur le script et bataillé pour avoir les droits d’adaptation du roman signé Philip Wylie et Edwin Balmer. De plus, il officie en tant que producteur.
À bien des égards, Le Choc des mondes peut être considéré comme l’archétype du film catastrophe. L’histoire en pose tous les fondamentaux et présage, par la suite, de blockbusters tonitruants. Là où une certaine frange de la science-fiction extrapole la période de la Guerre froide sous le prisme d’une invasion extraterrestre, le présent métrage s’avance comme une représentation de l’Amérique puritaine. Preuve en est avec cette entame qui fait référence à la Bible, en particulier l’Apocalypse. Cela donne le ton sur le propos ou la bienséance des mœurs de l’époque pour craindre la colère du Seigneur. Par la suite, l’allusion reste prépondérante avec la construction d’un vaisseau qui fait office d’arche de Noé.
« Le discours a beau être représentatif d’un traitement standardisé pour l’époque, il n’en demeure pas moins désuet. »
Si l’on veut davantage pousser le rapprochement, on peut même entrevoir une vision restreinte à une poignée d’élus. Quant au cataclysme à l’échelle planétaire, cette dimension se cantonne au rassemblement de certains États, ainsi qu’à de furtives coupures de presse présentées selon le principe du fondu enchaîné. Au demeurant, on assiste à un panel de figures occidentales et aisées qui s’avancent comme les sauveurs de l’humanité, à défaut de préserver le monde. Le discours a beau être représentatif d’un traitement standardisé pour l’époque, il n’en demeure pas moins désuet, voire réducteur. Ce constat se vérifie même avec les personnages secondaires et tertiaires.
En ce qui concerne le fond de l’histoire, on peut apprécier un propos scientifique relativement cohérent pour organiser l’expédition spatiale, anticiper la vie sur une autre planète. En revanche, l’approche d’astres étrangers au système solaire s’avère un prétexte facile, même si l’on dénote des références au mythe de Nibiru. Les préparatifs constituent la majeure partie de l’intrigue. Sans doute pour démontrer l’urgence de la situation, le montage enchaîne chaque séquence sans vraiment les approfondir. La brièveté du film, environ 80 minutes, oblige à aller à l’essentiel, quitte à délaisser la caractérisation ou les interactions des protagonistes.
« Côté effets spéciaux, on a droit à des séquences et des panoramas assez spectaculaires. »
On découvre ainsi des intervenants lisses, sans réelles aspérités psychologiques, à l’exception d’un esprit chevaleresque plus ou moins prégnant. Afin de dynamiser à minima les enjeux, on assiste à une cohésion qui fleure bon une solidarité toute candide jusqu’au point de non-retour. À ce stade, l’instinct de survie exacerbe les bassesses humaines. Côté effets spéciaux, on a droit à des séquences et des panoramas assez spectaculaires pour l’époque, notamment lors de l’éruption volcanique ou du raz-de-marée. On peut néanmoins regretter un épilogue gâché par des arrière-plans peints et grossiers qui traduisent la précipitation pour sortir le métrage avant même que la maquette initiale soit achevée.
Au final, Le Choc des mondes est un film de science-fiction vieillissant. Contre toute attente, ce n’est pas le visuel qui pâtit le plus du poids des décennies, mais le fond où les préceptes religieux sentencieux côtoient moult archaïsmes narratifs. On songe aux personnages eux-mêmes qui privilégient les clichés et les bons sentiments au réalisme. À cela s’ajoute un scénario qui emprunte un cheminement expéditif, empêchant tout développement des enjeux et des aboutissants. L’évocation d’autres vaisseaux à travers le monde est à peine esquissée. Ce qui rend la survie des heureux « élus » d’autant plus aléatoire et hypothétique. Hormis son statut de chaînon manquant entre les premiers films catastrophes de l’histoire et les blockbusters qui le suivront dans les décennies à venir, il en ressort un résultat mitigé, voire mineur.
Note : 11/20
Par Dante