avril 28, 2024

L’Homme au Pousse-Pousse – Un Remake Utile?

Titre Original : Muhomatsu No Issho

De : Hiroshi Inagaki

Avec Toshirô Mifune, Hideko Takamine, Hiroshi Akutagawa, Chishû Ryû

Année : 1958

Pays : Japon

Genre : Comédie, Drame

Résumé :

Matsugoro est conducteur de pousse-pousse. Sa vivacité d’esprit et son tempérament optimiste en font une personne appréciée des habitants de sa ville. Un jour, Matsu se porte au secours d’un garçon blessé, Toshio. Les parents, Kotaro et Yoshioko, louent ses services pour transporter le garçon chez le médecin et le ramener. Matsu se prend d’affection pour cette famille. Quand le père de Toshio meurt, Matsu devient comme un père de remplacement pour le garçon, qu’il contribue à élever. Il tombe secrètement amoureux de Yoshioko, mais est conscient qu’il y a un fossé de classe entre eux. Matsu pense qu’il ne sera jamais qu’un conducteur de pousse-pousse pour elle et son fils…

Avis :

Tournée et sortie en pleine Seconde Guerre mondiale, la première adaptation de L’Homme au pousse-pousse d’Hiroshi Inagaki s’avérait une œuvre touchante, presque essentielle face à la morosité du contexte historique. Seulement, ce dernier aura raison de l’expression créative du cinéaste, du moins en partie. Du côté des autorités nipponnes et américaines, le film de 1943 aura subi la censure d’un élément charnière de son scénario. À savoir, le rapprochement sentimental du protagoniste et de la veuve d’un militaire. Bien que le montage reste intelligible et le récit plaisant à suivre, le traitement elliptique et un épilogue précipité délaissent quelques frustrations artistiques que la version de 1958 tente de corriger.

À 15 années d’intervalles, la volonté du cinéaste demeure inchangée pour concrétiser sa vision de l’histoire de Matsugoro, roman de Shunsaku Iwashita. L’initiative reproduit à l’identique le travail réalisé par la précédente version. On peut donc s’interroger sur la légitimité de l’entreprise, même pour un remake qui est censé offrir à minima une approche différente. En l’occurrence, on assimile davantage le présent métrage à un second essai, tant les similarités sont évidentes, sinon flagrantes. Cela vaut tout d’abord pour le scénario qui reprend une trame analogue, dans le moindre détail. Un peu comme si l’on découvrait la version antérieure du cinéaste, mais sans les coupes au montage.

« Cette adaptation de 1958 s’appuie davantage sur la fibre mélodramatique du récit. »

Certes, il y a toujours ce traitement elliptique qui égrène le récit. Le passage du temps se symbolise alors par l’exposition des roues du pousse-pousse en mouvement constant. Pour autant, les relations entre les protagonistes gagnent en profondeur. En effet, le principal écueil du film de 1943 résidait dans son dénouement. Au-delà d’une liaison platonique, presque déférente, le sort de Matsugoro délaissait quelques pans de son existence. Ici, les séquences « inédites » permettent de mieux apprécier son désœuvrement. Ce dernier se fait l’écho de sa solitude. En dépit de ses responsabilités ou son soutien, les efforts qu’il consent au quotidien aboutissent à un statu quo.

Il en émane un constat ironique, où l’inertie de son existence est aux antipodes du temps qui passe ou même de sa profession. Cette adaptation de 1958 s’appuie davantage sur la fibre mélodramatique du récit. Comme auparavant, le réalisateur insuffle une atmosphère qui renvoie au théâtre kabuki, voire au cinéma expressionniste. D’ailleurs, on y retrouve le maniérisme volontaire des acteurs lors de certaines situations. L’exagération des comportements ou la présence de sous-intrigues en arrière-plan permet de crédibiliser la vie de cette petite ville nipponne. À ce titre, la séquence du cerf-volant emmêlé reste l’une des plus emblématiques pour inscrire la relation père/fils dans une parenthèse temporelle.

« Toshirō Mifune succède de manière formidable à Tsumasaburō Bandō. »

Parmi les autres dissemblances avec le film de 1943, on peut aussi évoquer le choix d’un tournage en couleur. Ce qui modifie sensiblement l’ambiance dépeinte et le travail sur la photographie. Les teintes sont plus chaleureuses, exception faite de certains passages nocturnes tels que l’errance du jeune Matsugoro en pleine forêt. Malgré un traitement similaire, la présentation de lieux communs se renouvelle afin de proposer une redécouverte appréciable du cadre. Quant au casting, il a fait l’objet d’une refonte, notamment due à la disparition des têtes d’affiche, dont Keiko Sonoi, morte à Hiroshima après le largage de Little Boy.

Au final, L’Homme au pousse-pousse reste une jolie histoire qui continue de faire la part belle à l’émotion. Hiroshi Inagaki concrétise enfin sa vision initiale sans subir l’ingérence d’une censure politique. Alors que Toshirō Mifune succède de manière formidable à Tsumasaburō Bandō, le récit permet de développer la caractérisation et la relation entre Matsugoro et Yoshiko. Dès lors, le principal intéressé ne se résume pas à un statut de père adoptif, mais à un homme seul. Ses ambitions sentimentales se heurtent à son propre dédain pour sa condition sociale, son manque de confiance en l’avenir, en lui-même. Du reste, le présent métrage est similaire à la version de 1943 en terme de progression narrative et de mise en scène. Il n’en demeure pas moins une réinterprétation légitime et complémentaire.

Note : 15/20

Par Dante

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