mai 1, 2024
BD

Duckenstein

Auteurs : Bruno Enna et Fabio Celoni

Editeur : Glénat

Genre : Fantastique, Comédie

Résumé :

Au tournant du XIXe siècle, au pôle Nord, un explorateur rencontre le jeune scientifique et artiste désabusé Victor von Duckenstein. Celui-ci lui révèle rapidement qu’il est à la poursuite d’un dangereux monstre qu’il a lui-même créé – une construction de carton et de peinture vivante, créée par d’anciens moyens alchimiques combinés aux progrès scientifiques modernes. Victor et la créature, Growl, se relaient pour raconter leur histoire aussi effrayante qu’extraordinaire…

Avis :

Mary Shelley est une autrice qui a marqué le monde avec son premier roman, Frankenstein et le Prométhée Moderne. Cependant, elle n’a pas eu de reconnaissance immédiate, puisque l’on a tout d’abord attribué ce roman à son mari, avant qu’elle ne soit créditée, puisqu’à l’origine, il était anonyme. Il faut dire qu’être écrivaine au XIXème siècle n’était pas forcément bien vu, d’autant plus si vous aviez l’audace de faire du fantastique gothique avec une critique acerbe du système. Forcément, avec un tel tour de force, Frankenstein a été adapté sous toutes les formes, du cinéma en passant par le neuvième art. Alors que Disney s’amuse à revisiter des classiques de la littérature comme Moby Dick ou L’Ile au Trésor, c’est au tour de Frankenstein de passer à la casserole avec Duckenstein, où Donald, rebaptisé Victor Von Duckenstein, va donner vie à Growl.

Sur le papier, on nous promet de revenir à l’essence même du roman. Cela signifie que l’histoire s’éloigne volontairement de tous les films qui existent, pour se pencher sur une narration non pas épistolaire, mais découpée en trois parties qui s’appuient sur des points de vue différents. On pourrait trouver cela audacieux, d’autant plus au sein d’une bande-dessinée qui se destine principalement aux enfants. Mais bien évidemment, c’était sans compter la nature même de l’histoire, où les canards remplacent les humains, et où le désespoir laisse place à un avenir plus radieux. Exit donc les morts accidentelles dues au monstre, ou la populace revancharde, ici, on tourne autour d’une amourette, et d’un monstre qui, malgré tout, devient un gentil personnage. Plus proche du roman ? On se foutrait pas un peu de notre gueule ?

Mais tout n’est pas à jeter dans ce Duckenstein, loin de là. Si on a fait plutôt grise mine sur Moby Dick, qui dénaturait clairement le chef-d’œuvre d’Herman Melville, ici, on retrouve un coté gothique assez sombre, du moins dans sa première partie. Le scénario reprend les ficelles du roman, avec un type qui veut surpasser tous ses modèles scientifiques, et qui, en faisant moults recherches, parvient à donner la vie à la mort. On parle bien évidemment de couleurs, il n’y a pas de recherches de bouts de cadavres pour construire la créature, on reste dans quelque chose de soft, mais l’ambiance globale est plutôt sombre, et on ressent bien la vibe gothique. D’un autre côté, cette première partie prend le point de vue de Victor, qui a une tendance à la dépression et n’ose avouer ses sentiments à Daisy. Il y a une logique.

La deuxième partie va tenter de raconter l’histoire du point de vue du monstre. La créature raconte comment elle va apprendre à lire et parler, en reprenant là aussi des situations du bouquin, avec cette cachette qui permet à la créature d’observer un mal voyant qui essaye d’apprendre à lire. La situation prête à sourire, avec ce vieillard acariâtre, et l’histoire ne pousse pas loin la relation, avec une fuite et quelques persécutions qui n’auront pas vraiment d’incidence sur l’humeur de la bestiole. Car tout monstre qu’il est, il arrive à garder un certain optimisme, et revient vers Victor en découvrant qu’il existe peut-être d’autres créatures comme lui. Un changement radical par rapport à la cruauté du roman, mais d’un autre côté, le public ciblé est bel et bien jeune. Trop jeune d’ailleurs pour lire le roman de Mary Shelley, ou voir un quelconque film.

Et de ce fait, Duckenstein devient une formidable porte d’entrée pour aller vers la littérature gothique, ou tout du moins vers des œuvres qui lorgnent de ce côté-là. Et quand on dit œuvre, cela peut être des films, des dessins animés ou encore de la littérature plus classique comme des nouvelles d’Edgar Allan Poe par exemple. Alors oui, l’ouvrage en question comporte quelques blagues qui sont un peu hors de propos. On a aussi une histoire d’amour qui vient adoucir l’ensemble, et d’un point de vue graphique, c’est très joli, mais on reste dans quelque chose de très coloré, de joyeux. Mais le plaisir de lecture est bien là, et on ressent aussi un profond respect pour l’œuvre de Mary Shelley, ce qui parait être essentiel. En tous les cas, plus que pour Moby Dick.

 Au final Duckenstein est une adaptation jeunesse plutôt réussi du roman de Mary Shelley, à la sauce Disney, avec l’humour de Donald et Picsou à l’intérieur. S’il n’y a pas de quoi se relever la nuit, on reste tout de même sur un one shot assez riche, plutôt beau au niveau des dessins, et qui donne bien envie de se replonger dans le roman, mais aussi dans les films, en particulier celui de James Whale, bien évidemment.

Note : 14/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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