avril 29, 2024

La Route – Cormac McCarthy

Auteur : Cormac McCarthy

Editeur : Points

Genre : Dystopie

Résumé :

L’apocalypse a eu lieu. Le monde est dévasté, couvert de cendres et de cadavres. Parmi les survivants, un père et son fils errent sur une route, poussant un caddie rempli d’objets hétéroclites. Dans la pluie, la neige et le froid, ils avancent vers les côtes du Sud, la peur au ventre : des hordes de sauvages cannibales terrorisent ce qui reste de l’humanité. Survivront-ils à leur voyage ?

Avis :

On a souvent tendance à croire que la dystopie est un genre de littérature pour adolescents, et on ne peut guère donner tort à ceux qui pensent cela, tant de nombreux ouvrages Young Adult vont dans ce sens. On ne compte plus les Hunger Games, Le Labyrinthe et autres ersatz qui sortent en masse et envahissent les devantures des rayons. Mais est-ce un mal ? En vrai, c’est plutôt bien que ça se vende, car cela prouve que les jeunes lisent, et c’est bien là l’essentiel. Néanmoins, il existe aussi de la dystopie dans la littérature pour « adultes », et ce n’est pas le grand Cormac McCarthy qui dira le contraire. Grand écrivain américain, c’est en 2006 qu’il sort La Route, un roman post-apocalyptique sur fond de road trip, où l’on va suivre un père et son fils qui s’évertuent à survivre dans un monde de poussière.

Prix Pulitzer en 2007 et même multirécompensé, La Route est un roman très particulier de par sa tonalité, sa construction, mais aussi son phrasé et les sentiments qu’il éveille en nous. Pourtant, l’histoire est toute simple. On suit un homme, accompagné de son fils, et ils décident de rejoindre le Sud dans l’espoir de trouver une meilleure météo et une colonie de gens gentils. Sur ce trajet, on va les voir fouiller des maisons, lutter contre les intempéries et contre des humains tombés dans le cannibalisme, mais on aura droit aussi à quelques bribes d’un passé normal, qui semble très lointain. En rédigeant ce roman, Cormac McCarthy vise l’efficacité, et va à l’essentiel, ne sombrant jamais dans des aventures rocambolesques, ou dans une surenchère d’action qui rendrait l’ensemble indigeste. Ici, le réalisme est de mise, et c’est sans doute ce qui contribue à nous remuer autant.

Car l’auteur va faire un choix radical, celui de ne jamais nommer ses personnages. Le père sera identifié comme « l’homme », alors que l’enfant sera « l’enfant » ou le fils. Cette façon de faire va surprendre, créant immédiatement une distance entre les protagonistes et le lecteur. Difficile de ressentir un peu d’empathie pour des gens que l’on ne connait pas, et dont on ne sait rien. Mais le véritable tour de force de l’écrivain, c’est que petit à petit, on va se mettre à la place de ce « couple », qui pourrait être n’importe qui. En choisissant de ne pas nommer ses personnages, l’écrivain rend son récit universel, comme si ce père et son fils pourrait être nous, lecteur, perdu dans un monde fait de poussière et de violence. Ainsi donc, au gré de ce voyage, on va se mettre à la place de ce type qui regarde la santé de son fils se dégrader, et va tout faire pour le maintenir en vie.

L’autre gros point fort du film réside dans son lyrisme et dans son nihilisme. C’est-à-dire que l’on sait pertinemment l’issue de ce voyage, avec ce père malade, qui se cache pour tousser du sang, mais l’auteur délivre une plume subtile et magnifique, avec des phrases qui sont dotées d’une poésie macabre superbe. Si c’est parfois dur à lire, et que l’on plonge dans les délires paranoïaques d’un père en proie à la terreur, il y a toujours un phrasé, un ton, qui rappelle que nous faisons face à un vrai auteur, justifiant alors la pléthore de prix remportés. Mais ce lyrisme fait face à un nihilisme poignant et prégnant. Cormac McCarthy dresse un portrait sans concession d’une humanité à la dérive, et finalement, les descriptions sont aussi sèches que l’environnement, rendant l’ensemble très compact, très ténébreux, et sans aucune fioriture. En même temps, il n’y a pas la place pour cela.

Au final, La Route, le dernier roman de Cormac McCarthy, résonne comme un sublime chant du cygne, démontrant que l’on peut faire un récit de genre sans jamais tomber dans la surenchère, ou dans une sorte de gore macabre. Doté d’un style épuré, le roman se fait poignant, nous prenant aux tripes en nous plaçant dans la peau de ce père courage qui n’a d’autre but que de sauver son fils, ou tout du moins de la mettre à l’abri d’une humanité devenue bestiale. Poétique tout en étant désespéré, La Route est bel et bien le chef-d’œuvre que l’on nous vende partout, et son adaptation cinématographique, une juste récompense.

Note : 18/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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