Auteur : Neil Gaiman
Editeur : Au Diable Vauvert / J’ai Lu
Genre : Fantastique
Résumé :
Comptable londonien sans envergure et sans histoires, Gros Charlie Nancy ne se distingue de la majorité de ses concitoyens que par une timidité maladive et une peur du ridicule qui confine à la paranoïa. Ah ! et accessoirement, il est le fils du dieu Anansi.
Le problème, c’est que c’est son frangin, Mygal, qui a hérité des pouvoirs paternels. À l’aise en toute circonstance, doté d’un charme irrésistible, d’un bagout insolent, d’un mépris éhonté pour toute considération morale… tout l’inverse de Gros Charlie, qui a dû se contenter, lui, du sens des responsabilités et d’un goût pathologique pour le conformisme.
Aussi, le jour où Mygal débarque dans sa vie pathétique, bien décidé à y mettre un peu de piment, ses ennuis ne font que commencer…
Avis :
Parmi les auteurs de récits fantastiques connus et reconnus, Neil Gaiman tient une place un peu particulière. Et cela tient tout simplement à son univers complètement déjanté, que l’on pourrait presque rapprocher du Tim Burton, du moins à ses débuts. Neil Gaiman est un auteur qui touche un peu à l’horreur dans son fantastique, mais il a beaucoup de sensibilité, ce qui fait que chacun de ses livres est indéfinissables et possèdent une aura propre. C’est à lui que l’on doit des romans comme Coraline, American Gods ou encore The Sandman, qui ont tous fait les beaux jours du petit et du grand écran. Anansi Boys est un roman qui n’échappe pas à l’univers de l’écrivain, puisque ce dernier reprend son univers d’American Gods, pour en faire un spin-off autour d’un personnage attachant qui va découvrir que son père était un dieu facétieux.
Le premier mot qui pourrait venir en tête quand on repense à cette lecture, c’est bordélique. Car oui, Anansi Boys est un fourre-tout incroyable qui mélange plusieurs genres. Le début tient de la comédie, avec un personnage très attachant en la personne de Gros Charlie. Un peu comme Coraline, on a droit à un personnage qui a souffert étant jeune, mais qui vit dans une sorte d’indifférence. Il va se marier avec Rosie, avec qui il entretient une relation platonique, se réservant pour le soir des noces. On va découvrir alors la vie décousue de Charlie, entre son travail de comptable où il ne veut pas faire d’histoire, et sa belle-mère qui le déteste purement et simplement. Neil Gaiman tisse un portrait doux-amer qui va de suite nous faire ressentir de l’empathie pour ce bonhomme. Cependant, le fantastique va vite s’inviter à la fête.
Et pour initier cela, l’auteur va faire intervenir de manière indirecte le père de Gros Charlie. En voulant l’inviter pour son mariage, ce dernier découvre que son père est mort, et qu’il doit se rendre aux Etats-Unis pour l’enterrement. Sur place, il découvre son ancienne voisine qui lui explique qu’il a un frère, et que pour le faire venir, il suffit de parler à une araignée. Oui, c’est assez incongru, mais c’est écrit avec une telle plume que l’on accepte cela sans broncher. Et quand le frère arrive, alors l’histoire commence à partir en eau de boudin, car il possède des pouvoirs et explique à Gros Charlie que leur père était le dieu des histoires, et qu’il possède des pouvoirs plus ou moins similaires. De ce fait, Mygal va prendre petit à petit beaucoup de place dans la vie de Charlie, jusqu’à lui piquer son travail et sa petite amie.
Petit à petit, Neil Gaiman va démontrer que Charlie s’efface trop par rapport à son frère, et il va devoir trouver confiance en lui pour s’imposer et prendre la décision de le faire partir. Là-dessus, le fantastique prend encore le dessus avec la présence de créatures fantastiques mi-humaines, mi-animales, de séances de spiritisme et autres délires qui viendront enrichir un récit déjà palpitant. Malgré ce sentiment de bazar, tout est organisé, la lecture est fluide, et on sent que l’auteur a pris un plaisir monstre à écrire cette histoire d’émancipation et de prise de conscience. Et nous, lecteurs, de ressentir ce plaisir à travers les lignes et les aventures ubuesques des personnages, qui vont se retrouve sur une île paradisiaque, à la recherche d’un arnaqueur meurtrier. Car oui, histoire d’en rajouter, il y a un côté policier dans l’ouvrage, même si ce dernier reste assez timide.
Anansi Boys est donc un roman qui pourrait dérouter de par ses multiples genres et son aspect un peu enfantin. Pour autant, il est reste un ouvrage à destination des adultes, notamment par les thèmes qu’il brasse autour de la confiance en soi ou des erreurs du passé (ou encore sur l’absence d’un père modèle), mais aussi par sa violence qui peut parfois surprendre, à l’image de ce tueur qui n’éprouve aucune pitié pour ses victimes. Le plus fort dans tout cela, c’est que l’on passe des rires à quelque chose de plus grave, mais avec une agilité assez folle, et surtout, une grande cohérence dans l’histoire et son déroulement. Les personnages sont bien travaillés, bien pensés, et chacun possède sa petite folie, ce qui fait que l’on prend un plaisir monstre à la lecture.
Au final, Anansi Boys de Neil Gaiman est une excellente surprise. L’auteur reprend un peu l’univers d’American Gods (qui n’est pas nécessaire d’avoir lu pour comprendre ce roman, et c’est mon cas) pour tisser un spin off attachant, à la fois drôle et malin. Entre un melting-pot génial et des personnages empathiques, on prend vraiment beaucoup de plaisir à la lecture, même si parfois, on se demande ce que l’on lit tellement le délire est poussé à son paroxysme.
Note : 17/20
Par AqME