Sergent Major Eismayer – Être Gay dans l’Armée

Titre Original : Eismayer

De : David Wagner

Avec Gerhard Liebmann, Luka Dimic, Julia Koschitz, Anton Noori

Année : 2023

Pays : Autriche

Genre : Drame

Résumé :

Charles Eismayer est l’instructeur le plus redouté de l’armée autrichienne. Mais Mario, fraîchement arrivé à la caserne, ne se laisse pas intimider. Résolu, il lui tient tête et affiche ouvertement son homosexualité, mettant à l’épreuve la vision du monde apparemment conservatrice du sergent-major, qui mène en réalité une double vie. Brusqué par le comportement provocant de Mario, Eismayer voit ses convictions s’ébranler jour après jour, et des sentiments inattendus naissent entre les deux hommes.

Avis :

Aujourd’hui, c’est en Autriche qu’on pose nos yeux de cinéphile. David Wagner, la quarantaine, est un cinéaste qui a débuté sa carrière au cours des années 2000. S’il réalise des courts et des moyens métrages, il se fait aussi la main en tant qu’assistant réalisateur, mais aussi et surtout réalisateur de deuxième équipe, notamment sur des séries télé autrichiennes, qui sont encore inédites chez nous (et je doute qu’elles arrivent jusqu’à chez nous malgré les plateformes). S’il va réaliser des courts-métrages jusqu’en 2017, c’est en 2013 que sa carrière prend une tout autre tournure, puisque cette année-là, il se retrouve à réaliser les cinq épisodes de la série documentaire « Africa Race: Zwei Brüder zwischen Paris und Dakar« . Là encore, cette série est inédite, mais c’est la première fois qu’il a un si « gros » projet.

Pour son premier film, David Wagner n’a pas choisi la facilité, puisqu’il s’aventure ici avec un film qui touche à l’homosexualité dans l’armée et derrière ça, il réalise un drame romantique, autant dire que le sujet est plutôt casse gueule. Et si le film n’évite pas quelques caricatures, notamment avec le personnage de ce major harceleur, sur son ensemble, il se pose surtout comme un joli film, touchant et bien mené. Puis avec ça, au travers de son sujet, le réalisateur évoque tout un tas de thématiques qui démontrent encore une fois que même aujourd’hui, vivre simplement, aux yeux de tous, n’est pas toujours simple.

« David Wagner livre un joli film qui parle avant tout d’une façon de vivre son homosexualité. »

Mario Fallak, la vingtaine, s’engage dans l’armée. A la caserne, il fait la connaissance de Charles Eismayer, un sergent instructeur tyrannique aux méthodes dépassées. Alors que les jeunes recrues entrent parfaitement dans les rangs, malgré les méthodes douteuses et les hurlements, Mario, lui, tient tête à cet homme, et pire encore, Mario étant homosexuel, il le revendique. Eismayer se voit alors totalement perturbé par le jeune homme, car cette assurance qu’a Mario le renvoie directement à sa propre histoire, et surtout sa propre lâcheté.

L’amour entre hommes dans l’armée, en voilà un sujet qui est intéressant, et avec « Sergent Major Eismayer« , David Wagner livre un joli film qui parle avant tout d’une façon de vivre son homosexualité, en peignant deux personnages, d’âges et de rangs très différents, qui vont se rencontrer contre toute attente, et surtout derrière ça, le film montre deux façons de vivre. D’un côté, avec ce sergent bien trop dur, il y a une homosexualité honteuse et cachée, on peut même dire une homosexualité clandestine, avec des petits coups ici et là, loin des regards. Une homosexualité qui n’a pu être vécue que comme cela, face à une époque, des parents fermés, et surtout l’idée que ça va passer. Puis de l’autre, il y a une homosexualité assumée et ouverte avec ce jeune homme d’une vingtaine d’années, qui n’a aucune envie de se renier et de vivre dans l’ombre.

Confronter ces deux façons de vivre est franchement intéressant, et ça l’est encore plus lorsque le film pose son décor dans l’armée, où l’on sait que l’homosexualité n’est pas franchement la bienvenue. Si le film véhicule avec lui tout un tas de messages, ce qui est le plus appréciable, et ce qui touche, c’est qu’il évite le film militant poussif, pour finalement ne parler que d’une histoire d’amour. Un amour naissant là où personne ne s’y attend, pas même les personnages.

« Luka Dimic, qui incarne Mario, est parfait et saisissant de bout en bout de film. »

C’est vrai que le scénario est simple, mais il est suffisamment bien construit et pensé pour qu’on se laisse entraîner de bout en bout de film, malgré parfois des grosseurs et des caricatures, notamment en début de film, lorsque ce dernier peint ce Sergent Major Eismayer qui ferait passer le sergent instructeur Hartman de « Full Metal Jacket » pour Oui-Oui. Franchement, ses hurlements sont parfois un peu trop, même si en arrière-fond, on peut y voir toute la frustration, voire la colère, qui habite ce personnage, qui se cache et se ment depuis des décennies.

C’est dommage car ce manque de mesure a quelque peu tendance à abîmer le film, et surtout la prestation de Gerhard Liebmann qui, pour le coup, est en accordéon, avec cette idée que lorsqu’on regarde à droite, il y a un côté cheap, et lorsqu’on regarde à gauche, une fois que le personnage se calme et laisse entrevoir ses fêlures, il apparaît vraiment beau et touchant. Dans un autre sens, Luka Dimic, qui incarne Mario, est parfait et saisissant de bout en bout de film.

Avec son sujet intéressant et cette relation qui évolue joliment pour aller vers une belle histoire d’amour qui affronte les différences et la peur du regard de l’autre, surtout dans l’armée, « Sergent Major Eismayer » se pose comme un joli film. Peut-être pas aussi touchant qu’il le laissait présager, mais malgré ces petits défauts, et ce manque de « bouleversement », ce premier film de David Wagner m’aura fait passer un bon moment, en compagnie de beaux personnages, et d’acteurs (même si, comme je le disais, c’est parfois un peu trop) qui sont excellents. Après ce premier film, je reste curieux de voir où le jeune cinéaste ira avec un prochain film. À voir donc, enfin ça, c’est si vous avez la chance d’avoir l’un des neuf cinémas qui le joue près de chez vous.

Note : 12,5/20

Par Cinéted