avril 28, 2024

The Amusement Park

De : George A. Romero

Avec Lincoln Maazel, Harry Albacker, Phyllis Casterwiler, Pete Chovan

Année : 1973

Pays : Etats-Unis

Genre : Horreur

Résumé :

Un vieil homme guilleret s’apprête à passer une journée ordinaire dans un parc d’attractions. En chemin, il rencontre un double de lui-même, blessé, hirsute et les vêtements en lambeaux, qui le prévient contre les dangers qui le guettent. L’homme joyeux ne fait pas attention aux avertissements. Il pénètre dans le parc, sans se douter qu’il va vivre un épouvantable cauchemar.

Avis :

Au cours de l’histoire du cinéma, on compte de nombreux films perdus. La grande majorité d’entre eux provient de la période expressionniste. Cela tient essentiellement à des conditions de conservation douteuses, à des « accidents » ou à la qualité des pellicules. Cependant, ce problème n’est pas endémique au cinéma muet. Qu’il s’agisse de négligence, d’une volonté de les faire disparaître ou de dédain, on déplore également la perte de films parlants. Aussi, la découverte d’une copie égarée d’un de ces métrages suscite un sentiment particulier, eu égard à sa réputation ou au mythe qui le précède. Avec The Amusement Park, on tient une œuvre oubliée et même considérée comme mineure de la part de son réalisateur.

Tourné entre Season of the Witch et The Crazies, le présent métrage est un film de commande. George A. Romero est alors sollicité par la société luthérienne de Pennsylvanie pour une production amenée à dénoncer l’âgisme. Le contexte est étonnant, tout comme le traitement du cinéaste qui s’éloigne de la tonalité souhaitée par ses commanditaires. Preuve en est avec le tournage ultérieur d’une introduction et d’un épilogue pour atténuer la noirceur et la mélancolie ambiantes. D’ailleurs, on y retrouve l’intention initiale d’interpeller et de sensibiliser le spectateur sur ce problème de société. Ce dernier a beau se focaliser sur l’Amérique des années 1970, il n’en demeure pas moins universel.

« George A. Romero s’insinue dans les strates de l’épouvante. »

Sous couvert du drame social édicté par sa thématique principale, George A. Romero s’insinue dans les strates de l’épouvante. Celle-ci ne se base pas sur la résurgence de phénomènes paranormaux ou sur une horreur d’une violence explicite. Elle s’appuie sur des considérations pragmatiques, ancrées dans un quotidien aussi ordinaire qu’affligeant. Dans ce contexte, la parenthèse d’une sortie au parc d’attractions pourrait contraster avec le dénuement de la vie courante. Au contraire, elle exacerbe les tendances discriminatoires à l’encontre des personnes âgées. Cela tient à une condescendance affichée, à un mépris manifeste et à un dégoût quant au déclin de leur condition.

Chaque nouvelle incursion est l’occasion de dénoncer une dérive ou un problème propre aux seniors. On songe à la déshumanisation du secteur de la santé par des procédés administratifs absurdes, sans compter sur la difficulté d’accès aux soins. La solitude, l’argent ou la maltraitance (physique et psychologique) font aussi l’objet d’une évocation âpre et délétère. Ce n’est pas forcément l’agression des motards qui marque le plus les esprits. Plutôt cette indifférence omnipotente qui anime des êtres désincarnés. Il n’est pas question de morts-vivants, mais d’une foule dont le comportement est à la fois chaotique et insensé.

« Il subsiste une vacuité qui se fait l’écho d’un nihilisme clairement affiché. »

Preuve en est avec ces mouvements constants où le cadrage audacieux rend la lisibilité de la scène aléatoire, entretenant une perte de repères immuable. Cela tient à ces effets de contrechamp, ces angles excentrés ou cette ambiance sonore qui relève de la cacophonie. En filigrane, la figure symbolique de la mort guette, même si elle n’est pas la plus menaçante manifestation à l’écran. Traduite par une attraction spécifique, sorte d’allégorie de l’existence, chaque étape de vie mue en un calvaire où l’incompréhension de la situation se dispute à la souffrance du protagoniste. Une vie dont on ne saisit pas la teneur ni la nécessité. Il subsiste une vacuité qui se fait l’écho d’un nihilisme clairement affiché.

En conclusion, The Amusement Park est à la hauteur de sa réputation, de son aura. Sous forme de moyen-métrage, l’intrigue dépeint le portrait méprisable et néanmoins concret d’une société obnubilée par les apparences, elles-mêmes tributaires du rendement, de l’argent. D’un postulat qui ne tenait pas d’un projet personnel, George A. Romero réussit pourtant à s’approprier le sujet. Il développe un film où la réalité devient cauchemar. Ici, il n’est nul besoin de créatures surgies d’outre-tombe. La nature de l’homme suffit à traduire l’effroi. Celui d’un avenir dont tout un chacun s’y refuse, comme si personne ne devait vieillir ou mourir. Celui d’une illusion faite du quotidien. Une approche sans concession qui aura causé sans doute la perte du film, mais imposé son identité misanthrope. Une œuvre aussi courte que marquante où l’on considère, finalement, que la vie est un manège dont on ne ressort pas indemne.

Note : 17/20

Par Dante

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