De : Cédric Kahn
Avec Arieh Worthalter, Arthur Harari, Jeremy Lewin, Christian Mazzuchini
Année : 2023
Pays : France
Genre : Policier, Drame, Historique
Résumé :
En novembre 1975, débute le deuxième procès de Pierre Goldman, militant d’extrême gauche, condamné en première instance à la réclusion criminelle à perpétuité pour quatre braquages à main armée, dont un ayant entraîné la mort de deux pharmaciennes. Il clame son innocence dans cette dernière affaire et devient en quelques semaines l’icône de la gauche intellectuelle. Georges Kiejman, jeune avocat, assure sa défense. Mais très vite, leurs rapports se tendent. Goldman, insaisissable et provocateur, risque la peine capitale et rend l’issue du procès incertaine.
Avis :
Auteur au regard singulier, cela fait plus d’une trentaine d’années que Cédric Kahn réalise ses films avec la même passion. Ses films tournent beaucoup autour de la famille, de la vie de couple, de la représentation de la figure paternelle ou encore de l’identité. Parmi ses films, il faut mentionner, « Roberto Succo » qui suit la cavale d’un tueur en série, le très peu connu « L’avion« , ou encore « Vie sauvage« , « La prière« , ou l’excellent « Fête de famille« . La plupart de ses films vont dans la même direction, c’est-à-dire que le réalisateur, tout en cherchant le divertissement, cherche aussi à livrer un cinéma qui soit le plus réaliste possible.
Et en parlant de réalisme, son dernier film en date l’est énormément. Revenant sur des faits qui se sont produits dans les années 60 et 70, « Le procès Goldman » est une affaire terrible que ressort là Cédric Kahn, et il va en faire un film passionnant et étonnant.
Film de procès comme son titre l’indique, « Le procès Goldman » se pose comme un excellent cru pour son metteur en scène, qui livre là un grand film judiciaire. Cherchant encore et toujours le réalisme, « Le procès Goldman » est la reconstitution parfaite d’un procès. Ici, on ne sort quasiment jamais du palais de justice d’Amiens et en deux heures, Cédric Kahn va faire intervenir à la barre hommes et femmes, témoins, avocats et procureurs, pour un film captivant de sa première scène à sa dernière.
« »Le procès Goldman » est la reconstitution parfaite d’un procès. »
Novembre 1975 s’ouvre le deuxième procès de Pierre Goldman, un militant d’extrême gauche qui a sombré dans le banditisme. Accusé de quatre vols à mains armées, dont un qui s’est soldé par la mort de deux pharmaciennes, Pierre Goldman n’a jamais nié les trois des quatre braquages, par contre, il nie fermement le braquage de la pharmacie, et le meurtre des deux femmes. Ayant perdu lors de son premier procès, il fut condamné à la prison à perpétuité.
Georges Kiejman est le nouvel avocat de Goldman, et le jeune homme sait comment défendre son client. Or, son travail lors de ce second procès va être bien plus compliqué que prévu, car Pierre Goldman est un provocateur qui a ses idées bien à lui, et il n’a pas l’air de se rendre compte que le jeune avocat peut être sa porte de sortie.
Après la Palme d’or de Justine Triet, qui est elle aussi un film de procès, voici que sort le nouveau de Cédric Kahn, et le moins que l’on puisse dire, c’est que la sélection cannoise de cette année aura été très belle pour le genre, car encore une fois, c’est un très bon film qu’on trouve là. Un film très différent de celui de Justine Triet, et pourtant tout aussi bon ou presque.
« Cédric Kahn livre un film riche et intelligent. »
Pour ce film, Cédric Kahn nous replonge dans la France des années 70, pour y explorer une affaire, une personnalité et le système judiciaire. Captivant de bout en bout, « Le procès Goldman » est un film étonnant dans sa conception, car Cédric Kahn a décidé de livrer un film qui ne va être qu’un enchaînement d’interrogatoires. Pendant près de deux heures, le réalisateur va faire passer à la barre tout un tas de personnages qui ont un rapport avec l’affaire de près ou de loin. Il y a quelque chose de très clinique dans le film de Cédric Kahn et alors même que le procédé peut faire craindre l’ennui, car clairement, ça parle et ne fait que parler pendant deux heures, jamais l’ennui craint ne pointe le bout de son nez. Bien au contraire, son film et son scénario sont passionnants.
Avec cette affaire, Cédric Kahn livre un film riche et intelligent, qui analyse en profondeur l’affaire en question, mais aussi la personnalité de son personnage, et derrière ça, il y a les témoignages, les procédures, les expertises et les contre-expertises. « Le procès Goldman » est une sorte de fourmilière, où chacun est à sa place, et œuvre pour l’ensemble. Bien sûr, l’époque en question est intéressante et avec elle, le réalisateur aborde la politique de cette dernière, tout comme il explore la justice, le système judiciaire, et des sujets de société (racisme, préjugé, antisémitisme, sentiment de persécution, peine capitale…), dont certains d’entre eux sont encore d’actualité. D’ailleurs, il y en a même quelques-uns qui sont terriblement d’actualité, comme le tribunal populaire, qui s’appuie sur des « ressentiments » et sur des convictions sans vraiment de preuves, faisant presque la justice avant la justice.
« »Le procès Goldman » convoque d’excellents acteurs qui se livrent là à un joli concours d’éloquence. »
Fait d’interrogatoires et de contre interrogatoires, ce qui est génial ici, c’est qu’au fil des témoins, ce qui apparaissait au départ comme une certitude de culpabilité, se fissure petit à petit et ça, malgré parfois le côté irritant de Pierre Goldman, qui intervient pour tout et n’importe quoi, balançant parfois des théories fumeuses, qui peuvent foncièrement abîmer son image auprès des jurés. Parfois, le film en devient même tristement drôle, face au désarroi de ses avocats qui ne savent pas comment contenir leur client.
S’alliant au scénario, « Le procès Goldman » convoque d’excellents acteurs qui se livrent là à un joli concours d’éloquence. Tout en retenue ou parfois absolument pas, le film est là aussi terrible à suivre, tant Cédric Kahn et ses acteurs tiennent cette audience avec leurs mots. Il y a même une force de suspens qui s’installe, car au film des « conversations », on a l’impression que l’issue et le verdict de ce procès peuvent se jouer à n’importe quel moment. D’ailleurs, quand on parle des acteurs, ce « … procès Goldman » nous offre un très grand Arieh Worthalter qui trouve là un rôle incroyable et complexe. L’acteur belge, qu’on commence à avoir vu dans un paquet de bons films (« L’attentat« , « Les promesses de l’aube« , « Sympathie pour le diable« , « Pearl« ) est passionnant de bout en bout. Face à lui, ou à ses côtés, on pourra compter sur Arthur Harari, Stephen Gerrin-Tillié, Nicolas Briançon ou encore Paul Jeanson (que je découvre personnellement).
Ce douzième long-métrage de Cédric Kahn se pose donc comme un excellent et passionnant film de procès. Un film qui prend ses racines dans un fait divers et qui déterre une vieille histoire française. Parfaitement tenu, ne lâchant rien, intelligent dans ce qu’il raconte au travers de sujets et personnages qui sont tous intéressants, Cédric Kahn réussit encore une fois ce qu’il entreprend, et mieux encore, il nous donne envie, une fois l’écran noir, d’aller fouiller cette vieille histoire qui a tout l’air d’avoir encore beaucoup de zones de flou.
Note : 17/20
Par Cinéted
Une réflexion sur « Le Procès Goldman – Anatomie d’un Déchu »