mai 4, 2024

Sentinelle

De : Hugo Benamozig et David Caviglioli

Avec Jonathan Cohen, Raphaël Quenard, Emmanuelle Bercot, Gustave Kervern

Année : 2023

Pays : France

Genre : Comédie

Résumé :

François Sentinelle mène une double vie. Le jour, il est le flic le plus médiatique de l’Île de la Réunion, connu pour ses méthodes musclées et ses chemises à fleur, poursuivant les criminels à bord de son célèbre defender jaune. Mais hors des heures de service (et bien souvent pendant), Sentinelle a un autre métier : chanteur de charme. Tous les réunionnais ont dansé sur « Le Kiki », son tube de jeunesse aujourd’hui un peu embarrassant. Depuis quinze ans, il essaye de renouer avec le succès en préparant un nouvel album… sans succès. Mais entre la police et la musique, Sentinelle ne veut pas choisir. Alors qu’il reste affairé à ses concerts et la sortie de son album, une vague de crimes violents secoue l’île. Une figure de l’élite locale est kidnappée, une autre assassinée. Pour n’importe quel flic, ce serait l’affaire d’une vie. Mais Sentinelle, tout à sa musique, n’a pas vraiment la tête à enquêter.

Avis :

Certains acteurs français sont un peu catalogués dans la rubrique comédie, et on souvent du mal à s’en défaire. Cela concerne aussi bien des acteurs confirmés, comme Christian Clavier, mais aussi des acteurs qui deviennent presque des incontournables de nos jours. En ce sens, Jonathan Cohen s’est rapidement construit une image de comique à suivre. Avec Serge le Mytho, il s’est ouvert une voie royale qu’il n’a plus jamais quittée, que ce soit au cinéma ou pour la télévision, ou encore les plateformes de streaming. Après deux saisons d’une parodie de télé-réalité (La Flamme et Le Flambeau), voici que le jeune homme se lance dans un film exclusif pour Prime Video, Sentinelle. Comédie ringarde sur fond d’humour burlesque, ce film avait tous les ingrédients pour être un navet pur jus, de son casting à son histoire, et pourtant, il se passe quelque chose.

Alors oui, en premier lieu, il faut savoir où l’on met les pieds. Sentinelle est une comédie débile qui prend sa source autour d’un personnage cringe au possible, incarné par Jonathan Cohen, et certainement écrit uniquement pour lui. François Sentinelle est un policier raté, car il passe plus de temps à chanter et sortir des albums de musique, que de bien faire son travail. Malheureusement pour lui, ses musiques sont tout aussi ringardes que ses accoutrements hawaiiens, et il va être dépêché par une élue locale pour la protéger d’une supposée bande terroriste à tendance indépendantiste. Aidé par son compère qui est très compétent, François Sentinelle va pourtant être le point tournant d’une mascarade (sèche donc ton mascara) visant les politiques de l’ile. Le pitch est simple au possible, les cartes se grillent rapidement, mais ce n’est pour cela que le film est raté, bien au contraire.

« Il est évident qu’il faille prendre ce film au trente-huitième degré. »

Il est évident qu’il faille prendre ce film au trente-huitième degré. L’humour y est lourdingue, certains passages sont de petites saynètes qui n’ont pas vraiment d’intérêt, et pourtant, sur sa longueur, ça marche. Pourquoi ? En premier lieu parce que malgré tout, les personnages sont attachants. François Sentinelle est un looser de première catégorie et les rejets qu’il subit ne peuvent que nous toucher. On ne peut qu’être peiné par ce type qui se la raconte, mais qui est conscient de sa perte de vitesse. Ses pétages de plomb en public sont là pour en attester. C’est toujours drôle, mais il est tellement pathétique qu’à quelque part, il remue un petit truc en nous. Parce que oui, François Sentinelle pourrait être l’un d’entre nous, celui qui veut tellement croire en ses rêves, qu’il en oublie sa médiocrité. En fait, ce type est humain, tout simplement.

Et même si les vannes sont grossières, et que parfois, il joue trop la carte du too much pour imposer un personnage déluré, le film trouve tout de même quelques fulgurances, notamment dans la dualité entre Jonathan Cohen et Raphaël Quenard. En effet, ce dernier a une voix et une physique qui pourrait facilement le faire passer pour un idiot, mais il est le cerveau de la police, celui qui veut bien faire, et qui est le plus intelligent. Cela contraste avec Sentinelle qui, d’apparence, peut sembler sûr de lui et confiant, mais il est clairement un débile qui veut trop croire en sa gloire et son avenir dans la chanson. Une carrière dans la musique qui trouve un écho à celle de Franky Vincent, se moquant alors allègrement de ces chanteurs « comiques » qui espèrent faire carrière dans un autre registre, mais dont tout le monde se fout.

« Avec ce film, on navigue toujours entre deux sentiments contradictoires. »

Cela permet de présenter des séquences assez drôles, bien que balourdes. On pense au tournage du clip sur la plage, avec cet extrait musical ringard mais si addictif, ou encore le dialogue improbable avec une marionnette. Et c’est là que l’on voit le « génie » de ce film, qui trouve des moments hors du temps et vraiment intéressants. Le passage avec la marionnette qui s’appelle Vérité est maîtrisé à la perfection et se révèle d’une drôlerie sans faille. Il est dommage que parfois, ça va trop loin, comme la séquence finale entre Bercot et Cohen, où on rentre en plein dans un délire qui n’a pas vraiment de sens et manque de finesse d’écriture. Avec ce film, on navigue toujours entre deux sentiments contradictoires, des passages qui ne sont pas réussis et flirtent avec le mauvais goût, et d’autres qui sont surprenants, en plus d’être très drôles.

Cette inégalité a son charme, mais elle peut aussi rebuter plus d’une personne. On pourrait même croire que le film a été fait par-dessus la jambe, tant il y a de faux-raccords, mais c’est tellement gros que l’on peut se demander si ce n’est pas fait exprès. Le film bénéficie aussi de personnages secondaires peu intéressants, et qui ne sont pas forcément attachants. On pense à Emmanuelle Bercot qui en fait des caisses, ou un Gustave Kervern effacé, mais qui se doigte le cul dès qu’on le voit. Voilà un exemple de lourdeur dont le film aurait pu se passer.

Au final, Sentinelle est un film dans lequel il y a à boire et à manger, et il faut savoir dans quoi on met les pieds avant de lancer la lecture. Comédie burlesque et qui n’a pas vraiment de sens, elle possède pourtant une mise en scène inspirée, qui n’hésite pas à plonger dans l’action quand il le faut. Malgré des gags lourds et un personnage d’une grande stupidité, le film se révèle attachant par son côté assumé et son envie de manier les genres tout en restant dans un pastiche graveleux. Bref, ce n’est pas si désagréable que ça, pour peu que l’on accepte de rentrer dans le délire.

Note : 14/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

Voir tous les articles de AqME →

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.