Résumé :
L’histoire nous raconte les événements qui vont se dérouler pendant une soirée. Les moniteurs d’un camp profitent d’une dernière fête, sans enfants à gérer et personnes pour leur en empêcher. C’est alors que cette petite sauterie se transforme en cauchemar. Une menace belliqueuse s’en prend au groupe. Arriverez-vous à survivre à cette nuit infernale ?
Avis :
Sans pour autant être précurseur des jeux d’horreur narratifs, Supermassive Games s’est imposé comme un développeur incontournable dans ce domaine. Au milieu des années 2010, Until Dawn a marqué les esprits, tant pour son atmosphère immersive que pour son aspect ultraréférentiel. Il en ressortait une expérience pleine de tensions et de dilemmes qui, encore aujourd’hui, demeure une référence. Après The Inpatient, entre autres, l’équipe de Guildford s’est attelée au projet Dark Pictures Anthology. Une itération de leur prédécesseur qui, au fil des épisodes, souffrait d’archaïsmes dans le gameplay, voire d’intrigues poussives.
Une approche qui fait la part belle aux personnages
Avec des productions vidéoludiques aux qualités fluctuantes, l’annonce de The Quarry peut évoquer autant de perplexité que d’enthousiasme. En cause, des histoires au potentiel évident qui se heurte à un rythme de développement plus soutenu. Au vu de son contenu et de son approche, le présent jeu s’éloigne du format épisodique annuel pour constituer un récit moins emporté et davantage patient dans sa mise en contexte. Sans pour autant repenser les fondamentaux du cinéma d’horreur, le scénario délaisse quelque peu l’aspect sensationnaliste et simpliste du slasher.
De fait, on découvre un travail soigné quant à la caractérisation des protagonistes. Au départ, il est vrai que l’on assiste à une présentation de portraits caricaturaux où les codes sociaux régissent le comportement des différents intervenants. Pour autant, le jeu développe leur personnalité et leur réaction à travers des motivations sous-jacentes. En règle générale, les séquences fonctionnent par binôme. Ce qui permet d’entamer des conversations pour mieux les connaître. Bien que la progression reste plus posée qu’Until Dawn, ce choix ne fait guère office de remplissage et ne casse pas le rythme de l’intrigue.
Quand la fin des vacances approche…
À l’image des précédentes productions du studio britannique, The Quarry avance une histoire percluse de clins d’œil, d’allusions au septième art, plus particulièrement aux productions des années 1980 et 1990. Au vu du cadre, il est aisé de songer à la saga Vendredi 13. De manière plus globale, on retrouve une influence propre à tous les slashers se déroulant dans un camp de vacances. Par exemple, Sleepaway Camp, Carnage ou Madman. À cela s’ajoutent des références à Evil Dead, Massacre à la tronçonneuse et Délivrance, dans une certaine mesure. Cet aspect reste bien intégré au sein du jeu, car il ne supplante pas l’intérêt porté à l’intrigue elle-même.
Exception faite du prologue, les premiers chapitres amorcent la fin des grandes vacances. En cela, l’atmosphère crépusculaire tient autant à la fin de journée qu’au terme d’une époque. Il en émane un sentiment de nostalgie ponctué de regrets, d’attentes inassouvies, le tout magnifié par un cadre naturel d’exception. Celui-ci suggère déjà l’isolement des lieux, synonyme d’une sensation de prise au piège. Au demeurant, les jeux de lumière sont sublimes. Ils augurent, par la suite, une gestion subtile de l’éclairage lors d’incursions où l’obscurité est prépondérante ; d’une clarté chiche au rendu diaphane de la pleine lune.
Au bal des festivités référentielles, le cinéma est roi
L’une des grandes forces de The Quarry réside dans sa réalisation. Au vu des intentions initiales, la mise en scène tient davantage du cinéma que du jeu vidéo. On songe à cette manière d’exposer les séquences, à dynamiser l’action par un cadrage rapproché ou au déroulement des évènements. Bien que de nombreux indices éventent rapidement le cœur du mystère, la structure narrative reste maîtrisée avec une montée en tension progressive. Par ailleurs, l’alternance des points de vue aide aussi à entretenir un minimum de suspense ou d’intérêt.
Certes, on n’échappe pas à l’usage de quelques ficelles éculées ou à d’évidentes facilités scénaristiques. Les amateurs de cinéma de genre ne se sentiront guère floués par des retournements de situation opportuns ou une tournure qui se révèle moins manichéenne qu’escomptée. De même, certaines transitions ne présentent pas toujours une fluidité irréprochable. Plusieurs changements de ton affichent un clivage trop prononcé avec les précédentes séquences. Ce qui délaye parfois de menues incohérences dans les réactions, voire dans le scénario lui-même.
Massacre au camp d’été : l’inéluctabilité du choix ?
Étant donné le passif et les ambitions des développeurs, la notion de choix constitue l’épicentre de The Quarry. Le procédé a beau se montrer intéressant dans ses fondamentaux, il n’en demeure pas moins un concept à double tranchant. À l’instar de Little Hope, on peut craindre des décisions qui portent à peu de conséquences. En ce sens, il est vrai que les QTE restent toujours aussi permissifs. Le délai d’exécution est large pour effectuer les actions demandées. Il suffit de ne pas relâcher son attention et être prêt à réagir au bon moment.
Du reste, l’orientation qu’emprunte le joueur présente de nombreux cheminements possibles. Cela tient à la survie des protagonistes, ainsi qu’à la découverte de différents aspects de l’histoire. Ces derniers concernent autant le passé des lieux, faits divers tragiques à l’appui, que la progression du récit dans la ligne temporelle principale. En revanche, les interactions entre les personnages sont moins soutenues qu’auparavant. En d’autres termes, on distingue toujours leurs considérations vis-à-vis de leurs pairs, mais elles sont moins assujetties à la tournure des évènements.
Des vacances estivales qui s’éternisent ?
Quant à la durée de vie, on oscille vers la dizaine d’heures pour boucler l’excursion au camp The Hackett’s Quarry. Avec une progression linéaire et sans obstacle particulier, le titre ne présente aucune difficulté notable. De même, les déplacements et les interactions sont simples à maîtriser, même pour des joueurs débutants. Afin de pousser à un minimum d’exploration dans les angles morts, le jeu propose de récupérer des preuves, des articles de presse et autres objets. Ceux-ci permettent d’en découvrir davantage sur la famille Hackett et leur propriété.
La complétude des items disséminés çà et là peut encourager à prendre son temps, à s’imprégner de l’atmosphère des lieux, et ce, en dépit d’un danger latent. Quant au principe de rejouabilité, il s’appuie uniquement sur la possibilité d’expérimenter les différents embranchements narratifs, au fil de la dizaine de chapitres et du prologue. Au regard de certains choix, on peut toutefois regretter un dénouement expéditif qui néglige certains pans de l’histoire selon les précédentes décisions prises.
En conclusion…
Au final, The Quarry délaisse les errances des jeux de la Dark Pictures Anthology pour s’imposer comme le digne successeur d’Until Dawn. Le titre de Supermassive Games se distingue par son ambiance, sa capacité à immerger le joueur qui, à de nombreuses reprises, se retrouve aussi dans le rôle du spectateur. Actif ou impuissant à l’issue de choix et de QTE à l’importance mesurée, ce dernier est confronté à nombre de dilemmes, où il est parfois nécessaire de réagir dans l’urgence. Dès lors, la découverte de l’intrigue peut être très différente d’une partie à l’autre.
À cela s’ajoute une mise en scène cinématographique de qualité, ainsi qu’un travail sur les personnages plus appuyé qu’à l’accoutumée. En dépit de modestes maladresses scénaristiques et d’une prévisibilité de circonstances, il n’en demeure pas moins que le récit reste plaisant à suivre. Pour ne rien gâcher, le casting s’auréole de figures connues (Lance Henriksen, David Arquette, Ted Raimi, Ethan Suplee…), d’un doublage convaincant et d’un sound design immersif. Il en ressort une expérience vidéoludique horrifique recommandable à bien des égards.
Note : 16/20