Avis :
L’univers du métal est tellement riche que l’on en arrive à avoir des mélanges incongrus, qui peuvent parfois prendre à revers. Certains se souviennent encore d’un crossover entre de l’électro Hardcore et du Deathgrind pour un résultat des plus méphitiques. Pour autant, on peut retrouver des idées de génie et des fusions qui fonctionnent à plein régime. On peut facilement évoquer le chant gospel à tendance Black Metal de Zeal & Ardor, ou encore le Ragga Métal de Skindred. Né sur les cendres encore brûlantes de Dub War, qui a eu de gros soucis avec Earache Records, Skindred va se servir allègrement de la voix de son frontman, Benji Webbe, pour fournir un genre à part, où le chant ragga côtoie de gros riffs bien gras. Tirant parti de cette identité propre, les gallois sortent cette année leur huitième album studio avec Smile.
Sans changement dans leur line-up depuis 2002, Skindred va proposer un nouvel effort qui est à leur image et qui réserve peu de surprises. On y retrouve tous les ingrédients de ce Nu-Ragga, même si on pourra noter quelques titres plus étonnants, qui s’éloigne volontairement du trait violent propre au métal pour plonger pleinement dans un ragga reggae du plus bel effet. Mais quand on aborde Our Religion, le premier morceau de l’album, on est clairement dans une synthèse parfaite du groupe, qui utilise tout ce qu’il sait. Les riffs à la gratte sont brutaux et lourds, alors que la voix de Benji va accentuer un aspect raggaton. Le mélange est loin d’être désagréable, et il s’avère même relativement sympathique. Cependant, on peut se poser la question d’une efficacité sur scène, tant il y a aussi des arrangements un peu électro qui viennent épaissir le tout.
Mais là où le groupe est le plus à l’aise, c’est lorsqu’il s’agit de sortir des gros tubes avec des refrains imparables qui rentrent immédiatement en tête. Et Gimme That Boom en est l’exemple parfait. Ici, il ne faut rechercher la moindre finesse dans les paroles, mais juste une envie de frapper fort et de faire danser dans la fosse. Les couplets Ragga se mêlent parfaitement aux riffs métal, offrant le côté « dansant » du morceau, puis les refrains viendront compléter ce moment joyeux et entêtant. Set Fazers conclura cette trilogie de départ, suivant un chemin similaire, bourré d’énergie et de volonté de créer des circle pit. Ce n’est d’ailleurs pas étonnant que le groupe choisissent ce titre pour leur entrée sur scène sur cette tournée, même si, encore une fois, les arrangements électro perdent leur efficacité en plein air.
On peut parler de trio de départ, car par la suite, le groupe va aller vers des morceaux qui sont moins vifs, ou tout du moins qui se veulent plus complexes. Alors bien évidemment, on ne va pas chercher dans le domaine du Prog, mais on est moins sur des titres taillés pour la scène. Life That’s Free vient mélanger toutes les références du groupe pour aboutir à un bon titre, un poil plus doux que les trois titres précédents. Alors que If I Could lorgne presque vers une Pop décomplexée, qui s’abrogerait de quelques règles mainstream pour fournir un riff un peu plus nerveux que le tout-venant. Ce n’est pas forcément dérangeant, mais ça reste moins percutant que le démarrage de l’effort. Quant à L.O.V.E. (Smile Please), on est carrément sur le deuxième versant de la formation, qui livre un aspect festif dans un registre reggae très prononcé.
Ce côté reggae va être très présent dans les morceaux suivants. Skindred semble muter en cours de route, délaissant un peu le côté métal pour glisser vers quelque chose de plus calme. This Appointed Love débute comme un reggae des plus classiques, et si on retrouve de gros riffs brutaux dans les refrains, c’est surtout l’aspect posé qui reste en tête. Le titre est plaisant et très bon, mais il repose sur un équilibre assez précaire. Black Stars joue la carte du refrain « Pop » au sein d’un ensemble très virulent. Le résultat est très bon, même si, une fois n’est pas coutume, on voit mal comment ce titre pourra se défendre sur scène, notamment avec les chœurs des enfants qui donnent plus d’envergure au morceau. State of the Union marquera moins les esprits à cause de son aspect mid-tempo pas très intéressant.
Puis Addicted penchera vers le côté ragga du groupe, mais sans être vraiment intéressant. Au contraire de Mama, un pur titre reggae/ragga, qui délaisse complètement le métal, mais qui s’avère très plaisant. Il y a un côté très joyeux qui se dégage de l’ensemble, et c’est presque une invitation à danser, alors que le tout est relativement calme. Enfin, avec Unstoppable, le groupe renoue avec les débuts de l’album, fournissant quelque chose de percutant, qui détient un vrai refrain mémorable. Il est d’ailleurs étonnant que la construction de l’album soit ainsi, avec un seul morceau qui renoue avec le démarrage, perdant en efficacité en son milieu. Il y avait peut-être un agencement de playlist plus malin à faire pour rendre l’album plus percutant.
Au final, Smile, le dernier album de Skindred, est un effort qui se révèle efficace et plutôt plaisant. Alternant des morceaux métal avec d’autres plus reggae, le groupe évite de tomber dans le piège de plus l’un ou l’autre. Néanmoins, on remarquera que petit à petit, Smile semble délaisser la violence pour aller vers quelque chose de plus joyeux, mais aussi de moins percutant. Heureusement, le dernier morceau rattrape ce ventre mou, rappelant que les gallois ont une recette bien à eux pour nous faire danser et nous mettre le « smile » sur le visage.
- Our Religion
- Gimme That Boom
- Set Fazers
- Life That’s Free
- If I Could
- L.O.V.E. (Smile Please)
- This Appointed Love
- Black Stars
- State of the Union
- Addicted
- Mama
- Unstoppable
Note : 14/20
Par AqME