Auteur : Kim Stanley Robinson
Editeur : Bragelonne
Genre : Science-Fiction
Résumé :
2047 : l’homme a colonisé la Lune, territoire divisé par les grandes nations.
L’Américain Fred Fredericks fait son premier voyage là-haut, afin de livrer un appareil de communication ultrasécurisé à un haut fonctionnaire de l’Autorité lunaire chinoise. Mais quelques heures seulement après son arrivée, il se voit impliqué malgré lui dans un assassinat et mis au secret par des agents mystérieux.
Ta Shu, célèbre vlogueur, visite également le satellite pour la première fois. Malgré ses contacts et son influence au cœur du pouvoir en Chine, lui aussi découvrira que la Lune est un endroit dangereux pour tout voyageur.
Et enfin, il y a Chan Qi. Fille du ministre des Finances chinois, elle est sans aucun doute une « personne d’intérêt » pour les autorités de son pays. Renvoyée clandestinement en Chine à cause de ses agissements, elle va tout faire changer… sur la Terre comme sur la Lune.
Avis :
Parmi les grands noms de la science-fiction, Kim Stanley Robinson propose une œuvre littéraire essentielle dans le genre. Entre anticipation technologique, préoccupations écologiques et explorations spatiales, l’auteur y fait autorité, notamment avec la trilogie de Mars. Il est connu, entre autres, pour son sens de la narration fouillée, le réalisme de ses intrigues, ainsi que cette capacité à extrapoler le devenir de l’humanité à plus ou moins longue échéance. Présenté sous forme de one-shot, Lune rouge s’avance comme une itération futuriste à court terme où l’on se projette en 2047. Période où la lune est une colonie terrestre, elle-même subdivisée en territoires pour les pays occupants.
De prime abord, l’incursion se veut entraînante et immersive. À l’image d’un des protagonistes, on découvre ce paysage lunaire dans une désolation toute fascinante. Le dénuement ambiant contraste avec les installations humaines, ainsi que les différents espaces de vie. En cela, l’entame est réussie et pose les bases de l’intrigue avec une potentielle enquête à la suite d’un assassinat. Aux enjeux géopolitiques, on distingue une affaire autrement plus complexe que le laissent suggérer les apparences. Sans pour autant s’orienter vers un récit policier, on dispose de tenants à même de retenir l’attention quant aux véritables desseins des partis en puissance.
Néanmoins, l’évolution de l’histoire n’est pas celle escomptée. Cela passe tout d’abord par le cadre. Les secteurs font surtout l’objet d’évocations didactiques avec peu d’exploration, encore moins en dehors des bâtiments. Cet aspect reste décevant, car il présente une importance notable en de telles circonstances. De même, on s’éloigne bien vite de notre satellite naturel. Certes, le retour sur Terre nous confronte à une réalité autrement plus pesante. Cependant, le changement d’atmosphère (au propre, comme au figuré) se heurte à des problèmes de rythme et un récit qui paraît hors contexte au regard du développement de la première partie.
Les personnages ont beau être travaillé, la qualité de l’écriture au rendez-vous, il n’en ressort pas moins une frustration évidente. En effet, l’idée initiale s’avance surtout comme un prétexte et non le cœur de l’intrigue. En ce sens, la lune ne fait pas l’objet de toutes les convoitises, mais se révèle le théâtre de méfaits et de jeux de faux-semblants. Preuve en est de ce constat, on multiplie les allers-retours entre la Terre et la lune à deux ou trois reprises au cours du récit. Les voyages paraissent non seulement anodins en raison de leur simplicité, mais traduisent une redondance évidente sur le déroulement des évènements. Aspect répétitif auquel peut même découler de l’inconstance.
Ce dernier point fait notamment référence au discours politique qui s’ensuit. L’auteur délaisse la progression de son intrigue pour se perdre dans un brûlot dont la teneur reste encore à déterminer. De la révolution de 1911 aux manifestations de la place Tian’anmen, il évoque le passé de la Chine avec plus ou moins de complaisance. On distingue quelques élans nostalgiques, puis des jugements sentencieux et radicaux. Et cela ne tient pas au point de vue des protagonistes. De même, la dissidence que ces derniers fomentent va en contradiction avec leurs valeurs ou leurs propos. D’attentats en tentatives d’infiltration pour prendre le pouvoir, on développe un peu tout et n’importe quoi pour prolonger leurs actions, au détriment d’une approche vraisemblable et cohérente.
Au final, Lune rouge s’avance davantage comme un thriller d’anticipation bancal qu’un roman de science-fiction à part entière. Certes, la caractérisation des personnages et le sens de la description de l’auteur sont à louer. Pour autant, l’intrigue fait montre d’inconstance et pâtit de nombreuses errances. Même si l’on fait l’impasse sur certaines séquences dispensables, l’histoire préfère discourir sur la politique passée et à venir. On s’égare alors dans des considérations tendancieuses et versatiles sur le régime chinois, le communisme. Guère convaincant dans ses propos, le roman de Kim Stanley Robinson multiplie les détours complexes pour aboutir à des conséquences simplistes et à un dénouement précipité. Un peu comme si l’auteur se rendait compte qu’il était temps de conclure. À l’image des personnages principaux, on reste dans l’expectative sans que ce choix se révèle pertinent.
Note : 11/20
Par Dante