avril 28, 2024

Détention Saison 1

D’Après une Idée de : Shih-Keng Chien

Avec Ning Han, Ling-Wei Lee, Huang Guanzhi, David Chao

Pays : Taïwan, Chine

Nombre d’Episodes : 8

Genre : Horreur

Résumé :

Une élève tourmentée découvre des secrets inquiétants dans son lycée reculé alors que trahisons et phénomènes surnaturels bouleversent sa vie.

Avis :

Hormis quelques exceptions, les adaptations vidéoludiques sur grand écran sont rarement une réussite. Au mieux, ce type de productions peut prétendre à un statut d’honorable divertissement. Les titres à teneur horrifique ne sont pas en reste. On songe à Resident Evil, Silent Hill Revelations, House of the Dead ou encore Alone in the Dark. Autant d’exemples représentatifs d’une mécompréhension totale du matériau originel, le tout affublé d’ambitions mercantiles et d’un opportunisme mal placé. À la télévision et jusqu’à récemment, les adaptations de jeux vidéo se font plus rares et s’auréolent d’un cachet tout aussi douteux. Il suffit de constater le piètre Resident Evil : Infinite Darkness pour s’en convaincre.

Dans ces conditions, une production Netflix qui a pour projet de reprendre l’univers d’un titre indépendant n’est pas sans crainte ni risque. Sorti en 2017, Détention est un jeu horrifique qui se déroule dans les années 1960, plus précisément à Taïwan en pleine période de la Terreur blanche. Au même titre que le gameplay, la direction artistique n’est pas sans rappeler celle de Coma, à la différence prête que le discours politique lorgne du côté du drame social. De même, la série succède au film éponyme de John Hsu, paru en 2019. Il s’agissait d’une première adaptation qui, elle, prenait également place dans les sixties. Au vu de son contexte (les années 1990), on peut considérer la présente série comme une suite indirecte qui reprend, peu ou prou, les fondamentaux de l’œuvre vidéoludique de Red Candle Games.

Au regard des premiers épisodes, la première impression laisse pourtant perplexe quant aux intentions avancées. Certes, l’atmosphère est soignée et a le mérite de mettre en condition par l’austérité des lieux. On songe notamment à diverses influences telles que Coma, Another et, dans une certaine mesure, Higurashi. Cette dernière référence tient surtout à ce traitement nébuleux du mystère, où les phénomènes paranormaux sont aussi déstabilisants que les évènements passés. Pour autant, on constate que la partie horrifique reste dans les standards de productions asiatiques similaires. Là encore, l’immersion dans ce bâtiment désaffecté de l’école est maîtrisée et distille une fragrance glauque. Cependant, les manifestations surnaturelles sont attendues, tout comme les jumpscares.

Dès lors, on croit assister à une série linéaire et basique dans son appropriation du genre. C’était sans compter sur une évolution relativement imprévisible, et ce, à plusieurs niveaux. Cela concerne tout d’abord l’orientation de l’histoire vers des préoccupations plus pragmatiques et rationnelles qu’escomptées. Au fil du récit, l’univers scolaire s’arroge les atours d’une rigueur martiale, sinon carcérale. Cette sensation de prise au piège reste vivace tout au long de la série. Elle supplante même les considérations paranormales évoquées en amont. Dès lors se pose la question sur la notion d’apprentissage et la nécessité de réfléchir par soi-même, où il faut s’affranchir des carcans sociétaux et de l’uniformisation de la pensée.

Afin d’apporter davantage de poids à ces propos séditieux, on s’attarde aussi sur la partialité du corps professoral. Selon les personnages concernés, on assiste à des réactions dichotomiques où les pressions hiérarchiques se heurtent à leurs propres valeurs. Ne fût-ce qu’à travers les aspirations nourries pour leurs élèves, on vaque d’espoirs en contradictions. Cet état de fait est d’autant plus intéressant à constater qu’il s’exacerbe sous le joug de l’autoritarisme ambiant et s’exprime également (mais d’une façon plus timorée) avec d’autres formes de régimes. Cela sans compter sur l’ambivalence des intentions qui s’insinuent entre élèves et professeurs, rendant les relations équivoques.

Sur fond de folklore local, on n’en oublie pas l’aspect horrifique avec une ultime partie qui entremêle tous ces éléments ; qu’ils soient d’ordre réaliste ou paranormal. En ce sens, le renversement des points de vue et l’incursion dans les années 1960 apportent des éclaircissements via les évènements passés, évoqués jusqu’alors à la manière de légendes urbaines. Ici, on constate une redondance cyclique dans les actes qui amène à réitérer les drames vécus par les protagonistes. On songe aux réactions méprisantes ou aux agressions subies par les personnages féminins, ainsi qu’à cette annihilation des esprits indépendants, sans distinction de sexe aucune. De cet état de fait, la véritable horreur découle de considérations réelles et non de phénomènes surnaturels.

Au final, Détention surprend dans le bon sens du terme. Malgré un démarrage conventionnel et sans fulgurance, cette série Netflix évolue vers un traitement beaucoup plus nihiliste qu’attendu. On en oublierait presque qu’il s’agit d’une adaptation vidéoludique. Tout en conservant le contexte de la Terreur blanche et le trauma qui en résulte pour les générations suivantes, la scénarisation s’éloigne du matériau de base pour se forger sa propre histoire. En l’occurrence, on apprécie cette continuité narrative où les intrigues sont complémentaires. Ici, Détention développe un discours pertinent et méticuleux quant à l’importance de l’éducation, de la transmission du savoir. Il en ressort une production engagée, nantie d’une atmosphère sombre et oppressante du plus bel effet.

Note : 15/20

Par Dante

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