octobre 14, 2024

Thirteen

De : Catherine Hardwicke

Avec Holly Hunter, Evan Rachel Wood, Nikki Reed, Jeremy Sisto

Année : 2003

Pays : Etats-Unis

Genre : Drame

Résumé :

Après avoir vu Evie et ses copines se « servir » froidement dans une boutique de mode, Tracy vole un sac à main richement garni. L’argent dérobé lui sert de viatique : il n’en faut pas plus que cela pour intégrer la bande, et après quelques plans fringues, Tracy devient la nouvelle protégée d’Evie.
Avec les encouragements de son inséparable « mentor », relookée, tatouée, la langue et le nombril percés, Tracy découvre très vite les clés de la popularité et l’art de plaire aux garçons.
Constatant chez Tracy les signes de plus en plus nombreux d’une dérive accélérée, Melanie finit pourtant par s’inquiéter et décide vaille que vaille de reprendre sa fille en main. Trop tard peut-être…

Avis :

La crise adolescente, voilà un thème qui passionne depuis longtemps les réalisateurs de tout bord et de tout pays. Il faut dire qu’on en bouffe presque toutes les années, à un tel point qu’entre expérience personnelle et réécriture de faits réels, on a parfois une sensation de redondance dans le spleen adolescent. Pourtant, certains films marquent plus que d’autres car ils osent aller plus loin. Il est difficile de ne pas penser à la filmographie de Larry Clark ou Gregg Araki, qui sont allés très loin dans la descente aux enfers d’adolescents en manque de repères. Pour autant, Catherine Hardwicke, qui s’est malheureusement plus fait connaître pour le premier chapitre de Twilight, a signé un premier film étonnant, qui plonge dans la « Girl Attitude » des années 2000. Avec Thirteen, on se rapproche d’une autodestruction qui fait mal, montrant comment l’influence peut avoir des effets dévastateurs.

Co-écrit par Nikki Reed qui n’avait alors que quinze ans, Thirteen raconte l’histoire de Tracy, une jeune adolescente un peu transparente qui va faire la connaissance d’Evie, une camarade de classe qui a de la notoriété. Réussissant à se rapprocher d’elle, Tracy va connaître la « Girl Attitude » en volant des fringues et de l’argent, en se droguant, en se faisant des piercings et en côtoyant des garçons. Jusque-là bonne élève, Tracy devient l’ombre d’elle-même sous l’influence d’Evie, qui franchit toutes les limites. D’après les dires de ses auteurs, le film est une tranche de vie de Nikki Reed, qui va raconter ses excès de jeunesse, alors qu’elle n’avait que treize ans. Une plongée abrupte dans une quête d’identité et de reconnaissance, où chacun veut devenir une idole et être adulé par les autres. Quitte à passer pour une trainée ou une fille facile.

« Le film dénonce aussi la mauvaise influence et l’attrait que peut avoir la facilité. »

Bien évidemment, le point fort du film réside dans son scénario et dans les messages qu’il véhicule. Loin de juger ces gamines qui cherchent à plaire et à vivre pleinement, Thirteen est surtout un zoom sur une classe moyenne qui tente de bien vivre comme elle peut. Tracy succombe aux charmes d’Evie car elle voit sa mère galérer en faisant coiffeuse à domicile, car elle a envie de s’acheter des fringues ailleurs que dans une friperie, car elle rêve d’une vie meilleure et plus simple. En ce sens, le portrait sociétal dépeint est assez fort et montre les galères du quotidien, autour, pourtant, de gens qui s’aiment et qui se serrent les coudes. Un monde imparfait, où la drogue circule facilement, mais un monde qui essaye de joindre les deux bouts et de prendre du plaisir là où il y en a.

A côté de ça, le film dénonce aussi la mauvaise influence et l’attrait que peut avoir la facilité. Evie est une fille torturée, qui n’a plus de mère et qui est hébergée chez une cousine qui boit, fume, se drogue et fait de la chirurgie plastique. De ce fait, sans repère, elle va faire toutes les bêtises possibles, et elle va entrainer Tracy dans cette spirale, y trouvant un intérêt, un toit et de la bouffe gratuite. Là encore, Thirteen fait preuve d’une grande maturité autour de l’influence des pubs et des marqueurs culturels de l’époque, avec des filles qui veulent ressembler à leurs stars et abordent un look agressif et vulgaire (string qui dépasse, crop-top, etc…). Loin de juger ces pauvres gamines, la réalisatrice pointe aussi du doigt une société violente, visuellement, avec des idéaux douteux.

« Sa réalisation est très sèche, au plus proche des personnages, afin de donner un sentiment de documentaire. »

Enfin, un dernier point est important dans ce récit, les parents. Car si Evie vit chez sa cousine qui la laisse faire ce qu’elle veut, ce n’est pas la même tambouille pour Tracy. En effet, cette dernière vit avec sa mère, qui est aimante et tente de tout faire pour le bonheur de ses enfants. Mais il y a l’absence du père. Ce dernier ne sera présent que sur une scène, où il explique qu’il travaille et ne peut pas s’occuper de sa fille. Alors même que cette dernière est en perdition. Heureusement, le beau-père est présent, mais il est rejeté, considéré comme un looser, et ne peut pas prendre la place du père. De ce fait, il y a la problématique de la figure paternelle qui s’impose, montrant un manque affectif fort et décrivant un sentiment d’abandon qui fait mal.

Tout cela est mélangé dans la mise en scène très brute de Catherine Hardwicke. Sa réalisation est très sèche, au plus proche des personnages, afin de donner un sentiment de documentaire. Les virées de nuit dans les rues éclairées au néon sont très vives, avec un sentiment de perdition. On peut penser à Requiem for a Dream de Darren Aronofsky, où l’on retrouve des moments virevoltants et frénétiques. Le problème, c’est que ce n’est pas toujours beau ou bien fichu. On ressent les scories d’une première réalisation, avec une volonté de faire quelque chose de très brut, et parfois expérimental. Mais cela ne prend qu’à moitié et on plonge parfois dans une vulgarité qui manque de subtilité. En gros, ça veut faire du Larry Clark, mais ça n’y arrive qu’à moitié, la faute à une mise en scène qui bredouille. Et une lumière grossière pour appuyer des sentiments.  

Au final, Thirteen est un drame assez rude qui nous plonge dans un univers sombre, où des adolescentes s’autodétruisent pour tenter de vivre pleinement et se faire connaître. On ressent cette quête d’identité et cette descente où deux jeunes filles se cherchent dans un monde cruel et vide de sens. Il est juste dommage que la mise en scène ne soit pas à la hauteur, et cherche à faire trop clinquant, dénaturant un propos qui n’avait pas besoin de sombrer dans un mélo larmoyant sur sa fin. Mais Evan Rachel Wood et Nikki Reed sont impressionnantes, tout comme Holly Hunter en mère inquiète. Et c’est déjà pas mal.

Note : 15/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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