De : Andrew Dominik
Avec Ana de Armas, Bobby Cannavale, Adrien Brody, Julianne Nicholson
Année : 2022
Pays : Etats-Unis
Genre : Biopic
Résumé :
Adapté du best-seller de Joyce Carol Oates, BLONDE est une relecture audacieuse de la trajectoire de Marilyn Monroe, l’une des icônes hollywoodiennes les plus atemporelles. De son enfance tumultueuse à son ascension fulgurante et à ses histoires d’amour complexes – de Norma Jean à Marilyn –, BLONDE brouille la frontière entre réalité et fiction pour explorer l’écart de plus en plus important entre sa personnalité publique et la personne qu’elle était dans l’intimité.
Avis :
Aujourd’hui, c’est en Nouvelle-Zélande qu’on s’arrête pour intéresser à ce grand cinéaste qu’est Andrew Dominik. Réalisateur peu prolifique, il n’a réalisé que quatre films en vingt-deux ans de carrière, Andrew Dominik est un réalisateur qui aime prendre le temps de la réflexion et mûrir ses projets. L’envie de réaliser « Blonde » est une envie qu’Andrew Dominik nourrit depuis le tout début de sa carrière. Dès la sortie du roman de Joyce Carol Oates, le metteur en scène souhaitait l’adapter, mais il ne peut pas le faire car c’est CBS qui a les droits. Qu’importe, Andrew Dominik va attendre de pouvoir avoir ces droits.
Et c’est en 2010 qu’il lance sa production, avec Naomi Watts dans la peau de Marilyn Monroe. Le projet va alors connaître moult rebondissements et plusieurs fois, il va être « abandonné ». En 2014, après un changement de vision, ce sera Jessica Chastain qui sera engagée, et encore une fois, le film ne se fera pas à cause des problèmes de financement. Finalement, ce sera en 2019 que tout se met en branle. Après presque vingt ans de réflexions, Andrew Dominik réalise son « Blonde« , avec cette fois-ci Ana de Armas dans la peau de Marilyn Monroe, ou plutôt dans la peau de Norma Jean. Avec ce film, le réalisateur a envie d’explorer Norma Jean, la femme qui se cache derrière l’iconique Marilyn.
Présenté à Deauville dans leur sélection en avant-première, « Blonde » d’Andrew Dominik est bel et bien le retour tant espéré du metteur en scène. Grandiose, esthétique, très esthétique, fascinant dans l’axe que le réalisateur décide de prendre, et enfin tenu par une Ana de Armas incroyable de bout en bout, « Blonde » démontre qu’Andrew Dominik est un immense cinéaste, et qu’il ne tourne pas pour rien.
De Norman Jean à Marilyn Monroe, retour sur la vie de cette icône d’Hollywood. Une icône à l’ascension fulgurance, à la vie tumultueuse, aux relations d’amour compliquées et surtout derrière tout ça, à l’écart de plus en plus important qui va se créer entre l’intime et le public, entre Norma et Marilyn…
Dix ans qu’on n’avait, entre guillemets, plus de nouvelles d’Andrew Dominik. Dix ans que le réalisateur n’avait plus fait de film, ne voulant en faire aucun autre avant « Blonde« . Dix ans d’attente, de patience, de rebondissements, de projets avortés puis repris. Bref, dix ans, mais dix ans qui valaient amplement cette attente, et ce retour d’Andrew Dominik est tout bonnement une merveille (dont il est vraiment dommage de le priver de sortie en salle tant pour l’avoir vu sur grand écran, « Blonde » est un film de salle, un film qui se vit au cinéma, et pas sur un petit écran ou un portable… Mais ça, c’est une tout autre histoire).
Avec ce film, Andrew Dominik a décidé d’aller explorer Norma Jean et la relation qu’elle entretenait avec l’immense Marilyn Monroe. Une relation faite alors d’amour, de haine, de fascination et de cauchemar. Marilyn, c’est comme un superbe monstre qui petit à petit grignoterait la femme qui se retrouve derrière les sourires, le blond peroxydé et les robes de soirée. Ayant une vision très artistique de son film, « Blonde » se pose comme une peinture qui se conjuguerait à un kaléidoscope de la vie de Norma Jean. Ainsi, il nous faudra un petit peu de temps avant de pleinement accepter ce scénario et le style de ce film, car « Blonde » est un film qui va raconter cette vie et ce destin de manière éparse et choisie.
Andrew Dominik navigue dans la vie de l’icône et prend des petits bouts ici et là, comme les pièces d’un puzzle, et peu à peu, il va resserrer le tout pour livrer un drame aussi flamboyant qu’il sera touchant. Un drame où Norma Jean parle de Marilyn à la troisième personne. Un drame où la jeune femme est comme hantée par son passé, avec une mère qui est en psychiatrie et un père qu’elle fantasme. Un drame où une petite fille devenue adulte enchaîne les amants, les aventures et les maris pour combler cette absence de figure paternelle. Un drame qui se posera aussi comme féministe, critiquant le star système, sans pour autant se faire lourd et moralisateur.
Puis enfin, on y revient, un drame sur une vie éblouissante qui fut consumée aussi vite que la mèche d’un bâton de dynamite. Avec ce scénario, Andrew Dominik livre un film qui fait aussi la part belle à l’exploration visuelle de la vie de la starlette. « Blonde » est un film où il y a peu de dialogues, beaucoup de silence, et surtout, c’est un film qui se pose comme une explosion d’événements et d’images qui parlent de Norma, de Marilyn et de l’histoire.
Pour assurer cette idée, « Blonde » se pose aussi comme un vrai film de réalisateur. Un film à l’esthétique immense, qui cherche et invente toujours quelque chose de beau et d’inhabituel pour raconter son histoire. Plus haut, je faisais référence à un kaléidoscope et cette idée, on la ressent aussi dans la mise en scène du néo-zélandais. Magnifique, étonnant, tenant autant du conte de fées que du cauchemar, alternant entre séquences en noir et blanc et couleurs sans justification, Andrew Dominik nous emporte dans un film qu’on pourrait aisément comparer comme l’œuvre d’art de l’année !
D’où en très grande partie l’idée que « Blonde » est un film de cinéma qui aurait dû être découvert en salle, car le spectacle est beau, tout simplement beau. D’ailleurs, peut-être plus que l’histoire de Marilyn qu’on connaît tous plus ou moins profondément, (et le film nous apprend certaines choses), on ressort de « Blonde » avec des scènes et des idées de mise en scène plein la tête et les yeux (ce plan à trois filmé dans des reflets qui s’étirent, se déforment, se retrouvent, c’était incroyable !).
Choisir Norma Jean n’était pas une mince affaire et l’actrice qui allait décrocher le rôle allait avoir du pain sur la planche. Après Watts et Chastain, ce fut finalement Ana de Armas qui est l’élue, après qu’Andrew Dominik l’ait vu dans le « Knock Knock » d’Eli Roth. Le choix n’était pas forcément le plus évident, mais le résultant est bluffant, et Ana de Armas tient là l’un des très grands rôles de sa jeune carrière. L’actrice est bouleversante dans la peau de Norma Jean. Elle livre une interprétation qui alterne entre retenue et explosion, glamour, exposition et intime. Andrew Dominik, se posant au plus près de Norma Jean, nous donne la sensation d’entrer dans la tête de cette femme, qui se retrouve piégée avec elle-même et avec ce qu’elle a créé. Avec une telle intensité, une telle reconstitution, une telle interprétation, il ne serait pas improbable qu’Ana de Armas voit tous les prix s’offrir à elle, et ce ne serait que mérité.
Ayant beaucoup aimé les précédents films d’Andrew Dominik, (il y en a même un parmi eux qui se pose comme un chef-d’œuvre : « … Jesse James … »), j’ai attendu amoureusement ce « Blonde« , et ces dix années d’attente n’auront pas été en vaines, car ce retour de Dominik est aussi flamboyant que bouleversant, et au-delà de ça, un vrai choc esthétique. Les deux heures et quarante-six minutes que dure le film d’Andrew Dominik sont passées comme une petite demi-heure. Film de réalisateur bourré d’idées, film d’actrice, d’ailleurs, malgré la présence de Adrien Brody, Bobby Cannavale, Julianne Nicholson, Xavier Samuel et d’autres encore, on ne voit et on ne retient qu’Ana de Armas, et enfin film qui nous raconte un destin aussi beau que tragique, « Blonde » est un bouleversement que j’ai d’ores et déjà envie de revoir.
Note : 18/20
Par Cinéted