avril 20, 2024

Leila et ses Frères – Le Parrain Iranien

Titre Original : Leila’s Brothers

De : Saeed Roustaee

Avec Taraneh Alidoosti, Navid Mohammadzadeh, Payman Maadi, Farhad Aslani

Année : 2022

Pays : Iran

Genre : Drame

Résumé :

Leila a dédié toute sa vie à ses parents et ses quatre frères. Très touchée par une crise économique sans précédent, la famille croule sous les dettes et se déchire au fur et à mesure de leurs désillusions personnelles. Afin de les sortir de cette situation, Leila élabore un plan : acheter une boutique pour lancer une affaire avec ses frères. Chacun y met toutes ses économies, mais il leur manque un dernier soutien financier. Au même moment et à la surprise de tous, leur père Esmail promet une importante somme d’argent à sa communauté afin d’en devenir le nouveau parrain, la plus haute distinction de la tradition persane. Peu à peu, les actions de chacun de ses membres entrainent la famille au bord de l’implosion, alors que la santé du patriarche se détériore.

Avis :

Réalisateur Iranien, Saeed Roustaee s’est fait grandement remarquer avec son second film, le puissant « La loi de Téhéran« . Film sur la lutte anti-drogue en Iran, le metteur en scène impose un film choc d’une grande puissance et d’une grande beauté. Le film demeure le plus grand succès en Iran pour un film iranien. Tourné en 2018, présenté en 2019 notamment à la Mostra de Venise, le film, avec le Covid, n’était arrivé chez nous qu’à l’été 2021 et c’est ce qui fait qu’un tout petit peu plus d’un an après, on n’a donc le droit à un nouveau film de Saeed Roustaee, car avec toutes ces années écoulées, le cinéaste a largement eu le temps de tourner de nouveau.

Présenté au Festival de Cannes en compétition officielle et réparti bredouille, « Leila et ses frères » est le troisième film de Saeed Roustaee, et autant le dire de suite, le metteur en scène livre là encore une fois une immense claque.

Fresque de presque trois heures qui nous plonge au sein d’une famille, et plus précisément d’une fratrie qui essaie de se sortir de la pauvreté, « Leila et ses frères » est un bouleversement. Chronique politico-sociale, « Leila et ses frères » est un film qui aborde un Iran patriarcal et nous entraîne au sein d’un quotidien fait de choix, de luttes, de traditions et de fragilités économiques. Passionnant !

Leila est la seule femme au sein d’une fratrie qui comporte cinq enfants. Les frères de Leila sont au chômage et tout le monde habite encore chez leur parent. Pour sortir ses frères, et plus largement sa famille, des dettes et de la pauvreté, Leila élabore un plan qui consiste à acheter une boutique dans une galerie commerçante. Les frangins réunissent leurs économies et font même quelques sacrifices, mais il manque toujours de l’argent. Au même moment, leur père promet une très belle somme d’argent à une branche de la famille. Cette somme d’argent servira, comme le veut la tradition, à ce que le patriarche devienne alors le nouveau parrain de la famille. Pour Leila et ses frères, la décision de leur père est difficilement acceptable et elle va entraîner une fissure au sein de la famille.

Immense, c’est bien l’idée et surtout les sensations qui me poursuivent à la sortie du nouveau film de Saeed Roustaee, qui livre là une fresque familiale de presque trois heures, absolument fascinante, passionnante et surtout bouleversante de bout en bout.

A l’opposé de « La loi de Téhéran« , loin des trafics de drogue, le metteur en scène iranien nous plonge au sein d’une famille qui essaie tant bien que mal de tirer son épingle du jeu, dans un pays économiquement fragile et derrière ça, qui a tendance à plier sous le poids des traditions et du patriarcat.

Si « La loi de Téhéran » avait été une claque, je dois toutefois avouer que je suis allé voir ce nouveau Roustaee avec quelques craintes, car si l’idée d’une chronique familiale me plaisait, sa durée deux heures cinquante me laissait aussi craindre un film longuet, et il ne va rien en être de cela. Parfaitement écrit par Saeed Roustaee, maîtrisé de son ouverture à sa bouleversante scène finale, brillant dans son rythme, et puissant de par ses sujets et le cheminement de son scénario, « Leila et ses frères » est une leçon de cinéma à lui tout seul.

Avec ce film, cette histoire et ces personnages, Saeed Roustaee nous entraîne dans une fresque passionnante, et le jeune réalisateur (il n’a que trente-trois ans, c’est bien de le rappeler) abordera des sujets difficiles comme le poids de la famille, le respect des anciens, puis la femme au sein d’une famille iranienne, et plus loin encore, au sein de la société iranienne. Une femme qu’on a bien du mal à écouter, quand bien même les solutions qu’elle propose sont les bonnes. Pour illustrer ce propos, Saeed Roustaee nous offre l’un des plus beaux personnages de l’année, Leila, parfaitement campée par Taraneh Alidoosti qui, à plus d’un instant, va être renversante, bouleversant nos émotions, qui iront de la compassion à la révolte, tant le combat de Leila face à tous ces sujets et ces enjeux, malgré sa ténacité, malgré sa raison, ont tout l’air d’être un coup d’épée dans l’eau.

Le réalisateur aborde aussi la pauvreté, la fragilité d’une partie de sa population, le trou immense entre ses différentes classes sociales, le manque d’avenir, qui s’oppose bien souvent au poids des traditions. Saeed Roustaee se fait très critique envers son pays, et chacune de ses critiques est loin d’être gratuite, car tous les événements et toutes les décisions prises apportent une réflexion et une nuance, et au-delà de ça, un relief au film, qui petit à petit, se pose comme l’un des très grands films de cette année 2022.

Allié à son écriture, Saeed Roustaee nous offre un film dense et intense dans sa mise en scène. Un film qui alors même qu’il se fait bavard, « Leila et ses frères« , c’est presque trois heures de parlottes, de discours, d’engueulades et de réflexions, jamais on ne va s’y ennuyer, ce qui est assez dingue. Tenu d’une main de maître, le film est incroyable de bout en bout, nous attrapant dès son ouverture (tout comme il l’avait fait avec « La loi de Téhéran« ) pour jamais nous lâcher. Et mieux encore, puisque petit à petit, le film se fait de plus en plus puissant, nous offrant de très grandes scènes, et derrière ça, le film ira, comme nous l’avons dit plus haut, vers un final d’une beauté et d’une poésie incroyable. Un final qui scellera cette histoire de manière bouleversante, et terminera d’imposer le film de Roustaee parmi ceux qui marquent à jamais.

Immense, c’est donc bel et bien l’adjectif qui s’impose à la sortie de ce film fleuve, qui n’a pas fini de faire son chemin en nous. Beau, difficile, injuste, cruel, et en même temps parfait dans sa réflexion, dans son cheminement, dans ses sujets et ses personnages (personnages tenus par des acteurs tous plus bluffants les uns que les autres), « Leila et ses frères » s’impose comme une claque, et derrière ça, comme l’un des plus grands films de cette année 2022. Après le choc que fut « La loi de Téhéran« , Saeed Roustaee pose une pierre encore plus grande et plus intense et surtout, le jeune réalisateur se pose désormais comme l’un des metteurs en scène dont on va attendre le film suivant comme un événement.

Note : 20/20

Par Cinéted

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