Titre Original : Clock
De : Alexis Jacknow
Avec Dianna Agron, Melora Hardin, Saul Rubinek, Jay Ali
Année : 2023
Pays : Etats-Unis
Genre : Horreur, Thriller
Résumé :
Ella s’inscrit à un test clinique destiné à « réparer » son horloge biologique. Cependant, les choses se gâtent rapidement au fur et à mesure qu’elle avance dans l’essai.
Avis :
Si on essaye de plus en plus de parler des réalisatrices, force est de constater qu’elles sont encore trop peu mises en avant. Malgré des prix, des films intéressants et parfois des chemins de croix pour aboutir à un premier long-métrage, les femmes derrière la caméra peine à se faire connaître assez rapidement. Et cela est vrai dans tous les pays, comme aux Etats-Unis où le chemin semble encore long. Alexis Jacknow n’est pas vraiment un nouveau nom dans le septième art, puisqu’elle fut actrice pour des séries et des courts-métrages, avant d’intégrer le staff pour le film d’horreur Action ou Vérité. A force de pugnacité, elle va réussir à réaliser son premier long en 2023 avec le thriller horrifique L’Horloge (Clock en VO) qui sera directement disponible en streaming via la plateforme Hulu, et donc Disney+ chez nous.
On le sait, le genre horrifique est un bon tremplin pour les jeunes cinéastes, puisqu’il permet d’avoir un imaginaire débridé et de se faire la main sur quelque chose qui, souvent, ne demande pas beaucoup de budget. Alexis Jacknow va donc prendre ce prétexte pour fournir un premier film qui brasse énormément de thèmes, et qui va plonger dans des interrogations féminines qui ont beaucoup d’intérêt. En effet, ici, on va suivre Ella, une décoratrice d’intérieur qui a le vent en poupe dans son métier, mais qui souffre de la pression sociétale qui lui intime d’avoir un enfant. L’Horloge va principalement parler de ce désir d’enfant qui semble immuable chez la femme, alors que c’est un choix personnel dans lequel personne n’a le droit d’intervenir. La réalisatrice va donc pointer du doigt la pression subie par ces femmes qui ne veulent pas être mère.
« La narration du long-métrage reste assez basique. »
Le scénario est assez malin, car même s’il met de gros sabots pour aborder la grossesse et l’histoire de l’horloge biologique des femmes, il y a un vrai fond, et une volonté de faire réfléchir sur une notion qui n’est pas une vérité générale. Dès le départ, la réalisatrice plonge l’héroïne dans un mal-être permanent. Pression de ses amies qui ne comprennent pas son choix de ne pas être mère, pression de son mari qui, même s’il dit comprendre, ne cache pas vraiment son envie d’être père, pression de son père qui voit là l’arrêt de l’arbre généalogique. Tout se met en place pour qu’Ella se sente mal, au point d’accepter un essai clinique afin d’avoir ce désir d’enfant qui semble tout naturel. Ainsi, pour forcer cela, elle va pénétrer dans une clinique privée froide, qui sera l’opposé d’un besoin qui, selon les dires, est tout naturel.
La narration du long-métrage reste assez basique. Si le fond principal est intéressant et permet à la réalisatrice de ne pas opter pour une horreur basique, on reste dans quelque chose de téléphoné, où chaque moment de peur arrive de manière grossière. C’est bien simple, dans ses envies de frayeur, la cinéaste use de tous les poncifs classiques de l’épouvante, notamment avec cette femme fantôme gigantesque qui apparait comme un cheveu sur la soupe. Rien ne viendra nous surprendre de ce côté-là, et c’est dommage, car dans sa mise en scène, on peut noter quelques fulgurances dégueulasses, à l’instar de cette pendule symbolisée par un bébé accroché à son cordon ombilical et qui oscille de droite à gauche entre les jambes ensanglantées de la mère. On sent une envie de percuter, mais il y a comme un frein, comme une volonté de ne pas aller au bout du concept.
« L’Horloge est un film qui demeure assez riche dans ses sous-textes. Il est juste dommage qu’il ne sorte pas du tout-venant. »
Néanmoins, malgré une mise en scène relativement simple et une absence de moments vraiment effrayants, Alexis Jacknow va inclure d’autres thèmes intéressants à son métrage, ne se contentant pas uniquement de ce problème de grossesse. Ainsi donc, la réalisatrice nous plonge aussi au sein d’une famille juive, avec un père dur et injuste avec sa fille. Il évoque alors la Seconde Guerre mondiale et la survie des juifs de la famille pour arriver jusqu’à elle, lui mettant une pression ignoble pour perpétuer la lignée. Cela aura un rapport avec l’apparition de cette femme fantôme, réminiscence d’un passé historique qui agit comme un poids. On peut aussi voir dans ce film une critique acerbe de la médecine expérimentale, qui se fiche bien des conséquences sur des cobayes humains. Bref, L’Horloge est un film qui demeure assez riche dans ses sous-textes. Il est juste dommage qu’il ne sorte pas du tout-venant.
La faute à une héroïne pas forcément attachante en la personne de Dianna Agron. L’actrice a du mal à jouer une femme en perdition et ne trouve pas de juste équilibre entre empathie et dépression. Les personnages secondaires ne sont pas vraiment intéressants, et ils ont même du mal à exister. Mais le plus gros défaut du film réside dans sa résolution qui, comme tous les jumpscares du film, est téléphoné et sans aucune surprise. Voulant jouer sur des visions, et sur une folie douce qui s’empare doucement de l’héroïne, on sait d’avance comme tout cela va se terminer, et il est dommage que la prise de risque ne soit pas plus piquante. Certes, toute cette pression finit par littéralement bouffer le personnage principal, mais on reste clairement sur notre faim, malgré une dernière scène mystérieuse et métaphorique pour… rien…
Au final, L’Horloge est un film qui oscille constamment entre le drame et l’horreur, mais qui ne choisit jamais son camp. Relativement lent, essayant de bien appuyer son propos autour du désir de grossesse et de la pression de la société sur ces femmes qui ne veulent pas être mère, le film trouve un fond intéressant et nécessaire, mais n’arrive pas à la rendre vraiment prégnant. La faute à une réalisation un peu trop plan-plan, un personnage principal plutôt détestable et des effets de peur qui l’on voit arriver à des kilomètres. Mais cela n’efface pas le fond intelligent et nécessaire, ce qui sauve clairement le film d’un beau ratage.
Note : 10/20
Par AqME