De : Stuart Gordon
Avec Jeffrey Combs, Barbara Crampton, Jonathan Fuller, Jessica Dollarhide
Année : 1995
Pays : Etats-Unis
Genre : Horreur
Résumé :
Un couple et leur fille aveugle arrivent en Italie pour visiter un château du 12ème siècle qu’ils ont hérité. Bientôt ils sont tourmentés par des bruits non expliqués, des objets mystérieusement cassés et les visites d’un nocturne inconnu dans la chambre à coucher de cette dernière…
Avis :
Pour les amateurs de films d’horreur, Stuart Gordon est une petite institution à lui tout seul. Très grand amateur des récit d’H.P. Lovecraft, le cinéaste va se faire un plaisir d’en adapter quelques nouvelles. Il commence d’ailleurs en 1985 avec Re-Animator, qui sera un petit chef-d’œuvre du genre. A la fois gore, drôle et effrayant, le premier film de Gordon est culte. Fort de ce succès, il va alors continuer son exploration de l’œuvre de l’auteur de Providence avec From Beyond et Dolls. Il fera alors un détour par Edgar Allan Poe avec The Pit and the Pendulum en 1991, avant de revenir vers Lovecraft et Castle Freak. Sorti directement en vidéo en 1995, le film possède une certaine aura dans la sphère cinéphile d’horreur. Et pour cause, entre un casting de luxe et un monstre bien sale, Stuart Gordon n’en oublie pas pour autant un scénario intéressant.
Le réalisateur nous propose alors de suivre la famille Reilly, dont le père vient d’hériter d’un château en Italie. En effet, selon différents arbres généalogiques, il serait le dernier représentant de la famille Orsini. Avec son épouse et sa fille aveugle, ils aménagent dans le château, avec l’espoir de pouvoir le vendre rapidement pour se faire de l’argent. C’était sans compter sur un monstre vivant dans le sous-sol qui va réussir à s’enfuir de sa cage et commencer un petit jeu meurtrier. Le pitch de base est très simple, et on aurait pu craindre à un film basique avec un monstre qui va buter tout le monde. Stuart Gordon va pourtant peaufiner son récit en incluant une famille dysfonctionnelle qui masque bien ses troubles. Et c’est peut-être là le plus intéressant dans tout ça.
Car si l’introduction du film montre une vieille femme qui vient frapper gratuitement un monstre enfermé dans une prison, très rapidement, on se retrouve aux prises avec cette famille, dont la femme veut une chambre séparée de son mari. On assiste alors à des règlements de compte entre les deux, avec leur fille, aveugle, qui subit cela de façon impuissante. Dans un court, mais intelligent flashback, Stuart Gordon pose les bases de la tension entre le mari et la femme, et la terrible perte d’un fils, qui entrainera le mari dans l’alcool. La situation, aussi tendue soit-elle, va prendre alors un nouveau tournant lorsque la famille se fait attaquer, avec la jeune fille qui est persuadée d’une présence. Le couple va devoir alors se rabibocher pour une cause commune, comprendre les terreurs de leur fille. C’est malin, et cela donne de l’épaisseur à l’intrigue, et aux personnages.
Des personnages qui sont plus ou moins torturés, mais qui ont chacun des démons dans leur placard. Bien évidemment, le père de famille ne s’est jamais pardonné le décès de son fils, puisque c’est lui qui était au volant. Il sombre alors dans l’alcool et dans quelques excès pour combler un vrai vide affectif. Sa femme n’arrive pas à lui pardonner, mais en faisant cela, elle fait du mal à sa fille, qui, elle, estime qu’elle est moins aimée que son frère, sinon ses parents se seraient remis ensemble. Finalement, tout un chacun possède un handicap, et il va falloir faire cause commune lorsque le grand méchant fait son apparition. Un méchant qui n’est pas lisse et dont on peut comprendre les méfaits. Sans trop en dire, le cinéaste montre un personnage torturé et qui a été torturé, et qui assouvit sa colère sur les gens autour de lui.
Ce monstre permettra aussi de faire basculer le film vers une horreur pure. Dégoulinant, ragoûtant, violent, il ne laisse rien passer et n’hésite pas à tuer de la pire des manières. Son body count va très vite monter sur la fin du métrage et tout respire la rage dans son attitude et son physique. Il est une sorte de grosse vengeance sur pattes, voulant vider toute sa colère sur les habitants de ce château qui, à la base, lui revient de droit. Alors certes, on comprend vite les raccords à faire dans l’affaire familiale, et ça reste assez bas du front, mais force est de constater que ça fonctionne, et en termes de brutalité, Stuart Gordon se fait plaisir. Malgré le faible budget à sa disposition, on a droit à des moments vraiment intéressants, notamment lorsque le monstre se montre en entier et commence à tout détruire dans le château.
Alors certes, le film n’est pas parfait, loin de là. Si le scénario est plutôt sympathique, il reste simple et relativement téléphoné. De plus, on sent que le budget n’a pas été mirobolant. Le début est assez kitsch, et cela ne va pas s’arranger avec quelques moments hasardeux. Tout comme parfois, le costume du monstre qui montre des failles, notamment une culotte noire alors qu’il est censé être nu. Pour autant, ces petites faiblesses ne desservent pas la qualité intrinsèque du métrage, souvent violent, parfois gonzo dans son message, mais toujours généreux dans ce qu’il offre. Stuart Gordon est un amoureux du cinéma d’horreur, et il sait ce que cherche les fans. Il s’arrange alors avec son budget pour faire au mieux, et c’est clairement ce qu’il se passe ici.
Au final, Castle Freak est un film qui a conscience de ses faiblesses, mais qui va faire avec, ne rognant jamais sur l’aspect horrifique de la chose. Outre un bad guy charismatique et libidineux, Stuart Gordon arrive à tisser de la cohérence dans le cocon familial qui va devoir cohabiter pour se sortir d’un sacré guêpier. Sans être un chef-d’œuvre du genre, il s’agit-là d’un film d’horreur honnête, simple et efficace, ne rognant jamais sur la générosité gore de son auteur. Bref, un film d’horreur réussi, dont la vibe 90’s est tout de même très marquée.
Note : 14/20
Par AqME