avril 26, 2024

20 000 Lieues Sous les Mers

Titre original : 20,000 Leagues Under the Sea

De : Stuart Paton

Avec Allen Holubar, Dan Hanlon, Edna Pendleton, Curtis Benton

Année : 1916

Pays : Etats-Unis

Genre : Aventure

Résumé :

Un monstre marin ayant été repéré par plusieurs navires, le gouvernement des États-Unis met sur pied une expédition chargée de le tuer. Le professeur Aronax, sa fille, et Ned Land, un célèbre harponneur, font partie du voyage. Le monstre est en réalité un sous-marin créé par le capitaine Nemo pour venger un deuil secret.

Avis :

Parmi les nombreuses histoires remarquables de Jules Verne, 20 000 lieues sous les mers est sans doute la plus emblématique et célèbre de son œuvre. Son intrigue, avant-gardiste à bien des égards, présage des avancées technologiques à venir, sans compter son influence sur la littérature de l’imaginaire. Avant la production Disney de Richard Fleischer, le roman a inspiré le septième art dans sa période expressionniste. On songe tout d’abord au court métrage de Georges Méliès de 1907 qui, en l’espace d’une dizaine de minutes, a retranscrit sur bobines l’essence même du récit éponyme. Un peu moins de 10 ans plus tard, Stuart Paton propose la première adaptation sous forme de long-métrage.

En réalité, la version de 1916 de 20 000 lieues sous les mers concilie des éléments du livre à des passages issus de L’Île mystérieuse. À l’écran, l’histoire demeure bien avancée. Cependant, en ayant connaissance des romans référentiels, on peut considérer que ce premier essai se révèle une adaptation très libre du format littéraire. Cela se vérifie avec le déroulement des faits, le montage ou encore l’intégration de séquences inédites. Ces dernières tiennent essentiellement à démystifier l’aura charismatique du capitaine Nemo à travers un épilogue qui fait la lumière sur son passé et ses motivations à arpenter les océans à bord du Nautilus.

Au sortir de ces considérations, 20 000 lieues sous les mers s’avance comme le préambule des grosses productions à venir. À l’époque, le format du long-métrage est peu usité. De même, les majors de l’industrie cinématographique sont encore à l’état embryonnaire. On peut donc estimer que le présent métrage soit le premier « blockbuster » d’Universal. Certes, Stuart Paton n’est guère passé à la postérité, comme Cecil B. DeMille, par exemple. Cependant, le travail de Carl Laemmle à la production présage déjà de la politique du studio dans les décennies à venir. On songe notamment au cycle Universal Monsters à partir des années 1920, ne serait-ce qu’à travers l’incursion du combat avec la pieuvre.

À ce titre, le film de Stuart Paton est surtout connu pour présenter les premières prises de vue sous-marine de l’ère cinématographique. Pour l’anecdote, cela tient à un système de périscope inversé et non à un matériel étanche. L’occasion est alors donnée de s’étendre sur ces passages pour révéler les fonds marins, les récifs coralliens ou encore la faune sous-marine. De ce point de vue, on retrouve l’aspect descriptif, presque contemplatif, du roman de Jules Verne. Cette propension à privilégier l’exposition de l’environnement aux péripéties. Par ailleurs, la narration s’affranchit d’un modèle classique, délaissant les éléments perturbateurs, au profit d’un travail soigné sur l’atmosphère.

Sur ce point, le dépaysement est de circonstance. On apprécie la mise en valeur du cadre des Bahamas pour souligner la connotation exotique de l’intrigue. Bien avant Tabou de Murnau en Polynésie française, il s’agit d’un aspect inédit pour le septième art si l’on excepte les films documentaires des frères Lumières. En revanche, on occulte la menace toute latente que suggère le Nautilus, même si l’on a droit à un affrontement maritime pour introduire certains protagonistes. Quant à la tonalité survivaliste de l’île, on reste ancré dans des « robinsonnades » chères à Daniel Defoe, en délaissant les interactions sociales ou les tensions émergentes entre les différents intervenants.

Au final, la version de 1916 de 20 000 lieues sous les mers présente un statut de précurseur en matière d’expérimentations cinématographiques. On peut s’extasier devant les prises de vue sous-marines, l’environnement exotique des Bahamas ou cette connotation aventureuse. Pour rappel, cette dernière n’en est encore qu’à ses prémices dans le domaine du long-métrage. À bien des égards et à travers sa mise en scène spectaculaire, le film de Stuart Paton s’avance comme un prélude au blockbuster à venir d’Hollywood. On peut néanmoins regretter une appropriation d’une grande liberté de l’œuvre de Jules Verne et cet amalgame avec L’Île mystérieuse. Un métrage notable d’un point de vue historique, mais mineur en ce qui concerne la fidélité de l’adaptation.

Note : 13/20

Par Dante

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