mars 29, 2024

After Life

Titre Original : Wandâfuru Raifu

De : Hirokazu Kore-eda

Avec Susumu Terajima, Arata, Erika Oda, Takashi Naito

Année : 1999

Pays : Japon

Genre : Drame, Fantastique

Résumé :

Dans un endroit mystérieux, les morts doivent mettre en scène un film revenant sur le temps le plus fort de leur vie passée.

Avis :

Parmi les réalisateurs japonais à succès, Hirokazu Kore-eda a une place particulière. Il commence sa carrière à la fin des années 80 et va surtout travailler dans le documentaire. Il se fait remarquer car son travail porte principalement sur la mémoire, sujet qui revient de façon constante dans ses films. Il s’attaque à la fiction en 1995 avec Maborosi, film qui lui ouvrira les portes du marché international, puisqu’il sera récompensé au festival de Venise. Trois ans plus tard, il propose alors After Life, film qui nous préoccupe aujourd’hui. Assez méconnu malgré son succès critique, (le film a quand même eu une récompense au festival de Nantes), le long-métrage de Kore-eda raconte comment les âmes des morts peuvent trouver la paix, en se remémorant un moment passé agréable, reproduit alors par des employés du purgatoire. Conte lancinant, tout comme il est beau, After Life reste un film assez difficile d’accès.

Dès le début, le film nous met face à un état de fait, des morts viennent chercher des tickets pour rentrer dans un bâtiment où des employés vont tenter de découvrir leur souvenir le plus beau, afin de le recréer de façon virtuelle. Ce n’est qu’ainsi que les âmes défuntes pourront alors aller au paradis, dans ce souvenir qui tournera en boucle. Le principe est intéressant, et évoque déjà un sujet majeur de chez Kore-eda, la mémoire. Le début du film pourrait presque se voir comme un documentaire, ce qui correspond au début de carrière du cinéaste. Ici, les personnages vont passer les uns après les autres devant la caméra pour raconter leurs plus beaux souvenirs, et ce qu’ils veulent revivre. L’occasion de présenter un panel divers et varié, avec des personnes âgées comme de jeunes gens, dont on ne saura rien sur les morts.

C’est d’ailleurs dans cet aspect pudique que le film gagne des galons. Hirokazu Kore-eda ne plonge jamais dans l’intimité profonde des personnages, gardant secret la raison de leur mort, pour mieux se concentrer sur leur vie passée et leurs bons souvenirs. Ce travail sur la mémoire va alors s’étaler sur plusieurs décennies. Pour les personnes les plus âgées, on trouvera des plaisirs simples qui remontent à l’enfance. Le fait de faire de la balançoire dans une forêt de bambous. L’envie de voir les cerisiers en fleur une dernière fois. Quant aux plus jeunes, les souvenirs seront plus précis, comme une balade à Disneyland, ou encore le besoin de retrouver la douceur d’un parent aimé. Le réalisateur livre un film qui évoque des choses simples et belles, comme si l’humanité n’avait pas besoin d’aller chercher des souvenirs complexes.

A travers tous ces portraits, certains seront plus appuyés que d’autres. Cela ne crée pas forcément un dimorphisme dans la structure narrative, car les 22 personnages ne seront pas tous traités de la même façon. On sera plus touché par cet homme qui souhaite revivre un vol en avion. Ou encore par cette grand-mère qui veut revivre un moment de sa jeunesse où elle portait une robe rouge et dansait. Mais le plus touchant reste ce vieux monsieur qui ne retrouve aucun souvenir heureux, à cause d’un mariage arrangé et d’une vie sans éclat. Il devra alors regarder une multitude de cassettes pour trouver un moment simple, partagé avec son épouse lors d’une sortie au cinéma. Encore une fois, le réalisateur évoque un souvenir simple et doux, avec la pudeur qu’on lui connait.

Parmi tous les personnages décédés, il y a aussi un travail de fait autour des passeurs, de ceux qui doivent écouter les âmes défuntes, qui sont en fait des personnages n’ayant pas trouver de souvenir et condamnés à aider les autres, jusqu’à ce qu’elle trouve enfin. Il y a une relation un peu amoureuse qui s’établit entre deux, mais cela ne fait jamais vraiment de vague. Au contraire, l’homme renoue avec un souvenir aimant, ce qui crée la colère de la jeune fille qui commençait à ressentir des choses. Malheureusement, on ne sera guère touché par cette histoire, qui manque curieusement d’émotions, Kore-eda n’allant jamais plus loin que l’amourette contrariée. Il en va de même avec l’une des âmes qui refuse de trouver un souvenir, un jeune homme rebelle qui se retrouvera être un objecteur de conscience. Encore une fois, tout cela manque d’un élément crucial, l’empathie.

Et c’est assez étonnant venant d’un réalisateur dont la marque de fabrique sera de toucher le spectateur avec des films de plus en plus personnel. After Life, malgré une mise en scène sobre et simple, manque d’émotions et n’arrive pas forcément à nous toucher. Cela est dû à un rythme assez lent, voire même lénifiant par moments, et des éléments cryptiques dont on ne sera que penser. Par exemple, cette ouverture dans le plafond qui simule une fausse lune à un moment. On a l’impression que tout est un décor de cinéma et tout cela manque vraiment de points d’ancrage pour mieux comprendre ce qui se passe. Oui, on est dans un élément fantastique, mais il aurait été pus intéressant d’être plus précis dans l’univers décrit.

Un univers qui prend des allures d’expérimentation lorsqu’il faut recréer les souvenirs de gens. Ici, Hirokazu Kore-eda nous plonge dans les méandres du cinéma, montrant toute une équipe essayant de trouver des astuces pour recréer un avion qui vole, ou encore faisant des repérages pour trouver une forêt de bambous. Ici, on sent tout l’amour du cinéma, et cette volonté de montrer les rouages du septième art pour créer des illusions et faire croire à l’impossible. Dans ces moments, l’émotion n’est donc pas présente, si ce n’est dans le regard des âmes qui ont l’impression de revivre pleinement un souvenir plein de bonheur. C’est toujours bien fichu, mais on sent une vraie rupture de ton entre les moments plus de tendresse dans l’évocation des souvenirs, et l’aspect factice de ces montages. C’est peut-être ça qui fait le plus de « mal » au métrage.

Au final, After Life est un film qui est intéressant à plus d’un titre et qui pose les jalons d’une filmographie riche, qui ne fera que s’épaissir au fil des années. Pour autant, malgré des thèmes intelligents et un traitement sobre (peut-être trop), Hirokazu Kore-eda semble se freiner sur l’émotion et oublie presque de nous toucher avec un sujet fort, la vie après la mort et les souvenirs que l’on emporte. En soi, le film est bon et débute de façon formidable, mais il échoue dans sa dernière partie à nous envahir pleinement, dommage…

Note : 12/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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