avril 19, 2024

Des Gens Sans Importance

De : Henri Verneuil

Avec Jean Gabin, Françoise Arnoul, Pierre Mondy, Yvette Etievant

Année : 1955

Pays : France

Genre : Drame, Romance

Résumé :

A force de se croiser au relais Barchandeau, Jean Viard, routier sur Paris-Bordeaux, et Clothilde Brachet, serveuse, tombent peu à peu amoureux l’un de l’autre. Il se satisfont d’abord de vivre leur passion par intermittence. Mais le jour où Jean, excédé, cogne un contrôleur routier tatillon, et que parallèlement Clothilde attend un enfant, leur relation vire au tragique…

Avis :

Henri Verneuil est un immense cinéaste français qui nous a laissé une filmographie qui est un bijou à elle seule. Il faut dire que lorsqu’on entend le nom de Henri Verneuil, c’est une certaine idée du cinéma qui s’impose, et même d’un âge d’or du cinéma français. Henri Verneuil, c’est plus de cinq décennies de cinéma et outre les courts-métrages, c’est trente-trois films parmi lesquels on trouve des chefs-d’œuvre comme « Un singe en hiver« , « Mélodie en sous-sol« , « Le clan des Siciliens« , « La vache et le prisonnier« , « Peur sur la ville« , « Cent mille dollars au soleil » et j’en oublie. Puis surtout, je dois en découvrir, car je suis très loin d’avoir tout vu.

Aujourd’hui, c’est dans mon plus vieux Verneuil que je me lance, « Des gens sans importance« . Très différent de ce que j’ai pu voir du réalisateur pour l’instant, « Des gens sans importance » est un film social, qui peint les conditions de vie et de travail d’un routier, mais pas que, puisque le réalisateur s’aventure aussi sur des sujets de société tabous pour l’époque, et derrière ça, ces « … gens sans importance » nous raconte une touchante histoire d’amour. Entre intérêt et émotion, la seule ombre dans le tableau sera que malgré tout ça, ces « … gens sans importance » a bien vieilli, et parfois, il se fait un peu théâtral, ce qui fausse légèrement le ton.

Jean est routier, et s’il aime son métier, il a bien plus de mal avec sa vie, lorsqu’il rentre chez lui. Son métier lui prend beaucoup de temps, et quand il rentre auprès de sa femme et ses enfants, c’est tout le temps pour entendre des reproches dus à ses longues absences. Jean ne comprend plus vraiment sa vie de famille et sa vie amoureuse, car toutes deux résonnent comme une longue rengaine. Pendant ses missions, Jean s’arrête souvent à l’auberge « La Caravane ». Le routier y a ses habitudes et il y fait la connaissance de Clotilde, une serveuse d’une vingtaine d’années qui se trouve être aussi seule que lui. Ces deux êtres vont peu à peu se découvrir et se lancer dans une histoire, que le destin va se charger d’abîmer.

Henri Verneuil qui réalise un film romantique avec les immenses Jean Gabin et Françoise Arnoul, il fallait que je m’y arrête, car j’avais l’envie de découvrir ce que la romance pouvait offrir sous l’œil de Monsieur Verneuil et je dois bien avouer que je ne suis pas déçu, car ces « … gens sans importance » est un joli, très joli, film. Un film qui, comme je le disais, est vieillissant et parfois sur certaines répliques et certains tons, il est un peu dépassé et pas forcément très juste, mais derrière ça, il se pose comme la photographie passionnante d’une époque.

Film audacieux dans les sujets qu’il aborde, ce qui rend ces « … gens sans importance » bien plus intéressant qu’une simple histoire d’amour, c’est tout ce que va apporter Henri Verneuil à cette histoire. La première chose qui frappe et reste, c’est le regard que pose le cinéaste sur son époque. Ici, il y raconte la vie d’un routier. Il y raconte les heures passées sur les routes, les trajets, les discussions avec son coéquipier (formidable Pierre Mondy), le premier contrôlographe posé par les patrons. Contrôlographe que les chauffeurs appelaient des mouchards et qui n’était pas forcément très bien pris, car il se posait à leurs yeux comme une marque de défiance. Sur un autre point de vue, le film raconte aussi du côté de Clotilde ou encore de la fille de Jean Gabin, la jeunesse de cette époque, avec d’un côté une jeune femme qui essaie de s’en sortir comme elle le peut, enchaînant les petits boulots et de l’autre, la fille de Gabin qui se rêve star.

Puis comme le scénario de ces « … gens sans importance » est très riche, Henri Verneuil trouve aussi le temps en une heure quarante de parler, au fur et à mesure de l’intrigue, d’un sujet brûlant pour l’époque. Un sujet tabou et illégal encore à cette époque-là, l’avortement fait loin des regards, dans ces conditions qui ne sont pas toujours bonnes. Puis bien sûr, il y a cette histoire d’amour contrariée, qui est superbement mise en scène par Henri Verneuil. Si, comme je l’évoquais plus haut, le film a pris un coup de vieux, et certaines de ses répliques sont mal placées et résonnent comme trop théâtrales, l’histoire d’amour que raconte le metteur en scène se ressemble partout et tout le temps dans sa mise en scène, qui s’arrête beaucoup sur les regards, les non-dits, le désir, les petits gestes. Cette simplicité et cette vérité dans la mise en scène, en plus de cette histoire en elle-même, rend le film touchant et malgré le côté suranné du film, on se laisse embarquer dans cette bien belle et bien triste histoire d’amour, autour de petits gens qui vivent comme ils le peuvent sans jamais se plaindre.

La beauté et la force de ce film, on les doit aussi à ce couple magnifique que composent Jean Gabin et Françoise Arnoul. Oui, c’est vrai, je ne les ai pas toujours trouvés très juste, mais il n’en demeure pas moins qu’à l’écran, ils en imposent, ils donnent sans cesse envie de les suivre, ils sont beaux et touchants, et si l’on remplace le film dans son époque, ils sont tout simplement parfaits.

« Des gens sans importance » est donc un bien joli et étonnant film que livre là Henri Verneuil. Film amoureux et romantique, chronique sociale et sociétale qui ose aborder un sujet terrible dans sa dernière partie, photographie d’une époque, bercée dans un noir et blanc des plus superbes, et tenu par deux immenses acteurs, il est juste dommage que la séance soit quelque peu abîmée par le côté vieillot de certains instants. Bref, ce n’est pas encore avec ces « … gens sans importance » que je serais déçu par le cinéma d’Henri Verneuil.

Note : 16,5/20

Par Cinéted

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