avril 27, 2024

Suprêmes

De : Audrey Estrougo

Avec Théo Christine, Sandor Funtek, Félix Lefebvre, César Chouraqui

Année : 2021

Pays : France

Genre : Biopic

Résumé :

1989. Dans les cités déshéritées du 93, une bande de copains trouve un moyen d’expression grâce au mouvement hip-hop tout juste arrivé en France. Après la danse et le graff, JoeyStarr et Kool Shen se mettent à écrire des textes de rap imprégnés par la colère qui couve dans les banlieues. Leurs rythmes enfiévrés et leurs textes révoltés ne tardent pas à galvaniser les foules et … à se heurter aux autorités. Mais peu importe, le Suprême NTM est né et avec lui le rap français fait des débuts fracassants !

Avis :

Electron libre, Audrey Estrougo est une cinéaste qui explore le cinéma depuis une bonne quinzaine d’années maintenant. Parisienne et banlieusarde, son premier film qui sort en 2007 parle des banlieues. Par la suite, pour son deuxième film de fiction, la réalisatrice se lance dans une comédie musicale avec « Toi, moi, les autres« . Audrey Estrougo poursuit avec un drame sombre, parlant du viol et de ses conséquences. Loin d’avoir tout exploré, elle revient en 2016 avec « La taularde« , un drame carcéral tenu par Sophie Marceau. Un an plus tard, la cinéaste s’essaie au petit écran, prenant la tête d’une série sociale et sociétale pour Arte, « Les héroïnes« . Passionnée de rap, Audrey Estrougo avait aussi réalisé en début de carrière « Encore un printemps« , un documentaire qui revenait sur le mythique groupe IAM.

Après cinq ans d’absence, Audrey Estrougo revient au cinéma avec ce qui se pose déjà comme son projet le plus ambitieux, puisque la réalisatrice se lance dans un biopic sur la formation d’un des plus grands groupes de rap français, NTM. Attendue au tournant, tant s’attaquer à NTM n’est pas une mince affaire, Audrey Estrougo va encore une fois étonner, livrant un film qui certes, raconte la naissance du groupe, mais derrière ça, « Suprêmes » est un film qui va raconter plus que ça. Nous plongeant à la fin des années 80, « Suprêmes« , entre ses lignes, est un film qui parle de la banlieue et des sempiternels problèmes. Intéressant, voire même un peu plus, tenu par deux jeunes acteurs bluffants, il est juste dommage que finalement, on quitte bien trop tôt ce film, qui nous laissera un tout petit goût de « Je reste sur ma faim ».

Saint Denis, 1989, Didier Morville et Bruno Lopes sont deux jeunes de banlieue qui s’expriment à travers le graffiti. Au sein d’un groupe de graff, ils forment le 93 NTM et leur art commence à se voir un peu partout. Un après-midi, ils se voient lancer un défi, après s’être gentiment moqués de Jhony Go qui fait partie du groupe de rap Assassin. Ce dernier qui rappe dans une petite boite à la mode, impose presque à Didier de monter sur scène et démontrer qu’il peut faire mieux. Personne ne le sait encore, mais ce petit défi d’ego va alors être le départ pour l’un des groupes de rap français les plus mythiques.

Les années 90 ont été marquées par l’arrivée du rap en France et parmi ceux qui se sont imposés comme les piliers du mouvement, on retiendra IAM, Mc Solaar, Busta Flex, la Fonky Family, Oxmo Puccino ou encore et bien sûr le groupe sur lequel va s’arrêter Audrey Estrougo, Suprêmes NTM. Il faut dire que les deux banlieusards natifs de Saint Denis ont marqué l’histoire du rap à jamais en l’espace de quatre albums qui demeurent encore aujourd’hui tous des classiques. Avec une telle renommée, avec une telle empreinte, il était presque logique qu’un jour ou l’autre, quelqu’un ait envie de raconter l’histoire de ce groupe et c’est donc Audrey Estrougo qui s’y colle, et le moins que l’on puisse dire, c’est que la cinéaste fait ça très bien.

Très belle plongée vers la fin des années 80, « Suprêmes » est un film qui est étonnant car comme je le disais plus haut, il fait plus que finalement raconter la naissance de ce groupe. D’ailleurs, on pourrait même dire que du côté de l’histoire du groupe, de « sa rencontre », de ce défi lancé, ou encore de sa montée en puissance, « Suprêmes » est somme toute un biopic assez classique, qui livre tout ce que l’on était venu chercher, et c’est peut-être ce qui fait qu’on reste quelque peu sur notre faim une fois sa dernière scène arrivée. On aurait presque envie de dire qu’on quitte « Suprêmes » de manière trop brute, comme s’il lui manquait une petite scène ou deux, quelques minutes encore, pour saisir une dernière fois et s’imposer durement.

Après, même si ce côté est classique, l’ensemble est bien monté, bien raconté et c’est intéressant, en plus de faire vibrer une petite touche de nostalgie. Heureusement, si l’on peut dire, « Suprêmes » ne fait pas que raconter la naissance d’un groupe. Avec ce film, Audrey Estrougo en profite aussi pour parler de la banlieue, de ses problèmes qui plus de trente ans après sont toujours les mêmes. Rivalité de bandes, « guerre de territoire », défiance envers la police, le film a aussi un côté politique, engagé dans les textes de NTM qui dénonce certaines choses et heurte les politiques. Le film raconte aussi son époque à travers son montage qui parfois reprend des images d’archives, qui sont bien employées afin de renforcer justement le portrait de l’époque posé par Audrey Estrougo.

À travers ce groupe et cette histoire, la réalisatrice fait aussi le portrait d’une époque qui bouge, qui évolue d’un coup dans sa jeunesse qui trouve et s’approprie un nouveau moyen d’expression. Puis enfin, derrière tout cela encore, la réalisatrice parle de l’envie de réussir. Une envie de réussir portée avec un mélange d’arrogance, mais aussi de blessures, notamment du côté du personnage de Joey Starr, qui est porté un excellent Théo Christine. Le film aborde une triste relation de famille, avec l’envie d’un fils pour impressionner son père et ce côté, en l’espace de quelques scènes dispatchées, offre à « Suprêmes » une jolie touche d’émotion.

L’autre réussite du film d’Audrey Estrougo, c’est l’ambiance nineties et rap qu’elle a réussi à capturer. « Suprêmes » est vraiment plaisir à suivre, et chacune de ses facettes est bien mise en valeur et sonnent comme très juste. Le concert improvisé, les répètes, le côté road trip lorsqu’on part en tournée avec cette bande de potes tous un peu frappadingues et attachants en même temps. La reconstitution est bien faite, le film a son caractère, et finalement, l’ensemble se laisse suivre sans qu’on le voie passer, ce qui appuie aussi comme je le disais, le côté, « je reste sur ma faim », tant finalement « Suprêmes » passe bien trop vite.

Enfin, il y a ce casting qui était l’élément le plus casse-gueule du film, et même si physiquement, on pourrait avoir des doutes, Théo Christine et Sandor Funtek sont si imprégnés de leur personnage, qu’ils finissent par petit à petit s’imposer et être Khool Shen et Joey Starr. À noter, quelques seconds rôles marquants, comme César Chouraqui en premier manager. Puis, il y a les fans du groupe NTM qui sont géniaux, et dont l’excitation, le plaisir d’être ensemble et de profiter du moment, voire de la folie, est communicative.

« Suprêmes » est donc un bon film et démontre encore l’envie de cinéma et le talent de sa réalisatrice. Riche et intéressant, même si l’on reste sur notre faim, « Suprêmes » se pose aussi bien comme un biopic (c’est même l’un des premiers sur cette époque et ce genre-là), qu’un drame social qui décrit très bien son époque. Plaisant et vibrant, convoquant évidemment la touche nostalgique et tenu par deux acteurs bluffants… Bref, ce « Suprêmes » se pose comme une belle petite réussite.

Note : 15/20

Par Cinéted

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