avril 25, 2024

Arcadia – Fabrice Colin

Auteur : Fabrice Colin

Editeur : Bragelonne

Genre : Steampunk

Résumé :

Londres, 1872. Dans le monde d’Arcadia, la réalité a les couleurs du rêve : un royaume idéal, baigné de féerie arthurienne, dans lequel les ministres sont poètes et les artistes sont rois, où le futur est tabou et la mort improbable. Un jour pourtant, d’étranges présages viennent troubler la sérénité de la belle capitale. Neige bleutée, vaisseau fantôme… Le peintre Rossetti et ses amis se sentent mystérieusement concernés. Cent quarante ans plus tard, dans un Paris agonisant plongé sous les eaux, quatre jeunes gens férus d’art victorien entendent le même appel, et s’apprêtent à déchirer le voile qui sépare les deux mondes.

Avis :

Certains romans sont considérés comme des œuvres fondatrices d’un genre. En règle générale, il faut se tourner vers la littérature classique pour retrouver les origines d’un courant spécifique. Incursion dans l’imaginaire récente, soit la fin du XXe siècle, le steampunk français s’est démocratisé avec les histoires de Johan Heliot, Mathieu Gaborit, Michel Pagel ou encore Fabrice Colin. En l’occurrence, ce dernier s’est distingué avec Confessions d’un automate mangeur d’opium et, le présent ouvrage, Arcadia. Un diptyque des plus ambitieux qui entremêle l’époque victorienne à un Paris post-apocalyptique, le tout sur fond de légendes arthuriennes. Autrement dit, la singularité de cet univers intrigue autant qu’elle fascine, du moins dans les intentions.

Face à une telle convergence culturelle, il est vrai qu’Arcadia possède un potentiel évident. L’auteur déploie son histoire sur deux temporalités différentes, ainsi que des lieux dissemblables. Ce parti pris reste intéressant, ne serait-ce que pour exposer l’étendue de ce monde et ses ramifications. Cependant, l’alternance aléatoire des chapitres floue déjà les frontières entre chaque point de vue. Cela peut éventuellement souligner le rapprochement entre des époques aux antipodes. Pour autant, de simples repères chronologiques et géographiques en début de chapitres auraient été appréciés afin de mieux resituer l’action ; autre que les présentations de sous-parties qui, elles, s’avèrent dispensables.

Au-delà du caractère attrayant d’une telle incursion, l’intrigue en elle-même laisse dubitatif dans le sens où il n’y a pas véritablement de fil directeur. On ne saisit pas le propos principal, où l’auteur veut en venir. La faute à une succession de séquences disparates qui manquent de cohésion. Le récit s’attarde plus que de rigueur sur des instants de détente, des « tranches de vie » où se rencontrent des personnalités historiques éminentes. Là encore, le fait de voir se côtoyer autant d’artistes de renom demeure appréciable à plus d’un titre. Toutefois, leurs échanges se résument le plus souvent à des conversations de dandys qui portent à peu de conséquences sur la teneur des évènements.

On vaque donc entre dîners mondains, jugements surfaits à des degrés divers et contemplation somme toute fataliste sur le devenir de l’humanité. L’ensemble s’entrecoupe d’intermèdes sur les légendes arthuriennes précédemment évoquées, ainsi que des extraits épistolaires qui présentent un intérêt relatif au sein du récit. On songe surtout à ces passages qui interpellent Rudyard Kipling. On les parcourt avec indifférence pour aboutir sur des considérations inexistantes. À de nombreux moments, on a l’impression que les histoires respectives (Vestiges d’Arcadia et La Musique du sommeil) s’avancent comme un amalgame de saynètes à l’attrait fluctuant.

Certes, l’ensemble n’est pas dépourvu d’intérêt, mais la lecture est particulièrement exigeante, voire laborieuse. En effet, elle implique de s’affranchir d’une approche conventionnelle. Même dans cette optique, il n’en demeure pas moins que cet univers présente une telle densité qu’il paraît vain de le développer sur deux intrigues courtes qui n’excèdent pas 350 pages à elles deux réunies. Par conséquent, de nombreux aspects sont survolés. Cela vaut pour la gouvernance de l’État britannique par des poètes ou encore ce discours sur un Paris en déliquescence. La tonalité écologique du contexte contemporain est esquissée, tout comme l’intégration ponctuelle des légendes arthuriennes.

Au final, Arcadia est un diptyque qui ne manque pas d’allant. On apprécie l’ambiance générale, la densité d’un univers qui ne demande qu’à être exploré. La présence de figures éminentes du XIXe siècle n’est également pas pour déplaire. Cependant, on se heurte bien vite à un récit sans réelle progression ni ligne directrice. La succession des séquences rend l’ensemble décousu. Ce qui altère le sentiment d’immersion. La singularité de l’initiative littéraire a beau être louable, il n’en reste pas moins que l’histoire manque d’une rigueur narrative à même de se laisser emporter au fil des chapitres. Un roman intéressant dans le fond, mais d’un caractère formel beaucoup trop aléatoire.

Note : 10/20

Par Dante

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