avril 25, 2024

The Dark Pictures – Little Hope

Résumé :

Dans cette expérience narrative, on suit l’histoire de quatre étudiants et leur professeur pris au piège dans la ville fantôme de Little Hope et les visions cauchemardesques qui l’habitent. Leur but ? S’échapper en découvrant l’origine de ce mal et leur lien avec tout cela.

Avis :

Avec Man of Medan, Supermassive Games initiait un projet horrifique d’envergure, sobrement intitulé The Dark Pictures Anthology. Au terme de ce premier opus, il en ressortait des impressions partagées entre une atmosphère soignée, un cadre immersif, un gameplay maladroit et une ligne narrative prévisible. L’aventure soufflait alors le chaud et le froid. Un an plus tard, le studio de développement responsable d’Until Dawn récidive avec une intrigue aux antipodes de son prédécesseur. On délaisse l’environnement maritime et son navire-fantôme pour s’immiscer dans l’Amérique profonde sur fond de procès en sorcellerie historique, de puritanisme et d’esprits revêches. Tout un programme…

Prenez votre ticket pour le bal des références

Tout comme le premier opus, Little Hope trouve ses principales sources d’inspiration dans le septième art. D’emblée, on distingue sans mal les références à des métrages tels que The Witch ou Le Projet Blair Witch. Au-delà de la connotation horrifique, on retient également ce cadre forestier qui borde la ville de Little Hope, comme point commun. En l’occurrence, cela renvoie à la tonalité primale du sujet. Cela se vérifie autant pour la pratique de la sorcellerie elle-même que pour ces fréquents intermèdes dans l’Amérique coloniale du XVIIe siècle.

En de telles circonstances, les développeurs parachèvent le contexte avec une aura mystérieuse et délétère qui n’est pas sans rappeler Silent Hill. Le rapprochement est, à certains égards, trop explicite. Cela ne tient pas uniquement à cette brume omniprésente ou à l’atmosphère qui se dégage de cette petite bourgade de Nouvelle-Angleterre. On y retrouve cette impression d’immuabilité des lieux qui renforcent l’illusion d’impermanence entre la vie et la mort. Assiste-t-on à l’errance de défunts ou à une vaine tentative de survie ? Toujours est-il que ce caractère multiréférentiel atténue l’identité même de Little Hope.

Une ambiance appréciable qui dissimule un traitement creux de l’effroi

Si l’on peut saluer une atmosphère travaillée, foncièrement glauque, on demeure néanmoins perplexe quant à la progression de l’intrigue. Cela tient tout d’abord à ce level design peu cohérent qui use de prétextes paranormaux pour justifier ses invraisemblances géographiques. À intervalles réguliers, on a l’impression de rester en périphérie de Little Hope. Les incursions urbaines sont rares, pour ne pas dire absentes, quand on exclut les phases d’exploration dans des ruelles désertes et mortifères. Au-delà d’un parcours linéaire propre à ce type de jeux, on vaque de plans vides en intérieurs délabrés avec un détachement manifeste.

Il est vrai qu’une telle approche est susceptible de servir le propos de base. Cependant, on distingue peu d’interlocuteurs extérieurs au groupe de protagonistes. De même, l’aspect effrayant censément attendu use de jump-scares prévisibles et redondants. Les mécanismes pour faire sursauter le joueur sont présentés de telle sorte qu’ils ne possèdent aucune variation. Là encore, un prétexte simpliste pour amorcer de fréquents intermèdes dans le passé. La mise en scène en abuse à un point tel que même les subterfuges sonores les accompagnant n’évoquent qu’une morne indifférence.

Des réflexes qui prêtent à peu de conséquences

Certes, l’on demeure en présence d’une histoire interactive, mais l’implication du joueur semble secondaire aux yeux des développeurs. On marche plus ou moins vite dans l’attente d’une séquence ponctuée de QTE pour exposer un danger explicite. Ce dernier se traduit essentiellement par une entité peu ragoûtante, surgie d’outre-tombe (et du passé). À ce titre, ces incursions sont beaucoup plus tolérantes que celles de Man of Medan, du moins dans les intentions. La réactivité des commandes et leur exécution demeurent parfaitement accessibles.

Néanmoins, la finalité desdits passages laisse dubitatif. En effet, il n’est pas rare de constater des épreuves permissives au possible pour soutenir un élément clef de l’intrigue. A contrario, une autre séquence n’offre aucune marge de manœuvre et de droit à l’erreur. Comme si la narration orientait sciemment la résultante de ces instants. Il en ressort un sentiment biaisé, miné par une frustration qui se n’arrête pas en si bon chemin.

L’embarras du choix, vraiment ?

L’intérêt même de la Dark Pictures Anthology est de proposer des histoires aux multiples ramifications. Un tel concept encourage le joueur à prendre ses propres décisions, puis à explorer les différentes possibilités. De cette approche découle la tension censée rehausser les enjeux, voire ajouter une tonalité dramatique dans l’avancement des aboutissants. Pour autant, l’un des fondamentaux du genre constitue la grande faiblesse de Little Hope. Ce qui confère presque à l’absurde.

En parallèle de ces QTE équivoques, l’orientation des dialogues est également sujette à caution. Il n’est pas question de fustiger la rapidité des réponses à fournir. On a simplement l’impression qu’il n’existe pas de réels bons choix. Certaines tournures de phrase ou d’expression tentent même d’induire en erreur le joueur, lui suggérant une réaction pour, finalement, s’en détourner au profit d’une approche contraire. Cela vaut aussi bien pour les interactions entre les personnages que pour ces flashbacks récurrents. Sur ce point, la frustration est également de mise.

L’art de prendre le joueur pour un benêt

Cela se confirme également avec une conclusion mal maîtrisée, alambiquée, voire incohérente dans certains éléments avancés. Là où l’écriture tente de nous « surprendre » par un ultime retournement de situation, on demeure sceptique dans cette explication poussive et trop évasive quant à ce qui est exposé dans le prologue. Là encore, on veut nous faire croire à une intrigue subtile qui propose une nouvelle relecture. Cependant, sa maladresse renforce une volonté de manipuler sans autre but que d’égarer le joueur dans ses considérations.

Quant aux éléments propres au passé, ils prêtent à peu de conséquences. Le rapport entre histoire et présent suggère des réactions à sens unique. Autrement dit, les possibilités d’interagir pour les protagonistes se font seulement quand le récit estime qu’elles sont judicieuses. On occulte alors les incidences et les répercussions qui doivent survenir à la suite de leur décision. Le seul aspect notable et appréciable est de mettre en exergue les superstitions et les croyances religieuses, comme vecteur de la peur chez l’homme. L’ironie du sort est particulièrement plus vivace avec une certaine manifestation paranormale qui se produit en aval.

Une incursion de courte durée au pays des sorcières…

Sans surprise aucune, la durée de vie de Little Hope est similaire à celle de Man of Medan, soit environ 5 heures pour boucler l’aventure. En dépit des soi-disant embranchements narratifs, la rejouabilité est limitée au possible. Cela tient autant au « plaisir » de la redécouverte de l’intrigue qu’aux relations sociales régissant les interactions entre les personnages.

L’idée reste bonne, mais demeure surfaite, sinon sous-exploitée. Il y a bien des modes multijoueurs en local ou en ligne pour profiter pleinement de l’histoire. Cependant, ils s’avèrent bien maigres, tout comme le déblocage des traditionnels secrets ou items dans les menus, pour contenter le joueur. On peut donc considérer que le contenu du jeu se veut classique et paresseux.

En conclusion…

Au final, Little Hope s’avance comme un second opus décevant pour la Dark Pictures Anthology. On apprécie le fait que la maniabilité a fait l’objet d’une modeste refonte. De même, les angles de caméras sont moins erratiques. Toutefois, les écueils de son prédécesseur cèdent la place à des problèmes autrement plus handicapants pour la découverte de l’histoire et du titre dans son ensemble. Cela vaut tout d’abord pour cette ambiance soignée, mais guère effrayante.

Quant aux jump-scares, ils s’avèrent pénibles et répétitifs dans la manière dont ils sont avancés. Progressivement, le récit s’étiole vers une approche conventionnelle, elle-même enclavée dans une ligne directrice rigide, y compris dans les choix illusoires offerts au joueur. Au lieu d’interagir avec l’intrigue, on subit son orientation avec peu de véritables prises de décision essentielles. Un survival-horror imparfait et inégal dont les maladresses atténuent considérablement les qualités de son sujet principal et l’atmosphère propre au contexte historique.

Note : 10/20

Par Dante

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.