Titre Original : Metri Shesh Va Nim
De : Saeed Roustayi
Avec Payman Maadi, Navid Mohammadzadeh, Houman Kiai, Parinaz Izadyar
Année : 2021
Pays : Iran
Genre : Thriller, Action
Résumé :
En Iran, la sanction pour possession de drogue est la même que l’on ait 30 g ou 50 kg sur soi : la peine de mort. Dans ces conditions, les narcotrafiquants n’ont aucun scrupule à jouer gros et la vente de crack a explosé. Bilan : 6,5 millions de personnes ont plongé. Au terme d’une traque de plusieurs années, Samad, flic obstiné aux méthodes expéditives, met enfin la main sur le parrain de la drogue Nasser K. Alors qu’il pensait l’affaire classée, la confrontation avec le cerveau du réseau va prendre une toute autre tournure…
Avis :
Réalisateur iranien, Saeed Roustayi a débuté sa carrière très tôt, surtout pour un jeune homme qui aspire à devenir metteur en scène en Iran. Il commence à écrire et tourner dès l’âge de vingt-deux ans. Il renchaîne assez vite, avec un deuxième court-métrage, et se fait remarquer, ce qui lui permet de réaliser en 2016, à vingt-six ans, son premier long, « Abad va yek rooz« , film qui demeure encore inédit chez nous.
Présenté à la Mostra en 2019, « La loi de Téhéran » est donc son deuxième film. Un film qui aurait dû sortir courant 2020, mais que fut déplacé pour les raisons qu’on connaît tous désormais. Avec son deuxième film, Saeed Roustayi nous entraîne dans une immense plongée dans l’enfer toxico de Téhéran. Thriller social et judiciaire cruel, plongée dans la traque du crack assez incroyable, doté d’une mise en scène grandiose, film tenu par des acteurs impeccables, voire même bouleversants, les superlatifs pour décrire au mieux le deuxième film de Saeed Roustayi viennent à manquer, tant le cinéaste nous sèche sur place avec un film qui ne cesse de se faire surprenant.
En Iran, la drogue est un immense problème tant elle y est implantée. Pourtant, en Iran, qu’on ait sur soi deux grammes ou cinquante kilos, la sentence est la même, la peine de mort. Les trafiquants n’hésitent pas à jouer très gros, et la police redouble de travail. Sammad est un policier expérimenté qui tient des méthodes expéditives. Un jour, il arrive à mettre la main sur un gros bonnet, mais alors qu’il pensait que cette arrestation serait comme les précédentes, la confrontation avec Nasser Khakzad prend une tournure plutôt inattendue.
« La loi de Téhéran » est l’un des grands films de 2021 qui m’était étrangement passé sous le nez lors de sa sortie. Porté par un excellent bouche-à-oreille, le film a fait son petit bonhomme de chemin dans les salles. Nommé au César du meilleur film étranger, voici que le film de Saeed Roustayi ressort dans certaines salles, l’occasion pour moi de le découvrir dans les meilleures conditions et voir si je rejoignais le camp des avis dithyrambiques, et clairement le film est une très belle claque, et ça, dès son impressionnante scène d’ouverture.
« La loi de Téhéran » est un film qui nous entraîne dans les bas-fonds de la ville, en proie au trafic de drogue et plus précisément ici, au trafic de crack. Très différent de ce à quoi l’on pouvait s’attendre, Saeed Roustiya livre là un film qui ne cesse de muter. Un film qu’on pourrait aisément chapitrer, tant les évolutions vont être marquées. Au menu alors de cette « … loi de Téhéran« , on aura droit à une traque intense, avec des méthodes policières assez étonnantes. Puis viendra alors une longue partie de confrontations où tout « s’embrouille ». C’est à coup sûr la partie la plus intéressante du film, car après la traque des trafiquants, dans cette deuxième partie, Saeed Roustiya dézoome et s’intéresse alors aussi bien au trafic qu’à la justice de son pays.
Rapport de force, dénonciations, lâcheté (les scènes entre un père handicapé et son fils sont révoltantes), soupçons, corruption, méandres des affaires et puis derrière ça, le film entre bien dans la psychologie de ses personnages et sans jamais les justifier ou les appuyer, « La loi de Téhéran » fait un constat. Le film de Roustiya était déjà très riche, mais avec cette partie et ce qu’elle va engendrer pour son final révoltant, déjà lourd de conséquences, le devient encore plus. Écrit par Roustiya lui-même, ce scénario est une bombe, car le réalisateur sait exactement ce dont il veut parler, il sait comment aborder tous ses sujets, tous ses personnages et son fil rouge se révèle implacable de bout en bout, avec un constat final aussi dramatique que fatidique et terrifiant.
Le scénario est une petite bombe, mais on ajoutera à cela une mise en scène incroyable. On peut aisément parler de film coup de poing, tant la plongée, tant l’immersion, est totale. Saeed Roustiya livre un film qui là encore ne cesse de surprendre, en enchaînant de grandes scènes les unes derrière les autres. Sa mise en scène s’adapte aussi aux événements et directions que prend son scénario. Ainsi, « La loi de Téhéran » oscille entre des moments bourrés de rythme et de tensions et d’autres qui vont être plus resserrés sur ses personnages, nous approchant au plus près d’eux.
Puis, alors qu’on ne s’y attendait pas, Roustiya livre un film qui d’un coup s’envole dans l’émotionnel, voire même le poétique. Une émotion qui nous sert le cœur, tant le gâchis est immense. À force d’idées, d’intensité et surtout de cohérences et de direction, « La loi de Téhéran » nous révèle la possibilité d’un futur grand cinéaste.
Pour ce film, le réalisateur retrouve Peymân Maâdi (qu’il a déjà fait tourner dans son premier film), acteur iranien qu’on a vu chez Asghar Farhadi, Anne Fontaine, Steven Zaillian ou encore Michael Bay, et il lui offre le rôle d’un flic engagé et fataliste. Un rôle que le comédien empoigne à bras le corps de bout en bout. Si le film tient des comédiens géniaux qui trouvent des rôles précieux, il est vrai que « La loi de Téhéran« , c’est surtout une révélation, Navid Mohammadzadeh qui dans la peau d’un trafiquant crève littéralement l’écran.
« La loi de Téhéran » s’inscrit comme l’un des grands films de 2021. Que ce soit dans ce qu’il aborde, dans les différentes parties de son film, dans sa traque de ce fléau et son démantèlement, ou encore dans son analyse des procédures judiciaires, que dans sa mise en scène, dans sa plongée radicale et son immersion totale, Saeed Roustiya livre là aussi bien un grand polar qui lorgne vers le thriller, qu’un drame social et judiciaire puissant. Porté par des acteurs impeccables, qui tiennent des personnages aussi passionnants que touchants, cette « … loi de Téhéran » est une claque, et je suis ravi d’avoir pu le découvrir sur grand écran.
Note : 16/20
Par Cinéted