avril 19, 2024

John-John

De : Brillante Mendoza

Avec Cherry Pie Picache, Eugene Domingo, Jiro Manio, Dan Alvaro

Année : 2007

Pays : Philippines

Genre : Drame

Résumé :

Dans un quartier pauvre de Manille, Thelma est chargée par un service social local d’élever des enfants abandonnés avant leur adoption officielle. Aujourd’hui, John John, le dernier enfant gardé par Thelma, doit être remis à ses parents adoptifs américains. A mesure que la journée passe, chaque moment avec le petit garçon devient de plus en plus précieux.

Avis :

Brillante Mendoza est peut-être le réalisateur philippin le plus connu au monde. Alors qu’il se destine à rentrer dans les ordres, il va faire des études d’art à Manille, puis tombe dans la réalisation un peu par hasard. Cela lui plait et il va tenir un rythme effréné, proposant quasiment un film par ans. Bondissant d’un genre à l’autre, s’il y a bien une chose en commun entre tous les longs-métrages de Brillante Mendoza, c’est la famille. Devenant une institution dans son pays, il commence à émerger à l’international avec John-John, film qui nous préoccupe à travers ces lignes. Néanmoins, c’est surtout en 2009 qu’il perce en France grâce à Kinatay, un film éprouvant sur la guerre des gangs aux Philippines. Engagé, ayant parfois des soucis pour réaliser certaines scènes de ses films, Brillante Mendoza pose un regard aiguisé sur la société de son pays.

L’adoption

Avec John-John, qui sera présenté à Cannes pour la quinzaine des réalisateurs, le metteur en scène raconte l’histoire de Thelma, une mère de famille qui vit dans les favelas de Manille, et qui est aussi une mère adoptive. C’est-à-dire qu’un service à l’adoption lui donne des bébés dont elle s’occupe comme ses enfants pendant trois ans, avant de les donner à de riches familles étrangères. Cela fait trois ans que Thelma élève John-John, un petit métis, et il faut qu’elle le ramène à sa nouvelle famille. Sans jugement, juste en suivant le parcours de cette femme et de sa famille, Brillante Mendoza pose un regard à la fois tendre et dur sur un service d’adoption étrange. Et c’est bien là tout le cœur de ce film, qui suit à la trace un seul personnage, du matin jusqu’au soir, qui s’occupe de ce petit enfant comme si c’était le sien.

Bien évidemment, au niveau du scénario, on voit rapidement où veut en venir Brillante Mendoza. Ici, son but est de montrer le décalage qu’il peut y avoir entre les familles qui s’occupent des petits jusqu’à leurs trois ans et les familles adoptives, souvent riches et opulentes. Le démarrage se fait dans les quartiers pauvres de Manille, avec une famille qui s’active autour de John-John. On y croise une vie bouillonnante, pleine de bonne humeur, de débrouille et d’amour. Car oui, même si le quartier est pauvre, chacun se fait confiance, personne ne ferme sa porte, et l’entraide est de mise. On y voit un John-John heureux, parfaitement à son aise, même si tout le monde l’appelle le métis. Une sorte de surnom qui marque sa différence avec ses deux « frères » et qui permet, peut-être, de ne pas marquer son attachement.

Emotions à fleur de peau

Mais les choses ne se passent jamais comme prévu et le réalisateur, en quelques séquences très courtes, pose un regard tendre sur ces familles qui acceptent de laisser partir des enfants qu’elles ont élevé comme les leurs. Lorsque la référente des services sociaux vient chercher John-John, on y voit un père larmoyant, agité de tristesse et qui avoue que ce n’est pas facile de laisser partir un enfant qu’il considère comme le sien. Le final sera d’ailleurs assez équivoque en termes d’émotions, puisque ce sera au tour de la femme de craquer, ayant du mal à dire au revoir à John-John, partant dans une riche famille américaine. En filmant au plus près des personnages, en suivant le parcours de tout le monde, Brillante Mendoza arrive à faire passer les émotions sans en faire des caisses.

L’autre force du film concerne le message social que fait passer en filigrane le réalisateur. Il montre, encore une fois sans jugement, comment fonctionne les organismes à l’adoption à Manille, et c’est très surprenant. Ce sont les familles les plus pauvres qui ont à charge de s’occuper des nourrissons. Il faut savoir qu’aux Philippines, les familles des quartiers populaires laissent toujours quelqu’un dans leur maison. Ainsi, les services sociaux préfèrent donner les orphelins à un cadre familial omniprésent, plutôt qu’à des familles moyennes, où les deux adultes travaillent. Le metteur en scène offre alors une dichotomie impressionnante de la société, entre des quartiers pauvres et délabrés et un hôtel majestueux, avec un appartement grandiose, où Thelma ne sait pas comment utiliser une douche. Un contraste fort, posant un regard sans jugement car Thelma semble heureuse dans sa vie et ne veut pas forcément de la luxure.

Vers le documentaire

Si le film est intelligent et relativement fort dans ce qu’il raconte, il ne sera pas parfait pour autant. En premier lieu, la réalisation pêche un peu par sa redondance. Brillante Mendoza suit les personnages au plus près, souvent derrière leur dos lorsqu’ils déambulent dans les rues, et cela donne un effet cyclique qui ennuie. Si on ne peut que saluer la maîtrise technique, avec une caméra qui ne tremble pas, on reste tout de même sur quelque chose de tellement réaliste, que parfois, on lorgne du côté du documentaire. Il manque un brin de folie au métrage pour vraiment nous scotcher. Si tout cela grouille de vie et bruit, on reste tout de même face à un film qui se fait parfois austère et qui veut trop être au plus près de ses personnages, oubliant dès lors ce qu’il se passe autour.

Au final, John-John est un film très intéressant sur son fond, qui permet d’avoir un regard neutre sur la façon dont sont élevés, puis adoptés les orphelins philippins. Un système étrange, mais qui n’est pas nocif pour les enfants, et qui font passer les familles pauvres pour des sauveuses de l’enfance. Le réalisateur ne juge jamais, affiche des faits et permet, en second plan, de faire réfléchir sur la société de son pays. Parfois trop proche du documentaire, il manque au film un grain de folie, un petit peu plus d’émotions, pour vraiment nous embarquer. En l’état, John-John est un bon film auquel il manque quelques petites choses pour être parfait.

Note : 13/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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