Titre Original : The First Purge
De : Gerard McMurray
Avec Y’Lan Noel, Lex Scott Davis, Joivan Wade, Marisa Tomei
Année : 2018
Pays : Etats-Unis
Genre : Horreur
Résumé :
Pour faire passer le taux de criminalité en-dessous de 1% le reste de l’année, les « Nouveaux Pères Fondateurs » testent une théorie sociale qui permettrait d’évacuer la violence durant une nuit dans une ville isolée. Mais lorsque l’agressivité des tyrans rencontre la rage de communautés marginalisées, le phénomène va s’étendre au-delà des frontières de la ville test jusqu’à atteindre la nation entière.
Avis :
Certaines franchises horrifiques marchent plus que d’autres. Et en dépit d’une qualité incroyable, la saga American Nightmare tire bien son épingle du jeu. Si le premier est un échec du point de vue critique, il faut croire que le concept a attiré du monde, puisqu’il aura rapporté plus de 91 millions de dollars au box-office, pour un coût de 3 millions. Difficile dès lors pour Jason Blum et James DeMonaco de lâcher une si lucrative affaire. Le deuxième volet dépassera alors les espérances avec plus 112 millions de recette (pour 9 millions de budget) et le troisième rapportera 118 millions pour un budget de 10 millions. Fort de ce succès, un quatrième opus est mis en route, revenant alors sur les origines de la Purge. James DeMonaco laisse alors la réalisation à Gerard McMurray (producteur de Fruitvale Station) mais reste à la production et au scénario.
Défrayant un peu la chronique par son côté Blaxsploitation et souvent accusé de racisme anti-blanc, American Nightmare 4 : Les Origines peut surprendre par son aspect régressif, mais il tient en son sein plusieurs messages intelligents, dont il serait dommage de passer à côté.
Au commencement
Plutôt que de faire une resucée des épisodes précédents, James DeMonaco et son équipe vont prendre la décision de faire un préquel. L’idée est plutôt bonne et va permettre de traiter à bras le corps toute une flopée de thèmes, dont celui du racisme. Ici, les Père Fondateurs sont au pouvoir, et ils veulent faire baisser la criminalité, mais aussi le chômage et tout ce qui coûte de l’argent à la société. Pour ce faire, ils prennent l’île de Staten Island pour expérimenter une première purge. Une nuit où les lois sont inexistantes et où les hommes peuvent laisser libre cours à leur rage, leur colère et leur frustration. En faisant ainsi, les Pères Fondateurs espèrent réguler une partie de la population. Le film propose alors de suivre le parcours chaotique de plusieurs personnes, à savoir un jeune homme perdu, une jeune femme militante et un chef de cartel.
Et chacun de ses personnages va véhiculer avec lui ses messages et son fond. Le film se veut profondément engagé et il résonne comme très juste avec le mouvement Black Lives Matters. Ainsi, on va découvrir un jeune homme perdu dans sa vie, qui va choisir la facilité pour gagner de l’argent. Plutôt que d’aller à l’école, il va dealer, mais de constitution fragile, il va se faire agresser par un camé. Il rêve donc de se venger lors de la purge. Malheureusement pour lui, son aspect bon refait surface, et il se retrouve incapable de tuer, devenant alors une proie. Ici, le réalisateur veut clairement démontrer que si les jeunes dealent, ce n’est pas par choix premier, mais parce qu’il n’y a pas de travail, ni même de promesses d’avenir. Un message toujours d’actualité, malheureusement qui mélange misère sociale et racisme.
Le Bon et les Brutes
A ce jeune homme, il faudra ajouter sa sœur, une jeune femme militant contre la purge et qui souhaite le meilleur pour son quartier. Son combat se poursuivra dans la nuit au sein d’une église pour tenter de protéger les siens, mais elle va devoir prendre des risques pour sauver son frère. A travers son portrait, on va voir l’impossibilité de ces classes sociales de s’en sortir, tant elle brasse de l’énergie pour rien, les médias délaissant cela au profit du meurtre et du recrutement de masse pour la purge. Encore une fois, Gerard McMurray démontre que les rues ont du talent, mais ne sont jamais mis en avant, les médias et réseaux préférant le sensationnel à l’intelligence.
C’est avec le personnage de Dimitri que le film devient encore plus intéressant. Dealer flambeur et beau gosse, il a aussi le cœur sur la main et c’est à travers lui que l’on va percevoir la révolte, mais aussi une sorte de rédemption. En effet, le personnage est noir, il se doit d’éliminer la concurrence en se montrant sans pitié, mais il va se retrouver face à des types encore pires que lui, des suprémacistes blancs. Dès lors, le film prend un tournant important et dénonce de façon frontale le racisme systémique qui sévit aux Etats-Unis. Un racisme banalisé et omniprésent, que ce soit dans la rue, ou dans les hautes sphères du pouvoir qui envoient ces milices pour « nettoyer » les quartiers. Certes, c’est binaire, mais l’histoire est là pour nous rappeler que ce n’est pas loin de la vérité.
Dimitri devient alors un ange vengeur, un symbole de libération et de lutte, se rendant compte que faire le bien et toujours mieux que faire le mal.
Pour la finesse, on reviendra
Il est évident que cet American Nightmare se veut frontal et percutant dans ce qu’il raconte. Il n’est donc pas étonnant que certaines personnes le perçoivent comme un pamphlet raciste anti-blanc (si tant est que cela existe). Gerard McMurray aurait pu être un peu plus finaud dans sa conclusion, ou dans certains moments qui peuvent prêter à sourire, comme toute l’iconographie nazie ou liée au Ku Klux Klan. On n’avait pas besoin de ça pour comprendre le message intrinsèque du film. Cependant, c’est très bien mis en scène. Le démarrage de la purge est inquiétant à souhait avec un joli jeu de lumière grâce aux lentilles. Cela diffuse une atmosphère lugubre, où le danger peut survenir de n’importe quel coin de rue. De plus, les scènes d’action sont efficaces et lisibles. Il manque juste à ce film un petit ajout horrifique pour parfaire le tout.
Au final, ce quatrième opus des American Nightmare n’est pas si décevant que ça. Certes, il est binaire et frontal, mais il se révèle aussi efficace et tendu, possédant en prime un fond qui est intelligent et important. Sans jamais sombrer dans la morale à deux balles, le film prend clairement parti, mais il le fait avec sens et sans démagogie. Si on aurait pu avoir un film un peu plus gore, un peu plus nerveux, il n’en demeure pas moins que Gerard McMurray sert une origin story potable et efficace, à défaut de réaliser un chef-d’œuvre, ce qui risque fort de ne pas être possible avec un tel pitch.
Note : 13/20
Par AqME