décembre 9, 2024

Le Voyage de la Peur

Titre Original : The Hitch-Hiker

De : Ida Lupino

Avec Edmond O’Brien, Frank Lovejoy, William Talman, Jose Torvay

Année : 1953

Pays : Etats-Unis

Genre : Policier, Drame

Résumé :

Un tueur en série se fait prendre en stop par deux amis partis pêcher. Le voyage de l’angoisse commence…

Avis :

Si être une réalisatrice aujourd’hui est un véritable chemin de croix, il en est de même durant les années 50. En effet, hormis le métier d’actrice, peu de femmes se risquent à être derrière la caméra pour raconter des histoires. Durant les années 50, Ida Lupino va bousculer un peu les codes. Tout d’abord actrice, elle se retrouve réalisatrice par un heureux hasard sur le tournage de Avant de t’Aimer en 1949, suite à la défection d’Elmer Clifton. Le fait qu’elle soit productrice sur le film, avec son mari Collier Young n’y est pas pour rien, mais cela va lui donner envie de rester de ce côté-ci de la caméra. Et elle va alors continuer son petit bonhomme de chemin jusqu’à être considérée comme la première femme à avoir fait un film noir avec Le Voyage de la Peur.

Bien que ce statut soit usurpé, puisque en 1949, Edith Carlmar réalise Death is a Caress, Ida Lupino va marquer les esprits avec ce cinquième film en jouant avec les codes du film noir et du road trip macabre. Ici, on va suivre deux amis qui partent pêcher et qui vont prendre un autostoppeur en cours de route, mais ce dernier est un sociopathe recherché par la police. Armé d’un pistolet et menaçant les deux hommes, il les force à rejoindre une ville du Mexique pour prendre le large. C’est avec ce pitch tout simple que la cinéaste nous embarque pour un peu plus d’une heure de mésaventures, où l’on va connaître les motivations du psychopathe, mais aussi comment les deux amis vont coopérer, quitte à se mettre en danger, pour s’en sortir. Car oui, malgré la minceur du scénario, il y a de quoi se mettre sous la dent.

« Dès lors, on perçoit que ce méchant a été façonné par notre société. »

En premier lieu, le film va mettre en avant ce tueur en série qui n’hésite pas à tuer homme et femme pour trouver de l’argent et un véhicule. D’emblée, la réalisatrice fixe son antagoniste, ne le dévoilant pas, mais montrant ses exactions pour arriver à ses fins. C’est à travers un journal que l’on va voir ses traits, où l’on apprend qui est ce tueur en série. Une manière froide et déshumanisée de le présenter, de façon à lui donner une aura presque fantastique. Ensuite, on va être dans une voiture, aux côtés de deux hommes qui prennent la route. On aura droit à des présentations sommaires, avec un conducteur qui a envie de s’amuser, et un autre plus revêche, qui veut aller droit au but, sans faire d’escale. Une présentation simple, qui va permettre de les confronter au sociopathe, et d’agrandir leur psychologie par la suite.

Car ce road trip, aussi trépidant soit-il, sera surtout l’occasion de faire parler ce trio et d’en apprendre plus sur eux et sur leur vie. A commencer bien évidemment par ce psychopathe, qui va dévoiler les raisons de son état. Intelligent, bien conscient d’être en dehors des codes de la société, ce tueur va livrer alors une enfance malheureuse à cause d’une malformation à l’œil. Dès lors, on perçoit que ce méchant a été façonné par notre société, le jetant au rebut dès sa naissance, car il était différent physiquement. Cela a donc influencé son caractère, où il a dû se débrouiller tout seul depuis son plus jeune âge. C’est simple, mais cela donne de l’épaisseur à ce méchant qui se dévoile sans pitié, et n’hésite pas à jouer avec ses deux otages. Une belle manière aussi de faire monter la pression crescendo, en ajoutant des jeux dangereux.

« On est dans un policier où la tension monte petit à petit, pour ne plus nous lâcher. »

L’autre message du film concerne les deux victimes, qui vont devoir subir les brimades de leur bourreau. On va vite se rendre compte que les deux personnages ne cesseront jamais de s’aider et de tenter de trouver des solutions pour s’en sortir. Même blessé, même au bord de la crise de nerfs, les deux acolytes s’entraident et font front commun face au psychopathe. Une belle manière de montrer que l’union fait la force et que l’amitié est plus forte que tout. Bien évidemment, cela prend tout son sens avec le jeu des comédiens qui sont vraiment très bons, très investis dans leurs rôles respectifs. Mais c’est surtout William Talman qui vole un peu la vedette à tout le monde, avec son faciès si particulier et son attitude malsaine, jouant comme un chat avec deux souris.

Au niveau de sa mise en scène, Ida Lupino va proposer un joli film, avec un noir et blanc de qualité et des décors de toute beauté. Ce road trip sera l’occasion de voir pas mal de paysages, mais aussi et surtout toute la maîtrise formelle de la réalisatrice. Si on pourrait lui reprocher un manque de plans marquants, on aura tout de même de belles séquences, notamment lorsque les deux compères tentent de fuir et se font rattraper par cette voiture qui leur fonce dessus, mais aussi sur nous. L’effet est saisissant, même aujourd’hui, avec cette sensation que la voiture va nous écraser nous aussi. Alors oui, le rythme est un peu lent, et certaines séquences peuvent paraître redondantes, mais globalement, on est dans un policier où la tension monte petit à petit, pour ne plus nous lâcher.

Au final, Le Voyage de la Peur est un film qui vieillit bien et qui, malgré la simplicité de son histoire, arrive à mettre en avant des personnages intéressants et un fond intelligent. Si on peut lui trouver quelques longueurs et une mise en scène qui reste tout de même assez classique, force est de constater que l’emploi du tueur et sa psychologie font mouche encore aujourd’hui, et qu’il réside dans ce film une modernité insoupçonnable. Bref, pour toutes ces raisons, Ida Lupino est une cinéaste dont il serait intéressant de se pencher sur sa filmographie, tant cette première découverte aiguise la curiosité.

Note : 14/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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