Avis :
Cela faisait dix ans que nous n’avions pas eu de nouvelles de Limp Bizkit. Après un Gold Cobra qui avait cristallisé toutes les mauvaises langues autour de la bande à Fred Durst, il a fallu du temps et une longue pause au groupe pour se resourcer. A un tel point que même DJ Lethal est parti voir ailleurs si l’herbe était plus verte avant de revenir. Annoncé pour 2014 sous le nom de Stampede of the Disco Elephants, il faudra s’armer de patience pour voir débouler le dernier né de Limp Bizkit. Rebaptisé Still Sucks, il faut croire que le groupe a pris à son compte toutes les critiques qu’il a pu subir, au point de s’en moquer et de jouer avec cela. Cet effort pue le cynisme à plein nez, mais c’est dans ces moments-là que le groupe devient le meilleur, fidèle à sa stupidité.
Car il ne faut pas se tromper, si Limp Bizkit continue encore et toujours de stigmatiser les critiques de musique métal, c’est qu’il cache une bonne recette pour faire parler de lui. Si beaucoup s’astreignent à dire que le Nu-Métal n’était qu’une passade des années 2000, ils se fourrent le doigt dans l’œil jusqu’au coude. Et les américains comptent bien le démontrer avec ce dernier album. Le début est d’ailleurs tonitruant, renouant avec les premiers succès du groupe. Out of Style est un savant mélange de riffs sauvages et de partitions rappées dont seul le groupe en a le secret. Fred Durst semble en pleine possession de ses moyens et Wes Borland se déchaine comme jamais à la gratte. Cela sera suivi de manière optimale par Dirty Rotten Bizkit, qui va encore plus loin dans le riff lourd et l’énergie communicatrice. Aucun doute possible, le groupe est bien là.
Tout au long de l’album, on retrouvera des traces d’un passé glorieux. Outre les deux premières pistes qui vont mettre tout le monde d’accord, on pourra compter sur le tonitruant You Bring the Worst in Me et son refrain hurlé parfaitement calibré. On ressent quelques touches de Results May Vary, avec des pointes de Three Dollar Bill, Yalls. Toujours d’un point de vue Nu-métal pur jus, Pill Popper fera amplement le job, malgré sa courte durée. Durée qui d’ailleurs sera le gros point faible de cet album, avec seulement 32 minutes d’écoute, ce qui fait peu. On est à trois minutes composées par an, et on a parfois l’impression que le groupe se fout de notre gueule. Mais c’est bel et bien des critiques et de ceux qui n’aiment pas Limp Bizkit que le groupe se moque ouvertement.
L’exemple le plus flagrant est Love the Hate, dans lequel on entend deux types discuter autour de leur haine autour du groupe, jusqu’à ce que l’un des deux avoue qu’il écoute en secret le groupe. Souvent désigné comme un groupe débile aux paroles juvéniles, Fred Durst ne va pas mâcher ses mots et va plonger tête baissée dans un délire mongoloïde. Snacky Poo en est le fervent défenseur, avec ses paroles à la ramasse et son final où Wes Borland mime une interview complètement pétée. Certainement du vécu, quand on sait de quoi se nourrissent certains sites putaclics. On peut aussi évoquer le très planant Empty Hole ou encore Turn it up, Bitch, et sa ligne de basse old school. Le groupe le sait, quoi qu’il fasse, il va diviser, et se lâche complètement sur certains titres.
Même Dad Vibes est un titre très étrange et qui ne va pas dans le sens du poil. On a une prédominance au flow de Fred Durst, qui joue les vieux papas, mais les riffs en arrière-plan sont quand même bien costauds. Bref, Limp Bizkit continue de nourrir une dichotomie qui leur est propre. Et cette fissure psychologique, on la retrouve aussi dans le mimétisme, lorsque la formation s’éclate à faire des reprises, ou encore à singer ses pairs. Par exemple, Barnacle est un pur produit Grunge qui ressemble à du Nirvana. Don’t Change est une reprise d’INXS, version calme et avec les arrangements propres au groupe. Cela évoque l’époque de Behind Blue Eyes, qui fut tant détesté par les puristes. Enfin, Goodbye nous délivre un élan de nostalgie et de morosité, nous laisse dans l’expectative d’une suite, d’un nouvel album. Ce n’est qu’un au revoir, pas un adieu.
Au final, Still Sucks, le dernier effort de Limp Bizkit, est un objet assez intéressant et totalement déroutant. Si on enlève un peu la poussière qu’il y a dessus (il faut qu’en dix ans, ça s’est un peu entassé), on trouve tous les ingrédients qui ont fait le succès du groupe américain. Poussant le vice jusqu’à se foutre royalement de la gueule de ses détracteurs, Fred Durst et compagnie ne se recyclent pas forcément, mais délivrent une galette à la fois puissante et drôle, bête et cynique, mais qui reflète à merveille l’état d’esprit du groupe et une époque insouciante où le Nu-Métal n’était pas qu’une mode, mais bel et bien un sous-genre apprécié et appréciable. Si pour certains Limp Bizkit still sucks, ils le savent, et ils vous emmerdent.
- Out of Style
- Dirty Rotten Bizkit
- Dad Vibes
- Turn it up, Bitch
- Don’t Change
- You Bring Out the Worst in Me
- Love the Hate
- Barnacle
- Empty Hole
- Pill Popper
- Snacky Poo
- Goodbye
Note : 15/20
Par AqME