avril 25, 2024

M. Pénombre – Robin Sloan

Auteur : Robin Sloan

Editeur : Michel Lafon

Genre : Fantastique

Résumé :

Clay Jannon, webdesigner, se retrouve au chômage quand la récession frappe San Francisco. Le hasard le mène jusqu’à la librairie de l’étrange M. Pénombre, ouverte 24 heures sur 24, où il est embauché pour le service de nuit. Il découvre un lieu aussi insolite que son propriétaire, fréquenté par les membres d’un drôle de club de lecture. Ceux-ci débarquent toujours au milieu de la nuit, vibrant d’une impatience de drogués en manque, pour emprunter l’un des très vieux et très poussiéreux volumes relégués sur les hautes étagères du fond de la boutique. Volumes que, justement, M. Pénombre a formellement interdit à son nouvel employé de consulter.
Clay finit pourtant par succomber à sa curiosité et découvre que ces livres sont tous écrits en code. Quelle obscure révélation renferment-ils ? En bon fan de fantasy qu’il est, Clay cède à l’appel du mystère et s’attaque à « l’énigme du Fondateur » avec l’aide de son colocataire spécialiste en effets spéciaux, de son meilleur ami créateur d’un logiciel de « simulation de nichons » et de son amoureuse, ingénieure prodige chez Google. Mais quand ils veulent présenter leurs résultats à M. Pénombre, celui-ci a disparu !
Les quatre amis se lancent alors dans une quête qui les entraînera bien au-delà des murs de la petite librairie. Sur les traces de M. Pénombre, ils se trouveront aux prises avec une société occulte d’érudits légèrement allumés, un manuscrit indéchiffrable, un typographe de génie et, qui sait, le secret de la vie éternelle.

Avis :

Si les livres sont le vecteur de nombreuses histoires, ils sont plus rarement le sujet principal desdits ouvrages. En l’occurrence, cela ne tient pas à la recherche d’incunables, mais plutôt à la passion qui entoure le support. À travers des récits de vie ou des incursions fantastiques, l’approche tente de définir cet objet de fascination sous différents angles. Tout dépend du vécu de l’auteur et de son rapport à la littérature. Premier roman de Robin Sloan, M. Pénombre propose une incursion truculente qui, non sans ambages, essaye de mettre en lumière le livre, mais aussi ces endroits mystérieux, en voie d’extinction, que l’on appelle librairie.

D’emblée, l’écrivain se distingue par une plume légère et enthousiaste qui, au fil des pages, fait du second degré une caractéristique notable du texte. Malgré le contexte dans lequel se situe le personnage principal (une perte d’emploi), l’intrigue ne se prend pas au sérieux. On y distingue des traits d’humour constants, dont la subtilité s’appuie autant sur l’implication du lecteur que sur son bagage culturel. Dans la majorité des cas, ces réparties sont bien senties et opportunes pour insuffler une énergie bienvenue entre les lignes. Qu’il s’agisse de décrire les protagonistes ou de développer l’atmosphère de cette singulière librairie, la mise en condition est donc particulièrement réussie.

Cette dynamique se poursuit avec une présentation des faits qui fleurent bon le fantastique. Entre les rayonnages de la librairie de M. Pénombre, on respire un parfum de magie et de mystères. Quid de la longévité du propriétaire des lieux ? Quels sont ces curieux individus qui viennent emprunter des ouvrages tout aussi originaux que leurs lecteurs ? Le récit se construit de telles sortes à suggérer une connotation fantasmagorique, comme si les histoires fictives des livres débordaient des pages pour rejoindre la réalité. En cela, on ne peut qu’apprécier le traitement décalé qui concourt à l’immersion.

Malgré cette incursion réjouissante, la seconde moitié du roman est nettement moins convaincante. Sans doute est-ce dû à l’orientation de l’intrigue elle-même ou ces atermoiements qui atténuent considérablement la qualité narrative. Toujours est-il que l’auteur délaisse les atours fantasques de son histoire pour se pencher sur des considérations plus pragmatiques. Dès lors, le mystère initial cède la place à la résolution d’un code qui nous emmène dans les affres de la cryptographie. On a donc droit à des digressions techniques plus ou moins probantes, mais surtout à des situations qui tirent sur la longueur pour excéder difficilement les 300 pages.

Pourquoi faire simple quand on peut faire compliquer ? Cette interrogation définit la pertinence des péripéties qui s’ensuivent avec des explications en pagaille et des justifications plus circonspectes. On regrette également cet encensement presque omnipotent de Google. Les vertus de la multinationale et ses ramifications sont avancées dans les moindres détails. À croire que l’auteur a bénéficié d’un contrat de sponsoring et réalise un placement de produits frénétique ! Cet aspect est tel qu’il prend souvent le pas sur l’histoire principale. De même, la conclusion fait office de pétard mouillé au vu de ce qui est amorcé sur la quête de l’immortalité.

Au final, M. Pénombre s’avère un roman à moitié convaincant. On apprécie l’ambiance de la première partie, ainsi que la manière de Robin Sloan à avancer son intrigue et ses personnages. Le ton est plein d’humour et suggère une connotation magique. Il est d’autant plus décevant que la seconde moitié s’essouffle pour se pencher sur un jeu de pistes tout aussi alambiqué que les péripéties qui s’ensuivent. Le récit se perd en cours de route, préférant s’attarder sur les méthodes de réunion de Google plutôt que sur la teneur de l’énigme évoquée en amont. Il en ressort une lecture agréable, non dépourvue de certaines qualités, mais qui se solde par une orientation laborieuse et diffuse dans ces propos.

Note : 10/20

Par Dante

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