Titre Original : The Great Dictator
De : Charlie Chaplin
Avec Charlie Chaplin, Paulette Goddard, Jack Oakie, Reginald Gardiner
Année : 1945
Pays : Etats-Unis
Genre : Comédie, Drame
Résumé :
Dans le ghetto juif vit un petit barbier qui ressemble énormément à Adenoid Hynkel, le dictateur de Tomania qui a décidé l’extermination du peuple juif. Au cours d’une rafle, le barbier est arrêté en compagnie de Schultz, un farouche adversaire d’Hynkel…
Avis :
Parmi les plus grands comiques de l’histoire du cinéma, Charlie Chaplin tient la dragée haute à tout le monde, et cela depuis les années 40. Si on peut mettre sur cette liste des génies comme Harold Lloyd ou Buster Keaton, il n’empêche que Charlie Chaplin a fait des films qui fonctionnent toujours aujourd’hui, tout du moins, plus que les deux cités auparavant. Et en plus d’être très drôle, il fut aussi un acteur engagé et courageux. Comme le prouve Le Dictateur, film qu’il tourne en 1939 alors que la Seconde Guerre Mondiale éclate, et qui sera diffusé en 1940 aux Etats-Unis. Un film qui reçu un accueil plutôt froid, les critiques trouvant le film trop engagé, comparant même cela à de la propagande pour pousser les américains à prendre part à la guerre. Visionnaire, profondément humaniste, Le Dictateur reste, encore aujourd’hui, l’une des œuvres les plus importantes du septième art.
Chaplin, visionnaire
Tourné à l’aube de la Seconde Guerre Mondiale, Le Dictateur raconte la montée en puissance d’un tyran raciste et complètement égocentrique, ainsi que le retour de la guerre d’un barbier juif, après un coma et de longues semaines de repos. Les deux hommes se ressemblent étrangement, et leurs destins vont se croiser. Par un étrange quiproquo, le barbier juif va se retrouver dans le costume du tyran, tandis que ce dernier finira en prison, dans un camp de concentration. Le Dictateur va donc démontrer, dans un savant échange de rôle, que nous sommes peu de chose, et que nos racines ne nous empêchent pas d’être jugées. Le scénario est très habile là-dessus, montrant le combat d’une communauté pour s’en sortir, et les méfaits du nazisme, à cause d’un type stupide et dangereux. La simplicité du scénario permet de mieux mettre en avant la bêtise crasse du nazisme.
A travers Le Dictateur, Charlie Chaplin va aborder des faits historiques qui sont encore bouillants pour l’époque. La destruction des magasins par les milices fait écho aux nuits de cristal. Le fait de parquer les juifs dans des quartiers spécifiques rappelle bien évidemment les camps et la déportation. Chaplin va instaurer un climat assez délétère à son film, pour rendre la menace vraiment prégnante à chaque coin de rue. La violence fait écho à une tension palpable, tout en gardant en tête le divertissement, l’humour, mais en incluant, sans arrêt, des messages importants. L’introduction du film va permettre de mettre en avant les faveurs faites aux « amis ». Le lieutenant qui s’échappe joue un double rôle qui le met toujours à la place d’un suspect. Bref, Charlie Chaplin trouve toujours des situations pour démontrer qu’il y a un ver dans la pomme et que le nazisme est partout.
Le rire pour dénoncer
Comme à son habitude, Charlie Chaplin va utiliser l’humour pour mieux faire passer ses messages. Des messages humanistes et toujours d’actualité aujourd’hui, prouvant l’intemporalité de ce film. Le Dictateur est le premier vrai film parlant de Chaplin et il va s’en servir pour mettre en avant des traits d’humour dans les dialogues et dans les échanges avec les personnages. Notamment avec le dictateur, un tyran profondément stupide, qui fait confiance en ses conseillers, notamment l’un d’entre eux profondément raciste et haineux. Le discours qu’il tient sur les aryens est très fort, plaçant le tyran en porte-à-faux, voulant des blonds aux yeux bleus alors que lui-même est un brun aux yeux marron. Mais l’humour sera aussi présent dans les situations et dans l’attitude de ce barbier juif un peu excentrique et bourré d’humanité.
Ainsi donc, dès le début, on retrouve le style si particulier de Charlie Chaplin. La guerre, aussi horrible soit-elle, met en avant un type gauche, maladroit et qui ne va faire que des âneries. Ce comique de situation est hilarant et impose des cascades toujours aussi impressionnantes. On pense au coup de l’obus qui tourne sur lui-même, ou encore de ce canon qui fonctionne avec une simple manivelle et qui tourne en rond. On retrouvera des situations similaires dans la rue de la ville, notamment lorsqu’il se bagarre avec des soldats et qu’il est aidé par sa complice, Paulette Goddard, sa femme à la ville à l’époque. Comme à chaque fois, cet humour de situation est là pour démontrer à chaque fois la violence des nazis, leur intolérance et leur justice toute faite. L’humour sert à chaque fois pour pointer du doigt l’inhumanité de la tyrannie et le racisme.
Du lyrisme
On pourrait croire que Le Dictateur est un mélange parfait entre drame et comédie burlesque, mais il est bien plus que ça. Charlie Chaplin va se permettre de faire des phases hors du temps, portées par un lyrisme étonnant. A titre d’exemple, on peut citer le moment où le dictateur danse avec un ballon gonflable en forme de planète. Une phase étrange, qui démontre toute la démagogie du personnage, voulant le monde à ses pieds, se moquant bien des conséquences que cela importe. On sent un personnage égocentré, un enfant terrible qui refuse de grandir. On peut aussi citer le moment où le barbier s’occupe d’un client au rythme d’une symphonie de musique classique. Le moment est drôle, montrant la légèreté du personnage et sa bonhommie. Deux salles, deux ambiances, mais une intelligence toujours pertinente et gracieuse.
Au final, Le Dictateur est un film incroyable, aujourd’hui encore. Et c’est à cela que l’on reconnait un chef-d’œuvre, à sa capacité à traverser les époques sans jamais vieillir. Charlie Chaplin se lâche complètement dans cette œuvre profondément humaniste, visionnaire et qui n’est jamais très loin d’une vérité qui fait mal. Pour autant, le cinéaste arrive à rendre cela à la fois drôle et touchant, dur et révoltant, pour ne jamais susciter l’ennui, la gêne ou la propagande. Bref, un film culte, inébranlable, important.
Note : 20/20
Par AqME