mars 29, 2024
BD

Les Lames d’Ashura

Auteur : Baptiste Pagani

Editeur : Ankama

Genre : Fantastique, Science-Fiction, Post-Apo

Résumé :

De tous les groupes de brigands du rail que comptent les vastes steppes de Kalandra, les Lames d’Ashura sont les guerrières les plus redoutées. Parmi elles : Osman. Jeune prodige de la danse, il vit pour sa passion et rêve de découvrir ce monde en plein essor hors du clan.

Alors qu’Ashura, la matriarche, prépare ce qui sera son dernier coup, l’avenir des Lames semble promis à Ikari et Shota, ses deux fidèles lieutenants. Mais des événements inattendus vont faire voler en éclats l’équilibre de cette famille singulière.

Avis :

Aujourd’hui, il semble compliqué de créer un univers totalement inédit. On a tellement brassé les genres, on retrouve tellement de choix dans les genres, que trouver une histoire dans un monde exclusif et original, ça devient difficile. Pour autant, Baptiste Pagani va tenter le diable avec Les Lames d’Ashura. Bande-dessiné édité par Ankama, on va ici suivre une bande de guerrières qui vont des pillages sur des trains, et dont le train de vie est rythmé par les raids et quelques festivités. Evoluant dans un monde à la Mad Max tout en appuyant sur des couleurs chatoyantes et une histoire plus profonde qu’elle n’en a l’air, Les Lames d’Ashura est une bonne surprise. Non dénuée de défauts, certes, mais une histoire qui reste originale, et en ces temps troublés, c’est inattendu, voire inespéré.

Le récit nous plonge directement dans le clan d’Ashura, une communauté faite de femmes guerrières qui vit de pillages et de recel. Au sein de ce clan, Osman est le seul garçon, car il est le fils d’Ashura, la patronne. Avec ses deux sœurs, Shota et Ikari, il trouve un bon équilibre grâce à la danse, qu’il maîtrise comme un art martial. Mais le quotidien de tout ce petit monde va être chamboulé lorsque Shota va trahir son clan pour récupérer une immense statue dorée et construire un autre clan dévoué à la religion. Dès lors, c’est la guerre entre les deux sœurs, ayant une vision différente de la vie. Les Lames d’Ashura, c’est un récit particulier, dans lequel il faut rentrer pour en profiter pleinement. Si le fond de l’histoire demeure assez simple, voire simpliste par moments, le dessin et l’univers restent particulier.

Et c’est par le dessin que l’on va commencer. Baptiste Pagani possède un trait très particulier, un peu protéiforme, ce qui donne un aspect très candide à l’ensemble. Il accentue les traits physiques de certains personnages, et on aura parfois l’impression d’une grande naïveté dans les traits. On pense bien évidemment à ce personnage secondaire avec des bras énormes, ou encore au corps d’Osman lorsqu’il danse, qui semble onduler dans tous les sens. C’est assez étrange de voir que parfois c’est très fouillis dans les décors, comme les passages avec le Samsara, et de temps à autre, ça revient à une simplicité presque enfantine, pour des combats qui ne le sont pas du tout. De ce fait, il faut un temps d’adaptation pour bien mesurer cette dichotomie. Car oui, Les Lames d’Ashura n’est pas une histoire pour les enfants.

Le scénario, bien que simple à suivre, va opposer deux façons différentes de voir la vie. D’un côté, Ikari veut profiter de la vie, et rythme celle-ci avec des raids et des moments de détente, où elle fume, boit et baise. A contrario, Shota va reformer un culte en s’appuyant sur une religion pour aider les populations, tout en congédiant ce qui pourrait la pervertir. Ainsi donc, elle déteste la troupe de danse du Samsara, qu’elle juge amorale. De ce fait, la confrontation avec les deux sœurs est inéluctable, et c’est Osman, le seul garçon au milieu de tout ça, qui va jouer le rôle d’arbitre, et réellement souffrir de la situation. En agissant ainsi, l’auteur va tenter d’aborder deux points de vue différents et de montrer qu’il est totalement possible de vivre ensemble sans pour autant se foutre sur la couenne.

Récit sur la tolérance de l’autre, Les Lames d’Ashura est aussi une histoire d’action. En ce sens, on va avoir droit à de nombreuses confrontations, quelques pillages et de grosses bagarres bien nerveuses. Si le style peut parfois prêter à confusion, on reste dans quelque chose de généreux et de très cinégique. C’est-à-dire que les cases sont parfaitement ordonnées pour optimiser la sensation de guerre et de baston générale. Si le style parait très enfantin par moments, il reste en adéquation avec ce qu’il veut montrer. Les plans gore sont évités. La violence est là, crue et cruelle, mais on ne tombe jamais dans la surenchère. Du coup, étrangement, ça marche bien.

Et ce qui est d’autant plus surprenant, c’est que l’auteur fait un véritable effort sur la colorimétrie et sur la représentation des femmes et des humains en règle générale. Les Lames d’Ashura se veut résolument contemporain et dans l’acceptation. On y trouve ici des femmes obèses, musclées, tatouées, badass, mais aussi des hommes qui ressemblent à des femmes, ainsi que des histoires d’amour qui font fi du physique. L’histoire évite gentiment les stéréotypes, brouillent même les genres pour quelque chose qui a son importance au début, mais qui, finalement, n’apporte aucun gain des deux côtés. On le voit avec la secte de Shota, uniquement féminine, mais qui va se confronter à des hommes loyaux qui se sacrifient pour leur cheffe. Bref, c’est très intelligent fait.

Enfin, autre point étonnant, la couleur. Car si l’histoire est assez sombre et possède des moments durs, on pense à ce pauvre Osman qui va perdre sa mère, son premier amour, puis d’autres en cours de route, la BD est chatoyante. On y retrouve du rose, du violet, du vert, du bleu, le tout avec une nuance pastel très agréable à l’œil. Le travail de Baptiste Pagani est assez unique. Cela vient contrebalancer la violence des duels et de l’histoire, qui pourrait se voir comme un Mad Max au féminin, mais dans un univers inédit, qui pioche un peu dans toutes les cultures, dans tous les folklores pour un résultat détonant et surprenant.

Au final, Les Lames d’Ashura est plutôt une bonne surprise. Si on peut avoir du mal à rentrer dans le délire à cause d’un dessin qui n’est pas toujours en adéquation avec la violence de l’histoire, on reste tout de même sur un sacré travail. L’univers est unique. Les personnages sont relativement attachants. L’histoire lorgne vers une morale fédératrice. Baptiste Pagani propose une bande-dessinée finalement très plaisante, qui allie un fond intéressant avec une forme dynamique et innovante. Bref, c’est bien.

Note : 15/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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