décembre 10, 2024

Borat, Nouvelle Mission Filmée

Titre Original : Borat Subsequent Moviefilm : Delivery of Prodigious Bride to American Regime for Make Benefit Once Glorious Nation of Kazakhstan

De : Jason Woliner

Avec Sacha Baron Cohen, Maria Bakalova, Irina Nowak, Mike Pence

Année : 2020

Pays : Etats-Unis, Angleterre

Genre : Comédie

Résumé :

Borat, le journaliste kazakh, exubérant, nigaud et fan des États-Unis, est accusé d’avoir terni l’image de son pays dans le monde. Pour se racheter, il se lance dans une nouvelle mission : marier sa fille à un puissant homme politique américain.

Avis :

Sacha Baron Cohen est un génie. Qu’on l’aime ou qu’on le déteste, on ne peut renier son talent pour se déguiser et pointer du doigt les idioties d’une société qui se permet tout et n’importe quoi. Déjà avec Ali G, il jouait les imbéciles pour faire ressortir des problèmes politiques et sociétaux dans une Amérique complètement crétine. Mais son véritable éclat fut en 2006 lors de la sortie de Borat. Véritable raz-de-marée à la fois comique et cynique, c’est avec ce film que Sacha Baron Cohen va percer à l’international et va pouvoir faire un peu tout ce qu’il veut. Néanmoins, il faudra attendre quatorze ans avant de pouvoir revoir Borat sur nos écrans. Un retour à la fois inattendu et dans l’air du temps, prenant le phénomène Covid et les élections américaines pour mieux pointer du doigt une société imbécile à la dérive. Mais est-ce que ça valait le coup d’attendre ? Le costume de Borat ne sent-il pas trop la poussière ? La réponse est claire, c’est non !

  1. Wawawiwa !

Le film démarre au Kazakhstan, où l’on retrouve Borat qui se fait appeler par le premier ministre. Dénigré dans son pays pour avoir fait passer le Kazakhstan pour un pays de crétins, il doit se racheter et offrir un cadeau à un proche de Trump, Mike Pence. Dès lors, il part et retrouve sa fille dans une caisse à la place du ministre de la culture qui était un singe. Enchainant les maladresses, pour se racheter auprès de son pays, et éviter de se faire tuer, il décide d’offrir sa fille à un proche de Trump. Et si ce ne sera pas Mike Pence, ce sera Rudy Giuliani, ancien maire de New York et avocat de Trump. C’est à partir de ce postulat que le film va enchainer les caméras cachées pour piéger certains membres de la communauté américaine et pointer du doigt les méfaits d’une société qui se pense surpuissante et plus érudite que les autres.

Soyons très clair, si l’on regarde un film Borat, c’est pour voir de l’humour gras, mais un humour qui va faire ressortir le pire chez certaines personnes, comme le meilleur chez d’autres. Et si la cible du premier film était bien la société américaine, ici, Sacha Baron Cohen s’attaque principalement aux républicains, aux proches de Trump et à des partisans qui sont complètement à côté de la plaque. Ainsi donc, ce Borat 2 se veut très politique. Derrière ses blagues potaches, la relation que le personnage principal entretient avec sa fille, on va surtout y trouver un brûlot contre l’Amérique de Trump et contre la bêtise mondiale d’un pays qui aurait pu aller vers une guerre civile. Sacha Baron Cohen, tout en allant toujours plus loin dans le trash et le vaseux, arrive à montrer des personnages tantôt attachants, tantôt détestables, et en plus de ça, à faire passer des messages importants.

  1. Féminisme, anti-racisme, tolérance

IL est assez étonnant de voir que le film s’est fait un peu cracher dessus à cause de son féminisme. En effet, le film met en avant la fille de Borat, qui va devenir un ressort pour l’intrigue et qui va mettre en avant des comportements détestables. Maria Bakalova est absolument étonnante dans ce rôle très difficile, où elle joue constamment la tangente entre l’ingénue et la jeune fille entreprenante pour faire plaisir à son père. La caméra cachée avec l’ancien maire de New York est glaçante et démontre bien les abus de pouvoir des hommes politiques qui se pensent intouchables. Mais au-delà de cette scène ahurissante, on va aussi y voir une jeune fille qui souhaite s’émanciper, tout en composant avec son père. Sa libération aussi bien sexuelle que physique, se jouera devant un parterre de femmes républicaines qui resteront estomaquées par son discours sur la masturbation féminine.

Cependant, on ne peut pas réduire Borat 2 à son simple féminisme, ce serait bien trop réducteur. Avec ce film, Sacha Baron Cohen va jouer avec les américains et leur vision étriquée du monde. A quelque part, il reprend les ingrédients qui ont fait le succès du premier métrage, à savoir chanter devant des extrémistes, ou mettre dans l’embarras de fervents croyants qui sont contre l’avortement. Mais il arrive encore à surprendre par l’intelligence de son écriture. Le quiproquo chez le pasteur avec le bébé dans le ventre est à se tordre de rire et tient simplement à une écriture fine et un montage parfait. De ce fait, il peut se permettre de critiquer cette Amérique de Trump, une bande d’idiots décomplexés et dangereux. Lorsqu’il chante de la musique country avec des paroles ignobles, il satisfait une bonne partie de son auditoire alors qu’il parle d’inoculer le virus à Barack Obama. Une preuve, s’il y en avait besoin, de pointer du doigt le racisme systémique qui règne dans le pays.

  1. De la mesure dans l’extrême

Pour autant, malgré l’aspect toujours un peu grossier de l’entreprise et sa volonté de montrer tous les extrêmes, le film a aussi la noblesse de jouer avec les nuances et de dresser des portraits qui ne sont ni tout noir, ni tout blanc. Et les exemples sont très nombreux. Par exemple, alors que l’épidémie fait rage et que tout le monde est en quarantaine, il se fait recueillir par deux rednecks qui l’acceptent chez eux. Bien sûr, on aura droit à des discours abscons sur le virus et des messages ignobles sur les démocrates, mais on aura toujours quelque chose qui va presque rendre ces personnages empathiques. L’image de la femme, un altruisme certain malgré les propos étranges de cet homme, il y a une volonté de nuancer le propos et la vision qui est plutôt bienvenue et qui ne fait pas forcément dans la fronde bas du front. Il en va de même durant le discours de Tutar et de la masturbation face à ces femmes républicaines, qui ne vont pas la rejeter, et qui vont l’écouter jusqu’au bout.

Bien évidemment, d’autres portraits seront mis en place pour redorer le blason des States, et Sacha Baron Cohen va réussir à capter des choses superbes chez des certains personnages. A commencer par cette nounou bienveillante, qui va vouloir éveiller la conscience de Tutar et lui montrer qu’elle peut penser par elle-même. Un personnage atypique, terriblement touchant et qui ne semble avoir aucune once de méchanceté en elle. Il en va de même pour les deux grands-mères juives, accueillantes et bienveillantes et qui vont parler de la Shoah avec une certaine distance et puritanisme. Ainsi donc, avec ce film, on a de l’absurdité, du glauque, mais aussi de la nuance et de la bienveillance humaine. En gros, on a un joli panel de toute l’humanité là-dedans.

Au final, Borat 2 est une réelle réussite. Si le film tire à boulets rouges sur l’Amérique de Trump et fait mouche à chaque fois, il apporte aussi son lot de nuances et délivre un beau pamphlet à la fois féministe et anti-raciste et pose un regard cynique sur des crétins qui pensent tout savoir en leur for intérieur. Intelligent dans sa mise en scène, réussissant le pari fou de surfer sur le Covid pour en faire la première comédie qui se moque gentiment des sceptiques, Borat 2 est un film à la fois drôle et malin. A l’image du premier, qui reste tout simplement culte.

Note : 18/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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