De : Niki Caro
Avec Liu Yifei, Donnie Yen, Gong Li, Jet Li
Année : 2020
Pays : Etats-Unis
Genre : Aventure, Action
Résumé :
Lorsque l’Empereur de Chine publie un décret stipulant qu’un homme de chaque famille du pays doit intégrer l’armée impériale pour combattre des envahisseurs venus du nord, Hua Mulan, fille ainée d’un vénérable guerrier désormais atteint par la maladie, décide de prendre sa place au combat. Se faisant passer pour un soldat du nom de Hua Jun, elle se voit mise à l’épreuve à chaque étape du processus d’apprentissage, mobilisant chaque jour un peu plus sa force intérieure pour explorer son véritable potentiel…
Commence alors pour Mulan un voyage épique qui transformera la jeune fille en une guerrière aux faits d’armes héroïques, honorée par tout un peuple reconnaissant et faisant la fierté de son père.
Avis :
Beaucoup l’attendaient, quand d’autres le craignaient… Disney enchaîne les remakes live, avec plus ou moins de succès selon les sorties. Même si le film live Aladdin n’a pas remporté l’unanimité, il a au moins fait l’effort de redécouvrir le mythe d’un point de vue nouveau, d’y ajouter des passages originaux comme des chansons inédites, et de surtout rester dans le ton féerique et endiablé des dessins animés.
Toutes les chansons y étaient, permettant aux spectateurs nostalgiques de retomber en enfance et de s’émerveiller encore. Même si le dessin animé reste clairement mieux dans l’ensemble, il a offert une alternative intéressante, une tentative d’innovation loin d’être honteuse. Contrairement à Mulan, qui déçoit énormément. On vous explique pourquoi !
La musique
Avec Mulan, disponible depuis peu sur la plateforme Disney+, nous sommes loin du dessin animé, aussi bien du côté de l’histoire que de l’ambiance. N’espérez pas retrouver vos chansons favorites ou même les thèmes musicaux que vous adoriez : seules deux atmosphères musicales ont été gardées. Celle chez la marieuse et celle où Mulan se questionne, deux thèmes repris en fond, en instrumental seulement. D’ailleurs, ce sont les deux uniques ambiances musicales que l’on retient du film, si l’on ne considère pas la jolie chanson inédite du générique de fin.
Quitte à avoir voulu tourner un film historique, pourquoi ne pas avoir marqué le récit par des musiques chinoises traditionnelles, ou du moins par un savoureux mélange entre rythmes modernes et folkloriques ? Dans le jeu vidéo chinois Genshin Impact, par exemple, des variantes du zheng ou de l’erhu côtoient les violons et les guitares, pour un rendu extraordinaire et surtout mémorable.
Mulan n’éblouit ainsi pas du tout par sa musique, qui reste plutôt plate et classique tout du long, voire même oubliable. Le passage instrumental épique du dessin animé, quand Mulan se transforme en guerrière, a lui aussi été supprimé. Tout comme la scène d’ailleurs…
De l’épique en moins
La scène la plus mythique du dessin animé, et qui marque d’abord un tournant dans la vie de l’héroïne a été effacée ! On ne voit pas Mulan devenir un guerrier et c’est vraiment dommage. Le film nous la montre directement équipée, harnachée pour la guerre. D’ailleurs, elle ne coupe pas ses cheveux dans le film, mais les enroule en un chignon surélevé.
Tout ça dans le but de nous expliquer, à la fin, que les cheveux longs sont un… symbole de féminité ! Attention au spoil : dans le film, les soldats reconnaissent Mulan comme étant une femme à cause de ses cheveux longs et du fait qu’elle retire le haut de son armure. Avec ou sans, les formes de la poitrine de l’actrice ne sautent pas spécialement aux yeux, surtout alors qu’elle garde des sous-vêtements masculins larges et peu seyants en-dessous de l’armure. Le pire reste certainement dans la suite de l’aventure : Mulan ne remet pas son armure, quitte à combattre sans protection. Était-ce pour paraître plus sexy sur le champ de bataille ou pour que ses ennemis puissent apercevoir sa poitrine par inadvertance ? Hm…
[Retour sans spoil] Message féministe peu flatteur, dans une société où les hommes portent aussi les cheveux longs… La découverte de la féminité de Mulan dans le dessin animé était bien plus crédible et logique ! Même si le film se veut historique, car les femmes ne portaient pas les cheveux longs à l’époque, le film sort aujourd’hui, à notre ère. De plus, l’histoire de Mulan reste une légende dans laquelle une femme s’endurcit et prend la place d’un homme ! Quel meilleur symbole que la coupe de cheveux ? Il ne faut pas oublier que Mulan constitue un mythe, c’est-à-dire un récit qui n’a sans doute jamais eu lieu. Alors s’attarder à ce point sur le côté historique est un peu dommage.
Pour la scène de la marieuse, même si le film essaie de suivre le déroulement prévu par le dessin animé, la scène manque cruellement de… tout. On n’y croit pas du tout. Mulan ne semble rien faire de vraiment reprochable ou d’aggravant ; l’insecte mis en cause saute de lui-même et la jeune femme rattrape même la vaisselle avec succès, du moins dans un premier temps. Peut-être que le point de vue occidental est en cause ici, contrairement à celui chinois habitué à une vie plus stricte et basée sur l’honneur, un aspect que nous ne connaissons pas vraiment. De la part de Disney, il est tout de même étonnant de ne viser qu’une partie de ses spectateurs, alors que les dessins animés essaient toujours de parler au plus grand nombre.
Un message féministe qui casse complètement celui apporté par la légende ou le dessin animé Disney
La petite sœur de Mulan, ainsi qu’une sorcière, ont été ajoutées à l’histoire. Leurs rôles laissent plutôt indifférents, malgré une certaine classe incarnée par la sorcière par moment. Le message féministe qui est délivré par ces protagonistes laisse songeur, tout comme la véracité historique de la sorcière. Hm… Le film essaie de rester réaliste mais, dans le même temps, s’aventure dans le fantastique. Le message n’est pas très clair.
L’idée du chi, une croyance chinoise, est mal amenée dans l’histoire et se veut la cause de la force de Mulan. Le film brise tous les rêves que la légende et le dessin animé apportaient aux jeunes filles. Ainsi, Mulan n’est forte que parce que son chi l’est, contrairement à sa petite sœur qui, parce qu’elle ne possède pas de chi vigoureux, reste une jeune fille banale obligée de se marier, et qui ne peut même pas apprendre à se battre ! Et attention aux chi trop puissants, comme celui de la sorcière : une femme trop puissante est mal vue par ses pairs, ne trouve pas sa place dans la société et doit constamment cacher sa véritable nature.
Dans le film, Mulan montre à tous qu’elle est une grande guerrière seulement en ne contenant plus son chi. Dans le dessin animé, les scènes nous montraient ses efforts, ses réflexions et ses entraînements difficiles qui lui avaient permis de devenir une combattante émérite. Ici, rien de tout ça : Mulan est forte de base, grâce à son chi incroyable. Point barre. Pas besoin d’entraînements pour elle ! Et voilà comment briser des rêves et un message féministe d’importance… Si vous êtes une fille, il faut que la nature vous ait gâtée dès la naissance, sinon vous ne changerez jamais votre condition, que vous ayez du caractère, la force nécessaire ou de la motivation. Cool ! Le film vend du rêve…
Si l’on en croit en plus la légende, le père de Mulan lui aurait appris à se battre, étant lui-même un guerrier aguerri. Pourquoi n’aurait-il donc rien enseigné à son autre fille ?
Le chi devient ici un atout magique certain, qui retire toute crédibilité et puissance au personnage de Mulan. Du grand gâchis.
Des batailles décevantes
Si au moins les scènes de bataille s’étaient montrées satisfaisantes… Malheureusement, ce n’est pas le cas. Elles sont rapides, souvent incohérentes, et manquent cruellement de saveur ou de réalisme. Mulan se téléporte parfois, sans que les ennemis ne la voient, ou combat sans armure, dans le froid. Serait-elle aussi une sorcière ?
Les ennemis basiques paraissent vraiment stupides, tout comme le grand méchant de l’histoire. Les scènes où il campe en personnage terrifiant lassent très vite, sans nous convaincre. Son sort ne nous intéresse clairement pas. La même chose se produit avec l’empereur, un personnage qui semble tout droit sorti de mangas, à cause de sa manière de se battre insoupçonnée et de sa puissance mal dosée. Les deux dirigeants ne ressemblent pas à des figures réelles ou bien équilibrées ; ils nous font sortir de l’histoire.
Un film qui se veut historique mais qui utilise tous les codes du fantastique
Une sorcière, des batailles et chefs de guerre peu réalistes, un phénix et un chi puissant… Mulan n’était pas sensé faire preuve de faits historiques réalistes ?
Comme dans le dessin animé, le film préfère la version où Mulan se montre femme avant la date définie par le mythe, c’est-à-dire une dizaine d’années après avoir logiquement servi dans l’empire.
Au final
Les paysages magnifiques réhaussent un peu le film, tout comme une fin plutôt sympathique, plus logique et moins niaise que celle du dessin animé.
Malheureusement tout se mélange : le mythe, la véritable Histoire de l’époque, les créatures légendaires, la magie, la morale… Le message sur la femme est en plus dégradé et les scènes de combat déçoivent. Même l’histoire d’amour ne ressemble plus à rien. La légende est bafouée, loin d’être respectée. Mulan n’est plus qu’une femme badasse qui ne donne pas du tout l’envie de se dépasser.
Note : 07/20
Par Lildrille