De : Arnaud Larrieu et Jean-Marie Larrieu
Avec Karim Leklou, Laetitia Dosch, Sara Giraudeau, Bertrand Belin
Année : 2024
Pays : France
Genre : Comédie, Drame
Résumé :
Aymeric retrouve Florence, une ancienne collègue de travail, au hasard d’une soirée à Saint-Claude dans le Haut-Jura. Elle est enceinte de six mois et célibataire. Quand Jim nait, Aymeric est là. Ils passent de belles années ensemble, jusqu’au jour où Christophe, le père naturel de Jim, débarque… Ça pourrait être le début d’un mélo, c’est aussi le début d’une odyssée de la paternité.
Avis :
Roman publié en 2021, d’ordinaire, ce sont les maisons de production, les réalisateurs ou les comédiens qui viennent chercher les écrivains, mais pour celui-ci, c’est l’inverse qui s’est passé. Alors que le monde du cinéma avait les yeux posés sur ce roman de Pierric Bailly, sa maison d’édition lui a demandé s’il avait des envies et des idées pour une possible adaptation de son roman pour le grand écran, et c’est l’auteur lui-même qui s’est débrouillé pour faire parvenir son livre aux frères Larrieu, dont, il apprécie énormément le travail. On peut dire qu’il a bien fait, car à la vision de ce « … roman de Jim« , il est vrai que le film se pose très bien dans la filmographie des deux frangins natifs des Pyrénées.
D’ailleurs, avec cette superbe histoire, on peut même aisément dire que les frères Larrieu livrent là leur meilleur film. Beau et intense, tendre et injuste à la fois, « Le roman de Jim » est un film qui se pose comme un très beau mélodrame autour d’un homme, un vrai gentil, qui va voir malheureusement sa vie lui échapper.
« »Le roman de Jim » offre à Karim Leklou son plus beau rôle. »
Les Larrieu, c’est un cinéma qui est loin d’être facile, et d’ailleurs, les deux réalisateurs sont très loin de faire l’unanimité, mais il pourrait bien que cette heure soit arrivée avec ce « … roman de Jim« , car ce récit qui va se dérouler sur presque trente ans est un très, très beau moment de cinéma. L’un de ces moments où tout s’arrête, et l’on suit ces personnages avec autant d’émotions que d’intrigue, et d’intérêt. Et au-delà de ça, « Le roman de Jim » offre à Karim Leklou son plus beau rôle, celui qui devrait l’envoyer aux César, et ça, on en met notre main à couper !
Ce soir-là, ce n’est pas une inconnue qui s’est avancée vers Aymeric. Non, ce soir-là, c’est Florence, une ancienne aventure qui est venue le voir et elle n’est pas venue seule. Enceinte de six mois, Florence a fait un bébé toute seule, puisque Christophe, le père, est marié et il ne veut pas entendre parler de l’enfant en question. Commence alors une belle histoire entre Aymeric et Florence, et surtout entre Aymeric et le petit Jim. Après presque dix ans d’amour, Christophe, le père biologique de Jim, débarque dans la vie du petit garçon, et il va tout chambouler…
« Les derniers jours du monde« , « L’amour est un crime parfait« , « Peindre ou faire l’amour« , « 21 nuits avec Pattie« , « Tralala« , ou encore « Un homme, un vrai« , le cinéma des frères Larrieu a toujours divisé, avec d’un côté ceux qui adorent et de l’autre, ceux qui détestent. Pour ma part, je suis davantage réservé, même si j’ai un peu tendance à me méfier de leur cinéma, celui-ci a été capable de m’offrir de sacrés bons moments, notamment avec « L’amour est un crime parfait« . Mais de tous les films que j’ai pu voir des Larrieu, jamais aucun d’eux n’est arrivé à la beauté de ce « … roman de Jim« . Comme on dit, parfois, il y a des astres qui s’alignent et c’est le cas ici avec ce cru 2024 pour les deux frangins, qui livrent alors leur plus beau film.
« Il est difficile, voire impossible, de ne pas être touché par Aymeric. »
Pour leur nouveau film, Arnaud et Jean-Marie Larrieu ont encore une fois posé leur caméra en montagne, dans le Jura, et ils vont nous raconter la vie aussi belle que compliquée d’Aymeric, un vrai gentil, capable d’accepter beaucoup pour le bonheur des autres. Si le début peut faire craindre un peu le pire, notamment avec cette rencontre, Aymeric, alors petit étudiant, qui se laisse entraîner dans un cambriolage, très vite, « Le roman de Jim » mute pour nous raconter autre chose, et surtout, delà de ça, plus l’intrigue va s’épaissir et plus le personnage d’Aymeric va être aussi passionnant que très touchant. On s’accroche à ce vrai gentil, et l’on est énormément touché par les situations qui se posent en face de lui.
Alors, c’est vrai que parfois, il y a un manque d’originalité, dans le sens où certaines ficelles que l’intrigue tire sont prévisibles, mais pourtant, ce qui reste avant tout, c’est la beauté de choses simples, c’est l’abnégation du personnage, c’est son altruisme, c’est sa façon de voir le monde, de le prendre en photo et de le garder en mémoire. Évidemment, le film doit énormément à Karim Leklou, qui tient là son plus beau rôle. Il est difficile, voire impossible, de ne pas être touché par Aymeric, et par ce qui va lui arriver, tout comme il est aussi difficile de rester neutre face au personnage de Florence, face à ses décisions, bonnes ou mauvaises. D’ailleurs, jamais l’histoire et la façon de faire des Larrieu, ne la juge et c’est ce qui rend son personnage aussi beau qu’attendrissant, malgré l’injustice dont elle va être coupable.
Avec ce film, avec son écriture, avec la subtilité de ses personnages, avec la beauté de la réalisation, les Larrieu prennent tout le temps dont ce récit besoin pour construire ces personnages, pour raconter cette histoire, ce dilemme, cette injustice et la reconstruction, ainsi que l’espoir qui va avec. Puis on n’oubliera pas la très belle, et première BO pour un long-métrage, de Shane Copin, qui oscille entre musique classique et électro, qui confirme l’identité singulière et marquante du film.
« »Le roman de Jim » est un film qui est très riche dans ses thématiques. »
On ajoutera que, comme toujours chez les deux réalisateurs, leur film est une invitation au voyage, car si on fait un voyage sur presque trente ans avec cette histoire, on s’évade aussi avec les superbes paysages et la nature qui est toujours aussi présente à l’écran. Il est rare que des cinéastes laissent autant de place aux paysages et aux régions qu’ils filment, au point que le Jura est un personnage à part entière, témoin presque malgré lui de cette histoire.
Toujours du côté de son intrigue, « Le roman de Jim » est un film qui est très riche dans ses thématiques. Les Larrieu ont toujours offert des films où beaucoup de sujets s’entrechoquaient, et ce film ne déroge pas à la règle. La famille et les liens de parenté sont au cœur de ce film. Qu’est-ce qu’un père ? Quand est-on père ? Où s’arrête la paternité ? Ces sujets ne cessent d’étoffer le personnage de Yannick, tout comme celui incarné par Laeticia Dosch, puis celui du petit Jim, incarné par Eol Personne et Andranic Manet, et plus loin encore, dans un sens, par une très belle Sara Giraudeau, qui elle aussi tient un excellent personnage.
Je suis allé voir ce nouveau film des frères Larrieu comme je vais voir tous les films des Larrieu, c’est-à-dire partagé entre curiosité et sans trop d’attente, et ce « … roman de Jim » m’a touché en plein cœur. Comme je le disais, le film est aussi beau que tendre, terriblement injuste et surtout émotionnellement passionnant dans ce qu’il raconte, dans le portrait de ses personnages, comme dans ses acteurs. Si les Larrieu avaient déjà su offrir de bons moments de cinéma, comme de mauvais, jamais leur cinéma n’avait encore atteint ce sommet !
Note : 16,5/20
Par Cinéted