Titre Original : The Girl With the Dragon Tattoo
De: David Fincher
Avec Daniel Craig, Rooney Mara, Christopher Plummer, Stellan Skarsgard
Année: 2012
Pays: Etats-Unis, Angleterre, Suède, Allemagne
Genre : Thriller
Résumé :
Mikael Blomkvist, brillant journaliste d’investigation, est engagé par un des plus puissants industriels de Suède, Henrik Vanger, pour enquêter sur la disparition de sa nièce, Harriet, survenue des années auparavant. Vanger est convaincu qu’elle a été assassinée par un membre de sa propre famille.
Lisbeth Salander, jeune femme rebelle mais enquêtrice exceptionnelle, est chargée de se renseigner sur Blomkvist, ce qui va finalement la conduire à travailler avec lui.
Entre la jeune femme perturbée qui se méfie de tout le monde et le journaliste tenace, un lien de confiance fragile va se nouer tandis qu’ils suivent la piste de plusieurs meurtres. Ils se retrouvent bientôt plongés au cœur des secrets et des haines familiales, des scandales financiers et des crimes les plus barbares…
Avis :
Il est évident que lorsqu’un livre fait un carton, il est rapidement adapté au cinéma. Pourquoi ? Pour des raisons mercantiles, bien sûr, les producteurs voulant capitaliser sur un succès libraire, faisant venir les lecteurs dans les salles obscures. Entre 2005 et 2007, un écrivain suédois va créer l’engouement avec sa trilogie Millénium. En très peu de temps, les romans de Stieg Larsson deviennent incontournables et une adaptation va voir le jour en Suède avec Michael Nyqvist et Noomi Rapace. Mais là où l’histoire est assez cocasse, c’est que des producteurs américains, avant que les suédois ne sortent leurs films, avaient déjà des vues sur le script et sur l’histoire. Sortant trois ans après la version scandinave, Millénium de David Fincher s’est fait un peu souffler dans les bronches, certains criant à l’opportunisme et au scandale, y voyant une volonté d’écraser le modèle suédois. Mais il n’en était rien, les projets trouvant des dates quasi parallèles. C’est dire le succès du roman qui, en à peine trois ans de temps, va avoir droit à deux versions. Et que ce soit celle de Oplev ou celle de Fincher, les deux sont très réussies. Revenons donc sur la version américaine qui porte tous les stigmates d’un David Fincher en pleine forme.
Millénium, c’est du thriller pur jus. Des meurtres, une enquête, des passifs bien lourds, un duo de personnages empathiques et enlisés dans une affaire qui les dépasse, tous les ingrédients sont réunis pour faire de ce film un bon gros pavé et il fallait bien quelqu’un de l’envergure de David Fincher pour mettre en images tout ça. Et il le fait de façon très pertinente et percutante. Le scénario est très dense, car il met en scène de nombreux personnages et de nombreuses pistes dans une enquête qui doit remonter dans le lourd passé d’une famille nombreuse et atypique. Pour mieux faire passer la densité du récit, David Fincher va prendre le temps de présenter les personnages principaux en deux axes bien distincts, pour les réunir ensuite au sein d‘un enquête commune. En faisant ainsi, il évite l’ennui et peut varier les ambiances. D’autant plus que cela permet de construire des protagonistes empathiques, ou tout du moins avec du fond, avec une certaine épaisseur. Mais outre les personnages parfaits, Millénium propose un scénario malin dans lequel est inclus le spectateur, remontant l’affaire avec les « héros » et tentant de démêler le vrai du faux. Malgré ses horreurs et ses meurtres de femmes, Millénium est ludique.
Pour en revenir aux personnages, Millénium propose vraiment deux enquêteurs hors normes et pour lesquels on va vite ressentir des émotions. En premier lieu, il est de bon ton de parler de Mikael Blomkvist, notamment dans ses parties où l’on explore son point de vue. Journaliste d’investigation à la dérive suite à une affaire où il est tombé en disgrâce, il va se faire recruter par un riche homme d’affaires qui lui propose donc de retrouver un meurtrier, celui de sa nièce. Blomkvist est un personnage pour lequel on va voir de l’empathie car il est minutieux, sa vie est assez chaotique entre son ex-femme, sa maîtresse et sa fille et il va tenter de retrouver grâce aux yeux des gens à travers cette affaire lugubre sur fond de nazisme. Mais il fait pâle figure à côté de Lisbeth Salander, qui va occuper un très grand espace. David Fincher lui accorde des segments entiers pour bien montrer la psyché d’une héroïne pas comme les autres. Gothique, asociale, très intelligente, sa vie est un désastre et sera parcouru par des êtres maladifs et dangereux, à l’image de son tuteur, un homme ventripotent et dominateur, qui va faire les frais de ses viols. Lisbeth en chie, mais elle est coriace et va trouver en Blomkvist un homme simple, aimant, pragmatique mais qui a aussi son lourd passif. Tous les personnages sont des écorchés vifs, ce qui donne au film une allure sépulcrale, froide, aussi dure que son fond.
Car Millénium n’est autre qu’une chronique familiale calamiteuse, où les ravages de l’après-guerre sont encore présents. Si les thématiques de l’isolement et de la solitude sont tous les deux présents au sein même de nos deux personnages principaux, Millénium va plus loin que ça au sein de son enquête. Le film va évoquer les horreurs du nazisme, un machisme bien présent ou encore des secrets de familles qu’il vaut mieux ne jamais dépoussiérer, au risque de s’attirer les foudres de quelques frappadingues. Le film est dense et très intelligent, nous plaçant aussi comme spectateur et enquêteur au sein d’un mystère qui met en lien meurtres de femmes et séquences bibliques. Comme déjà évoqué plus haut, le spectateur va se prendre au jeu de l’enquête, Fincher rendant son film ludique et addictif. Pour enfoncer le clou, le réalisateur va bien entendu proposer une mise en scène folle et inventive. Le déroulement du film se veut constamment en parallèle avec des points de réunion. On aura très souvent Lisbeth d’un côté et Mikael de l’autre, puis ils se rejoignent, pour se re-séparer par la suite. En faisant ainsi le cinéaste s’amuse avec les tons de couleurs, avec la photographie, jouant entre des teintes grises et froides et des moments plus chaleureux où le jaune prédomine, des moments plutôt en intérieur, lors des phases de recherche, alors que l’extérieur, glacial, sera plutôt d’un gris/bleu morne. David Fincher montre encore son savoir-faire dans des cadres superbes et livre même un dernier acte à son image, nerveux, savamment coupé et ultra dynamique pour apporter une touche finale grandiloquente tout en étant intimiste, un peu comme il le fera sur Gone Girl.
Au final, Millénium – les Hommes qui n’Aimaient pas les Femmes est encore une fois un excellent film de David Fincher qui réalise un parcours sans faute. Riche dans ses thématiques, ultra fidèle au livre, mis en scène de manière simple mais efficace avec des personnages et des acteurs très talentueux (Rooney Mara est extrêmement impressionnante dans le rôle de Lisbeth), ce cru 2012 du cinéaste nous rappelle à quel point il est brillant et à quel point il manque au cinéma, car cela fait maintenant six ans qu’il n’a rien proposé sur grand écran.
Note : 18/20
Par AqME