De : Woody Allen
Avec Ed Begley Jr., Patricia Clarkson, Larry David, Evan Rachel Wood
Année: 2009
Pays: Etats-Unis, France
Genre: Drame, Comédie
Résumé :
Boris Yellnikoff est un génie de la physique qui a raté son mariage, son prix Nobel et même son suicide. Désormais, ce brillant misanthrope vit seul, jusqu’au soir où une jeune fugueuse, Melody, se retrouve affamée et transie de froid devant sa porte. Boris lui accorde l’asile pour quelques nuits. Rapidement, Melody s’installe. Les commentaires cyniques de Boris n’entament pas sa joie de vivre et peu à peu, cet étrange couple apprend à cohabiter. Malgré son esprit supérieur, Boris finit par apprécier la compagnie de cette simple jeune femme et contre toute attente, ils vont même jusqu’à se marier, trouvant chacun leur équilibre dans la différence de l’autre.
Un an plus tard, leur bonheur est troublé par l’arrivée soudaine de la mère de Melody, Marietta. Celle-ci a fui son mari, qui l’a trompée avec sa meilleure amie. Découvrant que sa fille est non seulement mariée, mais que son époux est un vieil excentrique bien plus âgé qu’elle, Marietta s’évanouit. Pour détendre l’atmosphère, Boris emmène Melody et sa mère au restaurant avec un ami, Leo Brockman…
Avis :
La décennie des années 2000 dans la carrière de Woody Allen est marquée par un fait très important, puisque après avoir passé presque quarante ans à filmer principalement New York en long, en large et en travers, Woody Allen a décidé de délaisser son amour et de poser sa caméra en Europe. À cette occasion, Woody Allen aura principalement filmé Londres avec « Match Point« , « Scoop » et « Le rêve de Cassandre« . Par la suite, il va déplacer sa caméra en Espagne et plus précisément à Barcelone pour « Vicky Cristina Barcelona« , film qui rapportera un Oscar mérité à Penelope Cruz. Mais après avoir filmé avec tant d’amour New York, il faut croire qu’on se sent toujours mieux chez soi et pour conclure ses années 2000, Woody Allen repose donc son pied de caméra dans la grosse pomme.
« Whatever Works » n’est pas un projet tout neuf dans la tête de Woody Allen, puisque le réalisateur le « traîne » derrière lui depuis le début des années 70. Écrit au départ pour le comique Zero Mostel, celui-ci étant décédé, Woody Allen a donc laissé le script dans ses tiroirs. Après des années de réflexions, Woody Allen a pu enfin trouver un remplaçant à Mostel en la personne de Larry David et ainsi, plus trente ans après son écriture, il relance « Whatever Works » et ça aurait été dommage que le réalisateur ne le fasse pas, tant « Whatever Works » est une bouffée d’air frais qui parfois est vraiment à se tordre. Bourré de malice, de névroses, d’insolence et de subtilité, « Whatever Works« , non seulement conclue les années 2000 d’Allen en toute beauté et en plus de ça, il se pose de manière personnelle comme l’un de mes Woody Allen préférés.
Boris Yellnikoff est un génie qui a raté beaucoup de choses de sa vie, son mariage, son prix Nobel, et même, comble du comble, son suicide. Ayant un QI de 200, Boris est un homme qui se sait supérieur et il est allergique à l’être humain qu’il trouve bien souvent bête au possible, et donc insupportable. Pourtant, un soir, en rentrant chez lui, il fait la connaissance de Melody St Ann Celestine, une jeune fille à peine majeure qui est sans abri. Boris, pour l’aider, la fait entrer chez lui et alors qu’elle ne devait rester que deux minutes pas plus, Boris, malgré la bêtise de la jeune fille, la trouve attachante. Elle est pleine de joie, de spontanéité, de naïveté et elle fait une sorte de barrage face au cynisme de Boris. Peu à peu, Boris et Melody se plaisent mutuellement, au point que cet étrange couple finit même par se marier, pour le meilleur et le plus improbable.
Retour à New York pour Woody Allen et quel retour le réalisateur nous fait-là. Avec « Whatever Works« , Woody Allen revient en très grande forme et livre là sa comédie la plus mordante et originale depuis bien des années.
Toujours bercé dans son style inimitable, avec ce film, Woody Allen arrive toutefois à se renouveler et ça fait du bien de voir autant de drôlerie, de mordant et de fraîcheur. « Whatever Works« , c’est avant tout un film à l’écriture pleine de piquant. Woody Allen nous entraîne dans un film qui est une belle réflexion sur la vie, la façon de voir les autres, la façon de s’enfermer dans des schémas, la façon de se donner des étiquettes et plus largement la façon d’aimer, car oui, même si « Whatever Works » tire à vue sur tout le monde, le film est en fait une belle histoire d’amour et surtout une belle réflexion sur l’amour. Pour cela, Woody Allen a mis face à face deux personnages qui n’ont strictement rien en commun. L’un vieux, l’autre jeune, l’un déteste le monde, l’autre est plein d’enthousiasme, l’un est cynique, l’autre naïf, l’un ne croit plus en l’amour, l’autre tombe amoureux très facilement, l’un est intelligent, l’autre pas vraiment… Bref, ce sont vraiment deux opposés et comme on le dit très souvent les opposés s’attirent et « Whatever Works » peut se poser comme une jolie mise en images de cette célèbre pensée.
Avec deux personnages ô combien différents, Woody Allen s’éclate et nous entraîne donc dans une comédie qui n’est que pur bonheur. Au programme, des répliques pleines de cynisme et de névrose, Woody Allen tire sur l’American Dream, sur les religions, sur l’amour, sur les sentiments, sur les clichés, se faisant presque insolent. Le réalisateur nous livre aussi une intrigue loufoque qui, plus elle avance, plus elle a tendance à partir en vrille pour notre plus grand plaisir. Woody Allen a très bien écrit son film, et même quand l’ensemble pourrait être jugé trop gros, Woody Allen a une telle envie de nous amuser que le tout fonctionne à merveille, au point que le film paraît bien trop court.
Tout en restant dans son style, Woody Allen se renouvèle quelque peu et le principal élément qui bouscule son cinéma ici, c’est l’idée que le personnage de Boris étant si intelligent, si supérieur à tous, sait qu’il se trouve dans un film, ou du moins il sait qu’il y a des gens dans un cinéma qui le regardent, lui et tous les personnages qui l’entourent et ainsi, Woody Allen a l’idée de briser le quatrième mur et bien souvent, de manière hilarante, Boris s’adresse à nous, afin de souligner un sentiment, ou simplement faire une vanne désagréable sur tel ou tel personnage. Si l’on pourrait croire que l’idée n’est pas folle, chez Woody Allen, cette idée donne un coup de frais au cinéma du metteur en scène et ça change de nos habitudes et surtout ça fait beaucoup de bien. Même si sa récente carrière européenne est dans l’ensemble bonne, avec cette idée, on aurait presque l’impression de retrouver la verve d’un Woody Allen rajeuni d’une vingtaine d’années, voire plus.
Ce qui fait aussi le très joli succès de « Whatever Works« , c’est son casting à commencer par Larry David qui se pose comme l’alter ego ultime de Woody Allen. Choix parfait pour incarner ce Boris Yellnikoff, l’acteur est féroce et surtout très amusant. Il faut voir et entendre avec quel dédain il balance ses horreurs et en même temps, comme je le disais plus haut, le film est plein de subtilité et finalement, le personnage est plus fragile et intéressant qu’il ne laisse paraître. Face à lui, à contre-emploi total, on retrouve une Rachel Evan Wood géniale en parfaite idiote, très, très attachante. Le reste du casting est complété avec plaisir par Patricia Clarkson, Henry Cavill et Ed Begley Jr.
Cocasse, intellectuel, grincheux, amoureux, frais, innovant, « Whatever Works » conclue les années 2000 de Woody Allen de très belle manière. On rit beaucoup et on se laisse embarquer dans cette histoire un peu folle. Woody Allen nous amuse beaucoup et ce retour aux sources pour le metteur en scène lui fait un bien fou. Bref, comme je le répète, « Whatever Works » est bien l’un de mes Allen préférés.
Note : 17/20
Par Cinéted