Titre Original : Men of Honor
De : George Tillman Jr.
Avec Cuba Gooding Jr., Robert De Niro, Aunjanue Ellis-Taylor, Michael Rapaport
Année : 2000
Pays : Etats-Unis
Genre : Biopic, Drame
Résumé :
L’histoire vraie de Carl Brashear, premier Afro-Américain à avoir intégré la Navy en tant que scaphandrier. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, et bien que la marine américaine ait officiellement mis fin à la ségrégation raciale en son sein, sa couleur de peau le fait se heurter à des réticences qu’il combat sans relâche.
Avis :
De nombreux réalisateurs ont des chevaux de bataille pour faire leurs films. C’est-à-dire qu’ils ont un sujet, un thème qui les prend aux tripes, et ils vont exploiter cela dans chacune de leur réalisation. On peut évoquer Christopher Nolan et son obsession pour le temps, Guillermo Del Toro pour montrer que les monstres sont plus humains que les humains, ou encore Steven Spielberg et l’enfance. A ce jeu-là, George Tillman Jr., bien que plus discret que ces pairs, à lui aussi un crédo, le racisme, notamment celui des américains blancs envers les afro-américains. Cela débute à la fin des années 90 avec Soul Food, puis toute sa carrière sera bâtie autour de cela, de The Hate U Give en passant par son deuxième film, Les Chemins de la Dignité. Et c’est justement ce film qui nous intéresse entre ces lignes.
Porté par un casting solide (Cuba Gooding Jr., Robert De Niro, Charlize Theron, Powers Boothe, etc…), Les Chemins de la Dignité est un biopic autour du premier afro-américain à avoir intégré la Navy en tant que scaphandrier pour aller chercher des hommes ou des objets au fond de l’océan. Comme tout biopic qui se respecte, on va avoir droit à une sorte d’hagiographie autour d’un personnage qui se veut attachant, mais qui va vite devenir assez lourd, de par sa pugnacité, de par ses choix osés et de par la chance qu’il a. En effet, dès le départ, le film joue la carte de la pauvre famille de paysans qui galère pour s’en sortir, avec un fils qui va aller à l’armée, et le père qui lui demande de ne jamais baisser la tête. George Tillman Jr. ne chercher pas à faire dans le détail ou la nuance.
« George Tillman Jr. ne chercher pas à faire dans le détail ou la nuance. »
Et cela va être un énorme problème dans l’écriture du personnage principal, ainsi que dans l’histoire en elle-même. Le démarrage se veut larmoyant au possible. On y trouve un paysan qui cravache, les mains en sang, avec un fiston aimant qui l’aide à la tâche. Forcément, le départ dans l’armée peut se voir comme une bénédiction, malgré le racisme qui sévit encore au sein du corpus militaire. On retrouvera alors une sorte de ségrégation, des déboires, des déconvenues, des bagarres, et malgré cela, à force de rencontres et de batailles, notre héros va finir par avoir gain de cause. Rien ne viendra noircir ce tableau dans ce parcours, si ce n’est des anicroches qui déboulent à fond les ballons et que l’on voit arriver tambours battants. Un vrai problème pour se projeter dans le film et ressentir la moindre émotion.
Et cela ne vient pas des acteurs qui sont bons, même si là aussi, on peut émettre quelques réserves. Si Cuba Gooding Jr. joue bien son rôle de forte tête qui veut réussir à tout prix pour prouver à ses proches que sa couleur de peau ne doit pas définir son statut professionnel (et social), il n’en va pas de même avec Robert De Niro. L’acteur fait ce qu’il sait faire et s’enferme dans ce rôle de sergent/colonel/lieutenant (barrer les mentions inutiles) où il tire la gueule, met la pression sur les recrues et s’avère être un type au grand cœur qui a une vie décousue et torturée. Un rôle sur-mesure, mais qui manque cruellement d’originalité. Tout comme on retrouve le militaire raciste qui va se faire sauver par le héros et donc changer d’opinion, ou encore celui qui est plus timide, mais qui va réussir grâce au héros.
« On a du mal à croire à ce personnage si « parfait ». »
En fait, le principal reproche que l’on peut faire à ce film, c’est qu’il est très académique et semble taillé pour recevoir une pléthore de récompenses. Ce ne fut pas le cas à l’époque de sa sortie, et on comprend pourquoi. Rien ne vient entacher le portrait de cet homme à qui tout semble réussir, même dans l’adversité. Une adversité toute relative, qui prend rarement la forme d’un type seul face à tout le monde, et qui va s’attirer la sympathie d’un scaphandrier de légende. De ce fait, même si sur le plan formel c’est plutôt propre et bien réalisé, on reste en dehors de l’intrigue, du déroulement, ou encore des émotions que le film tente de véhiculer. Par exemple, la relation entre le héros et sa femme est complètement sabordée, avec aucune phase très intéressante pour expliquer leur rencontre et leur amour.
Alors oui, le cheval de bataille de George Tillman Jr. est visible dès le départ. On a bien compris que le racisme serait l’un des sujets majeurs de l’histoire, et c’est plutôt bien vu. Mais encore une fois, c’est fait de manière totalement frontale, sans une once de nuance ou de finesse. Le sujet est important, mais il n’est jamais abordé de manière percutante. On passe par tous les clichés possibles et imaginables, jusqu’à la toute fin, avec ce juge qui refuse que le héros reprenne son travail après une grave blessure à la jambe. On se doute que c’est pour éviter de faire trop de bruit, qu’un noir soit considéré comme un héros national, et tout se passe comme prévu, sans aucun moment qui vient gratter un peu nos consciences. Et c’est bien dommage, car on a du mal à croire à ce personnage si « parfait ».
Au final, Les Chemins de la Dignité est un film qui n’est pas désagréable et qui se regarde, mais qui accumule tous les clichés du genre pour être bien-pensant et faire une leçon de morale. Le réalisateur manque clairement de discernement, au point de faire une hagiographie de ce Carl Brashear, qui semble tellement parfait que l’on a du mal à croire à tout ce que l’on voit et entend. Bref, sans être un mauvais film, on reste dans quelque chose de très académique, de très lisse, qui se contente d’être dans les clous pour plaire à n’importe quel quidam, et c’est dommage.
Note : 13/20
Par AqME