Titre Original : Batoru Rowaiaru
De : Kinji Fukasaku
Avec Tatsuya Fujiwara, Aki Maeda, Taro Yamamoto, Takeshi Kitano
Année : 2001
Pays : Japon
Genre : Action
Résumé :
Dans un avenir proche, les élèves de la classe B de 3ème du collège Shiroiwa ont été amenés sur une île déserte par une armée mystérieuse. Un adulte surgit tout à coup devant eux : leur ancien professeur Kitano. Il leur annonce qu’ils vont participer à un jeu de massacre dont la règle consiste à s’entretuer. Seul le dernier des survivants pourra regagner son foyer.
Kitano leur présente deux nouveaux élèves très inquiétants. Des coups de feu retentissent pour convaincre les incrédules. Selon la loi de réforme de l’éducation pour le nouveau siècle, ce sacrifice permettra de former des adultes sains.
Abandonnés chacun à son sort avec de la nourriture et une arme, les adolescents disposent d’un délai de trois jours pour s’entretuer.
Avis :
Les conflits générationnels, le cinéma les aborde très souvent et dans tous les styles. Bien souvent, nous avons droit au père ou à la mère qui n’est pas d’accord avec leur progéniture et cela donne des comédies, des drames ou encore des récits de vie qui montrent un passage à l’âge adulte assez difficile. Pour ne citer que le plus récent, mais Lady Bird en est un exemple flagrant. Mais s’il y a bien une société dans le monde qui a du mal avec les relations humaines, c’est le Japon. En baisse démographique, accro aux écrans au point de ne quasiment plus avoir de contact humain, le pays du soleil levant possède néanmoins un cinéma qui a le mérite d’apporter des réflexions intelligentes sur l’être humain et notamment les relations à l’autre et aux générations passées ou futures. Et bien souvent, ces relations sont traitées à travers des films soit touchants, soit violents, au point de choquer une partie du public. Et qui est mieux placé que Battle Royale pour parler de cela.
Film culte des années 2000 réalisé par Kinji Fukasaku, la sortie de ce métrage a créé un tollé dans son pays et même dans le monde entier. Adaptation assez libre du roman éponyme de Koshun Takami, Battle Royale possède cette aura indélébile qu’ont tous les grands films japonais. C’est-à-dire que c’est violent, percutant, que ça ne fait pas de bons sentiments, mais qu’en même temps, ça raconte quelque chose, ça met en avant des problèmes sociétaux importants, notamment dans la société nippone. Bref, même dix-huit ans après, le film marche toujours aussi bien. Pourquoi ?
La première chose qui tape à l’œil quand on regarde Battle Royale, c’est son découpage assez anarchique au départ, qui perd un peu le spectateur. Folie des médias autour d’un jeu mortel, jeune fille ensanglantée qui sourit, puis projection dans un lycée avec une grève des lycéens et un professeur qui se fait agresser par un jeune. Tout est mis en place pour placer le spectateur dans un climat anxiogène et étrange, sans repère temporel. Sommes-nous dans le présent ou le futur ? Rien ne nous est expliqué. Par la suite, le film va prendre son rythme de croisière afin de nous placer directement dans l’île, avec les explications des règles et la raison de ce jeu mortel. Là encore, le climat angoissant est bien présent. Entre la prestation froide et sans faille de Takeshi Kitano qui n’hésite pas à tuer quelques élèves pour montrer l’exemple et la distance prise entre la présentation du jeu comme une grosse blague et la réalité, tout concorde pour renforcer une atmosphère lourde. On pourrait d’ailleurs croire que Battle Royale est un film d’horreur, car le gore est présent rapidement et les tueries sont nombreuses.
Le film n’est d’ailleurs pas avare en meurtres en tout genre. Les cadavres s’empilent, les morts sont parfois originales, certains élèves créent de l’angoisse par leur comportement nihiliste et sauvage. Mais ce côté gore n’est pas anodin et apporte toujours une raison ou une réflexion. Ainsi, Kinji Fukasaku va brasser des thèmes comme l’amour, les émotions, les ressentis pour ses camarades, le sexe (même s’il n’y a aucune scène explicite), l’amitié, etc… Et c’est à travers des moments tendus, là où les émotions prennent vraiment le dessus, que les thématiques sont exacerbées, montrant ainsi des suicides ou des crises d’hystérie pour lutter contre ses valeurs. En faisant ainsi, le réalisateur à quel point il est difficile de lutter contre soi-même, contre ses convictions profondes et accepter de faire du mal à l’autre pour survivre. Ces choix sont donc choquants, mais toute la palette d’émotions est représentée dans ce film, afin d’entrevoir toutes les possibilités de personnalités. D’ailleurs, on trouvera aussi la notion de vengeance et de beauté dans ce métrage, ce qui est assez intéressant.
Mais le thème principal est clairement la différence de génération. Dans le film, le jeu existe car les adultes trouvent que les adolescents sont apathiques et ne croient plus en leur avenir. Dans un pays où la rigueur et la discipline sont les maîtres mots, ce film montre à quel point les traditions sont dures. La figure adulte sera d’ailleurs représentée par ce professeur cynique et qui lui aussi ne croit plus en rien, alors que les jeunes, désespérés sur cette île, essayeront de trouver un sens à leur survie, se motivant pour ne pas se faire tuer. Du coup, là aussi il y a une certaine distance qui est prise et c’est intelligemment vu. IL faut savoir que le film fut aussi le théâtre de disputes entre Kinji Fukasaku et son fils, qui était aux commandes du scénario, une preuve, s’il en est, que ce film n’est pas anodin et parle bien d’un sujet brûlant. Et le tout est parcouru par une mise en scène exemplaire, quelques scènes cultes et un final bluffant. Le seul reproche que l’on pourrait faire au métrage, c’est de finalement beaucoup trop surjouer certaines morts, même si cela est un peu l’adage du cinéma asiatique.
Au final, Battle Royale reste toujours un bon film malgré le temps qui passe, ce qui est un signe de sa qualité évidente. Ultra violent, gore, rythmé, mais aussi intelligent dans son fond, le film de Kinji Fukasaku demeure une valeur sûre du cinéma nippon et continue à avoir un message contemporain, à savoir les conflits générationnels et cette vision que l’on peut avoir de la jeune génération qui fait n’importe quoi.
Note : 17/20
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Par AqME