avril 18, 2024

Chez Nous – Contre le F-Haine

De : Lucas Belvaux

Avec Emilie Dequenne, André Dussollier, Guillaume Gouix, Catherine Jacob

Année : 2017

Pays : France, Belgique

Genre : Drame

Résumé :

Pauline, infirmière à domicile, entre Lens et Lille, s’occupe seule de ses deux enfants et de son père ancien métallurgiste. Dévouée et généreuse, tous ses patients l’aiment et comptent sur elle.
Profitant de sa popularité, les dirigeants d’un parti extrémiste vont lui proposer d’être leur candidate aux prochaines municipales.

Avis :

Réalisateur et comédien belge, Lucas Belvaux est particulièrement connu pour avoir réalisé une trilogie qui raconte les mêmes événements sur différents angles (comique/policier/drame). Ces films, c’est « Un couple épatant« , « Cavale » et « Après la vie« . Depuis ces films, Lucas Belvaux a beaucoup œuvré dans le drame (« Rapt« , « 38 témoins« ), voire le thriller (« La Raison du Plus Faible« ). En 2014, Belvaux fait un revirement en revenant à la comédie avec « Pas son genre« , film largement plébiscité. Vous l’aurez compris, Lucas Belvaux touche à tout et c’est tant mieux.

Cette année, le réalisateur belge nous revient avec un film qui va faire couler beaucoup d’encre tant son sujet est bouillant. Un film qui tombe de plus en pleine campagne présidentielle. Ce film, c’est « Chez nous » et le réalisateur nous décrit ici la montée d’un parti politique d’extrême droite, mais qui essaie de se dédiaboliser.

À la tombée de la bande-annonce, impossible de ne pas voir en ce film et sa tête de parti, une référence au Front national. Avec ce film, Lucas Belvaux livre donc une thèse anti-front national et nous plonge au cœur d’une stratégie pour dé-diaboliser un parti qui se veut comme un autre et le moins qu’on puisse dire, c’est que le film est très loin de laisser indifférent. C’est donc entre fascination, vérité, colère, mais aussi quelques caricatures que Lucas Belvaux place sa caméra.

Pauline est une jeune femme qui essaie tant bien que mal de s’en sortir. Mère célibataire, elle élève seule ses deux enfants. Pauline est infirmière à domicile et habite à Hennat, une ville du nord de la France, abandonnée des politiques.

Un jour, Pauline se voit proposer par son médecin et ami de postuler à l’élection municipale. Pauline ne connaît rien à la politique, mais ce n’est pas bien grave, car le parti qu’on lui propose est dirigé par quelqu’un que tout le monde connaît. Quelqu’un du terrain, qui parle aux vrais gens. Pauline se laisse convaincre qu’elle pourrait changer les choses. Elle postulera sur une liste du RNP, Rassemblement national populaire, parti d’extrême droite, emmené par Agnès Dorgelle.

Le film politique, c’est un élément assez rare dans le paysage du cinéma français. Si l’on se projette dans les dix dernières années, la liste reste assez courte. Une liste dans laquelle on trouvera « L’Exercice de l’État » de Pierre Schoeller, « La conquête » de Xavier Durringer, « Le promeneur du Champs de Mars » de Robert Guédiguian ou encore « L’ordre et la morale » de Matthieu Kassovitz.

Et dans cette liste, il est encore plus compliqué d’y trouver un film qui colle à l’actualité. « Chez nous » est un film qui colle parfaitement à l’actualité, dans un moment où le Front national décolle dans les intentions de vote des Français et la colère, la frustration, l’incompréhension et la peur de l’avenir n’ont jamais été aussi présentes. C’est avec cette montée de l’extrême et la libération de la parole raciste autour d’un dîner entre « français de souche » que Lucas Belvaux a décidé de s’emparer de ce sujet et de faire un plaidoyer anti-FN.

Si le film de Lucas Belvaux détient des caricatures presque inévitables, ainsi que des facilités scénaristiques un peu grossières pour faire avancer son histoire et surtout démontrer la gérance fumeuse du parti représenté ici, il restera toutefois un excellent film qui démontre avec vigueur toute la machination des extrêmes.

Et plus que les manipulations de ce parti, plus que la ressemblance flagrante de ses personnages et de leurs histoires (la patronne du parti étant fâchée avec son père, on aura vraiment compris de qui on parle…) plus que la ressemblance dans les discours ou les propos tenus, ce qui fascine dans le film de Lucas Belvaux, c’est cette implantation de l’extrême en France. C’est la montée du racisme ordinaire, c’est la libération de sa parole, au détour d’une petite conversation anodine. C’est le côté social et sociétal. C’est la colère et l’incompréhension d’être abandonné, oublié. C’est la parole de ceux que l’on n’écoute pas qui se réfugient où ils peuvent et comme ils peuvent.

C’est le lifting aussi de ce parti, sa dé-diabolisation qui s’entrechoque à son héritage pour mieux se faire voir. C’est le discours fasciste derrière les sourires, c’est les discours qu’on a envie d’entendre, tout en étant une caricature qui oublie la nuance.

Bref, Lucas Belvaux tape fort et tient son propos, son idée, et il est clair que le film ne va pas plaire à tous, selon les avis politiques de chacun. Il est clair que Lucas Belvaux expose sa vision d’un parti d’extrême droite et ça, que ça plaise ou non, que ça donne à réfléchir ou non.

Une idée tenue par des comédiens impliqués et excellents. Mention spéciale à Catherine Jacob parfaite de tenue, de sincérité, mais aussi de manipulation.

« Chez nous » est donc un excellent film. C’est un film qui ne va pas plaire à tout le monde. Lucas Belvaux, avec cette analyse, avec ce parti pris, livre un film captivant socialement et politiquement parlant. C’est un film qui dérange, mais c’est son but. C’est un film qui est loin d’être simple. C’est un film qui va en blesser certains et révolter d’autres. C’est un film qui ne laissera pas indifférent. Et comme on s’en doute, selon les avis politiques de chacun, certains y verront un excellent métrage qui développe bien son propos, quand d’autres y verront une purge prétentieuse et clientéliste.

Note : 15/20

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Par Cinéted

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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