avril 28, 2024

Silence – Scorsese est d’Or

De : Martin Scorsese

Avec Andrew Garfield, Adam Driver, Liam Neeson, Tadanobu Asano

Année: 2017

Pays: Etats-Unis, Italie, Japon, Mexique

Genre: Drame, Historique

Résumé :

XVIIème siècle, deux prêtres jésuites se rendent au Japon pour retrouver leur mentor, le père Ferreira, disparu alors qu’il tentait de répandre les enseignements du catholicisme. Au terme d’un dangereux voyage, ils découvrent un pays où le christianisme est décrété illégal et ses fidèles persécutés. Ils devront mener dans la clandestinité cette quête périlleuse qui confrontera leur foi aux pires épreuves.

Avis :

S’il y a bien un projet qui tenait à cœur Martin Scorsese, c’était bien l’adaptation du Shūsaku Endō. Scorsese en acquiert les droits à la fin des années 80 et dès lors, il va avoir de cesse de fantasmer le projet. Si le film devait être réalisé une première fois à la fin des années 90, après le tournage de « Kundun« , autre film spirituel signé Scorsese, il se concrétisa un peu plus en 2009. Mais quoi qu’il fasse, Martin Scorsese n’arrive jamais à aller au bout. Il aura alors fallu qu’il patiente presque trente années, et qu’il ne se paye pas pour ce film, tout comme ses comédiens ont revu leur salaire à la baisse, « Silence » de Martin Scorsese voit enfin le jour.

Terriblement mal distribué, notamment parce que le film fut un véritable bide aux États-Unis, boycott incompréhensible aux prochains Oscars, « Silence« , le voyage spirituel et visuel de Martin Scorsese arrive chez nous.

Ennui profond pour certains, chef d’œuvre fascinant pour d’autres, « Silence » divise autant qu’il marque et laisse sa trace sur les spectateurs chanceux qui ont pu le voir.

Pour ma part, c’est bel et bien dans la deuxième catégorie que « Silence » se place, tout le voyage, la réflexion et surtout le choix furent un bouleversement. « Silence » est un film douloureux où le silence de dieu s’entrechoque à la foi.

Emporté par des comédiens magistraux et maitrisé d’une mise en scène impressionnante, « Silence » se détache de la filmographie de Scorsese, tout en ayant indiscutablement sa pâte, ses thèmes, ses interrogations et ses réflexions.

XIIe siècle, la chrétienté a essayé de convertir le Japon. Celui-ci étant bouddhiste, le pays a lancé alors une chasse aux chrétiens dans les villes et les campagnes. Le père Ferraira qui était l’un des plus éminents prêtres sur place a renoncé à sa foi. Deux prêtres jésuites se rendent donc au Japon pour retrouver leur mentor et vérifier les rumeurs.

Une fois arrivés sur place, ils découvrent un pays divisé, où le christianisme est illégal. Dans la clandestinité la plus totale, les deux prêtres mènent une quête périlleuse et c’est bien leur foi qui va être mise à très rude épreuve.

« Silence » sera surement l’une des œuvres les plus exigeantes de cette année 2017. Il est très difficile de parler objectivement de « Silence » tant le film est un voyage qui sera différent pour tous. D’ailleurs, on pourrait très bien dire à chacun son « Silence« , car le film de Scorsese, de par sa richesse, de par ses thèmes, sa façon de voir et présenter les choses, ne peut faire le même écho sur chacun d’entre nous et tout comme l’ont été « Kundun » ou « La dernière tentation du Christ« , « Silence » est un film qui va diviser profondément.

La religion est une affaire personnelle, il est donc très difficile de faire un tel film qui parlera à tous. On peut donc comprendre les ennuyés et les agacés ou même les pas intéressés.

« Silence » est un voyage au cœur de la foi. C’est un voyage qui va faire s’opposer le silence de Dieu face à la foi, face aux épreuves, face aux tortures, aux décisions. Martin Scorsese nous raconte ici l’histoire de deux prêtres qui sont venus en terre japonaise afin de retrouver l’un des leurs, qui aurait renoncé. Ce voyage est extrêmement dangereux et ils le savent bien et ce voyage va s’avérer bien plus dur qu’ils ne l’avaient pensé.

Ce qui est très particulier avec ce film, c’est que Martin Scorsese, à travers tous les personnages de son film, interroge sur la foi de l’homme et sa croyance. Ici, malgré les tortures, Martin Scorsese ne juge personne. Aucun de ses personnages n’est bon ou mauvais. Le réalisateur multiplie les points de vues, il interroge la foi de chacun (peut-on piétiner le christ et lui cracher dessus et toutefois le porter dans son cœur ?) et sur toutes les religions confondues et offre finalement un film juste. Doutes, liberté, prison, orgueil, espoir, sadisme, peur, courage, ou encore le don de soi sont au cœur de son film. Un film qui résonne même d’actualité, car les guerres de religion et l’intolérance sont toujours présentes à travers le monde et peut-être même plus présentes aujourd’hui qu’hier.

« Silence » est un film aussi beau qu’il est dur et tourmenté. Beau, car la mise en scène de Scorsese a rarement été aussi magnifique. Le film est parcouru de plans incroyables, parcouru de scènes puissantes, qui bousculent et interrogent. Beau, car les silences qu’accumule le film ont tous un but, et finissent par déteindre sur nous-même, tant ils immergent finalement le spectateur dans ce Japon en proie aux doutes et à la peur.

Dur, car profondément cruel psychologiquement à regarder. On souffre beaucoup en regardant « Silence« . Martin Scorsese arrive à nous mettre très mal à l’aise avec son film et qu’on l’ait aimé ou non, il est un film avec lequel on repart. C’est un film qui nous parle et qui nous hante.

Tourmenté, car on ressent à chaque instant le duel cruel qui se joue à l’intérieur du personnage principal. Un duel où s’affrontent tant de questionnements sur le silence de dieu face aux épreuves. La force de continuer à croire, alors qu’il serait peut-être plus facile de renoncer. Et surtout pourquoi croire face à l’horreur que ça implique.

Bref, Martin Scorsese nous livre-là un film d’une intensité rare, poignant et hypnotique. « Silence » se pose aussi comme l’un des films les plus personnels de son réalisateur. La religion étant importante dans la vie du cinéaste, elle traverse la plupart de ses films, et avec ce projet fou, il trouve une sorte d’exutoire en nous immergeant dans un film qui parlera à chacun d’une différente façon, tout comme la religion ou l’athéisme parle à chacun de manière différente.

« Silence« , c’est aussi un film qui est remarquablement interprété. C’est un film où finalement chaque personnage finit par être attachant, tant le réalisateur et ses acteurs ont fini par brouiller les pistes, en nuançant toutes les visions. Porté principalement par un Andrew Garfield fascinant, tant le jeune acteur est possédé par son rôle et n’est qu’une montée en puissance. On ne peut passer à côté d’acteurs tels que Yôsuke Kubozuka, sorte de Judas attendrissant, et même drôle (oui, il y a un peu d’humour dans « Silence« ) ou Issei Ogata, l’inquisiteur qui est tout à fait fascinant. Liam Neeson, Adam Driver, Tadanobu Asano, ou Yoshi Oida ne sont pas en reste non plus. Petite mention spéciale pour Ciarán Hinds qui apparaît très peu, mais qui est remarquable.

Puissant visuellement et spirituellement, le nouveau Martin Scorsese est un chef d’œuvre totalement immersif. Avec ce film, le réalisateur interroge, rend hommage, mais à aucun moment il ne juge, offrant toujours une frontière floue à chacun de ses personnages.

Avec ce film, Martin Scorsese démontre qu’il reste un maître et que bien qu’il approche des soixante ans de carrière, il est encore capable d’étonner, de surprendre et de bousculer son public en prenant des risques.

Mais même si « Silence » est un puissant chef d’œuvre qui se range instantanément au panthéon des plus grands films de Scorsese, il reste aussi un chef d’œuvre difficile d’accès, notamment à cause de sa durée, de son rythme, de son côté contemplatif ou même de son sujet.

Clairement différent des autres films de Scorsese, alors qu’il y retrouve bien ses thèmes, « Silence » reste un film où il vaut mieux savoir où l’on met les pieds avant d’entrer en salle, car ça peut éviter bien des déceptions.

Note : 20/20

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Par Cinéted

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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