avril 19, 2024

The Birth of a Nation – Que Gronde la Révolte

De : Nate Parker

Avec Nate Parker, Armie Hammer, Mark Boone Jr., Colman Domingo

Année : 2017

Pays : Etats-Unis

Genre : Biopic

Résumé :

Trente ans avant la guerre de Sécession, Nat Turner est un esclave cultivé et un prédicateur très écouté.
Son propriétaire, Samuel Turner, qui connaît des difficultés financières, accepte une offre visant à utiliser les talents de prêcheur de Nat pour assujettir des esclaves indisciplinés. Après avoir été témoin des
atrocités commises à l’encontre de ses camarades opprimés, et en avoir lui-même souffert avec son épouse, Nat conçoit un plan qui peut conduire son peuple vers la liberté…

Avis :

Il semblerait que le biopic soit à la mode en ce moment. Après une vague torrentielle de remakes, reboots, suites et préquelles, le cinéma veut maintenant raconter des histoires vraies sur des personnes qui ont réellement existé. La preuve puisque la semaine dernière on se tapait l’excellent biopic sur Pablo Neruda avec Neruda de Pablo Larrain et cette semaine, pas moins de deux biopics voient le jour avec Dalida et Lisa Azuelos et The Birth of a Nation de Nate Parker.

Seulement, ce dernier a une aura toute particulière puisqu’il connait un destin maudit depuis sa création. En effet, Nate Parker est un acteur, que l’on a pu voir dans Non-Stop de Jaume Collet-Serra, qui tient là sa première réalisation. Film qui lui tient particulièrement à cœur, il se voit déjà sélectionné pour les Oscars et faire écho au superbe 12 Years a Slave de Steve McQueen. Seulement, il a fallu que le passé ressurgisse, et que l’acteur/réalisateur soit inculpé dans une histoire de viol durant ses études à la faculté. Ressorti blanchi mais marqué à vie par ce procès, il va perdre sa sélection pour les Oscars et son film aura moins de répercussions. Mais c’est surtout le cinéma qui nous intéresse et l’histoire vraie derrière Nat Turner, un esclave noir dans le Southampton, qui va se rebeller durant 48 heures, emportant avec lui espoir, mort et injustice.

Profondément marqué par le racisme latent de son pays, Nate Parker signe une œuvre assez ambiguë qui fait écho à un film du même nom de 1915 dans lequel le Ku Klux Klan passe pour des enfants de chœur. Se réappropriant le titre, le jeune réalisateur souhaite éduquer les jeunes et montrer que la notion de racisme et d’esclavagisme sont une catastrophe pour le monde, menant à la guerre, le sang et la destruction. Ainsi donc, The Birth of a Nation se veut très loin des clichés par rapport à l’esclavagisme. Et on voit clairement que le film est coupé en deux parties.

Le film débute avec un jeune enfant promis à un grand avenir. Naviguant dans une colonie plutôt douce avec ses esclaves, Nat Turner évolue et se fait remarquer grâce à son aptitude à la lecture. Devenant alors pasteur pour sa communauté, son patron voit en lui une chance d’éduquer les esclaves pour qu’ils soient plus dociles. Cette première partie est une montée en puissance sur les atrocités faites aux confrères noirs. Torture, maltraitance, rabaissement, viol, meurtre gratuit, tout y passe et on voit dans les yeux du pasteur, de ce héros malgré lui, une montée de haine et de colère qu’il commence à avoir de plus en plus de mal à contrôler. N’hésitant jamais à montrer des images dures et cruelles, le film dénonce ainsi le traitement des blancs sur les noirs, les exploitant, les tuant à la tache sans jamais rien leur donner en retour. On sent dans la caméra de Nate Parker une réelle volonté de montrer sans faire de chichi, sans édulcorer son propos.

Le problème, c’est qu’en faisant ainsi, le réalisateur perd un peu en crédibilité, faisant de son film quelque chose de purement manichéen. En gros, tous les blancs sont des méchants, ou tout du moins pour certains, des méchants en devenir ne pensant qu’à sauver leur peau et leur récolte, et les noirs sont de pauvres hères oppressés et martyrisés. Alors on pourrait croire que cette volonté manichéenne est une façon de répondre au film de 1915 signé D. W. Griffith qui était ouvertement le premier film raciste de l’histoire du cinéma, mais mettre un peu de nuances aurait été plus intelligent et aurait pu faire un grand film à l’image de 12 Years a Slave. Cette perception du métrage est d’autant plus forte lors que la deuxième partie, avec la rébellion, dans laquelle tous les blancs sont tués sans exception, même les enfants. Et même si c’est certainement l’histoire vraie de Nat Turner, on se retrouve face à un sujet brûlant, où il n’y a plus de juste milieu entre êtres humains. Cela permet d’éviter toute hagiographie, c’est vrai, mais cela entache quelque peu la force du métrage et son intérêt, prônant presque l’annihilation totale plutôt que les frappes stratégiques.

Alors certes, il est vrai que le personnage en prend plein la tronche et que la Bible est assez ambiguë sur certains passages, mais aujourd’hui, le film peut déranger dans sa façon de faire. Une façon de faire qui mènera à une vengeance horrible de la part de l’homme blanc, qui exécutera de manière systématique tous les esclaves noirs jusqu’à la découverte de Nat Turner, qui se rendra pour éviter un génocide. Et si cette fin montre bien l’imbécilité du genre humain, il en résulte une petite déception sur la puissance du message. Fort heureusement, en qualité de film, Nate Parker a de bonnes idées dans sa mise en scène. Oscillant constamment entre réalité crue et illusions parfois sublimes, le film détient quelques fulgurances qui marquent la rétine. Certains passages en bleu et rouge sont très marquants et on voit que le film est riche en symboliques sans jamais en faire des tonnes et des tonnes.

Au final, The Birth of a Nation est un film assez fort, relativement touchant sur certaines parties de la vie de Nat Turner qui en a bien pris plein la tronche, mais qui manque de justesse dans son propos et demeure un peu trop manichéen. Si l’histoire retranscrit parfaitement la maltraitance des esclaves durant les années 1800, sans faire de fioritures et ne s’empêchant pas des moments gores, le film perd un peu en intensité lorsqu’il aborde une rébellion cruelle et violente, ne faisant pas de différences entre les bons et les mauvais. Il en résulte un film poignant mais qui aurait pu être bien au-delà des espérances avec un propos plus ambivalent, plus nuancé.

Note : 15/20

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Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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