De : Katell Quillévéré
Avec Tahar Rahim, Emmanuelle Seigner, Anne Dorval, Bouli Lanners
Année : 2016
Pays : France
Genre : Drame
Résumé :
Tout commence au petit jour dans une mer déchaînée avec trois jeunes surfeurs. Quelques heures plus tard, sur le chemin du retour, c’est l’accident. Désormais suspendue aux machines dans un hôpital du Havre, la vie de Simon n’est plus qu’un leurre. Au même moment, à Paris, une femme attend la greffe providentielle qui pourra prolonger sa vie…
Avis :
Katell Quillévéré fait partie de ces nouvelles réalisatrices qui sont comme une nouvelle vague des années 2000 pour le cinéma français. À ses côtés, on peut retrouver des réalisatrices comme Maiwenn, Céline Sciamma, Mélanie Laurent, ou Emmanuelle Bercot. À trente-six ans, Katell Quillévéré compte déjà quatre longs-métrages et tout autant de succès et d’éloges. Son film précédent, « Suzanne » était sorti en 2013 et depuis, c’est avec beaucoup de curiosité qu’on attendait des nouvelles de la réalisatrice.
Il aura donc fallu attendre trois ans avant de revoir la talentueuse Katell Quillévéré. Un retour qui s’annonçait bouleversant, de par le sujet difficile que la réalisatrice a décidé de traiter. Attendu avec une grande impatience, le nouveau film de Katell Quillévéré est un film que l’on pouvait redouter aussi. Avec une telle impatience, la déception pouvait aussi être de taille et heureusement, ce fut tout le contraire, car « Réparer les vivants » est bel et bien le bouleversement annoncé. En l’espace d’un peu plus d’une heure quarante, Katell Quillévéré va monter un film qui n’est qu’une explosion d’émotions à chaque instant. Parlant avec pudeur et vérité d’un sujet terriblement difficile, la réalisatrice propose tout simplement l’un des films incontournables de l’année. On en ressort ému, les jambes coupées, les yeux bien plus qu’humides et surtout avec une envie de profiter de chaque instant, tant la vie est un cadeau précieux et fragile.
Simon est un jeune garçon de dix-sept ans qui mène une vie tout ce qu’il y a de plus normal. Cette nuit-là, Simon sort discrètement de la chambre de sa copine pour partir surfer avec des amis au petit matin. Après une aube des plus belles, Simon et ses amis rentrent en camionnette. La fatigue guette et arrive l’accident. Les deux amis s’en sortiront avec de multiples fractures, mais pour Simon, la vie s’arrête ici, car si son corps n’a rien, un hématome dans le cerveau a déclenché une hémorragie incontrôlable qui a entraîné la mort cérébrale du jeune homme. Les parents de Simon sont dévastés, mais avant même de prendre conscience de la mort de leur fils, les médecins leur font part de la possibilité d’un don d’organe. Comment accepter le don d’organes avant même d’avoir réalisé la mort de son fils ? Comment accepter de le débrancher ? À des kilomètres de là, à Paris, Claire, la cinquantaine attend un greffe de cœur.
« Réparer les vivants » ou le film du cœur. Pour son quatrième long métrage, Katell Quillévéré s’est lancée dans un film défi, en abordant la sensible question du don d’organe. Adapté du roman éponyme de Maylis de Kerangal, Katell Quillévéré s’offre une somptueuse réussite qui n’a d’égal que la sincérité et le respect qu’elle laisse transparaître dans son film.
« Réparer les vivants » est un film aussi triste qu’il est juste et réaliste. Divisé en deux grandes parties, comme deux chapitres qui vont finir par se croiser, la réalisatrice nous invite à suivre plusieurs personnages dans des moments difficiles. Des moments de deuil, de doutes ou d’acceptation. Et c’est à travers ses personnages que la réalisatrice pose des questions essentielles, tout en rendant un superbe hommage au corps médical, mais aussi aux victimes et leurs proches. De manière réaliste et clinique, elle aborde sans détour le don d’organe, la difficulté d’aborder le sujet avec des proches en deuil. Elle présente avec beaucoup de détails des professions de l’ombre qu’on ne connaît pas comme l’accompagnant des familles qui décide d’accepter le don d’organes. Elle dépeint très bien les procédures, le fait d’être pris par le temps, tout en essayant d’être au plus près des proches. Tout en émotion, en pudeur, étant proche, tout en gardant une certaine distance, Katell Quillévéré parle avec beaucoup de sincérité des deux côtés de son histoire. Car oui, si la réalisatrice parle admirablement du don d’organes et des réflexions des proches des victimes, dans un autre sens, il parle tout aussi bien des receveurs. De leurs angoisses, de leurs doutes et surtout de l’acceptation ou non de vivre avec les organes d’un mort. Là encore la réalisatrice soulève des questions importantes et offre un beau regard sur ces patients qu’on met assez rarement en lumière.
Alors que le sujet est dur et qu’on aurait pu craindre un film partant vers la déprime, Katell Quillévéré joue en permanence avec les émotions, passant du drame à quelque chose de plus doux, de plus léger, voire même de poétique. D’ailleurs, on ne pourra que remarquer le montage somptueux que le film se paye. Un montage fluide qui navigue entre « ses deux histoires » sans jamais nous perdre.
« Réparer les vivants« , c’est aussi un casting puissant et sans fausse note. Un casting qui s’offre la crème de la crème. Emmanuelle Seigner et Kool Shen sont saisissants d’émotions. Tahar Rahim est bouleversant, tout comme Anne Dorval et ses deux fils joués par Finnegan Oldfield et Théo Cholbi. On trouvera aussi l’excellent Bouli Lanners, la grande Dominique Blanc. Puis il y a le jeune Gabin Verdet, qui incarne un Simon parfait. Apparaissant peu, le jeune acteur hante presque tous les plans du film, tant la réalisatrice a su faire de Simon, même dans le coma, un personnage fort et marquant.
Katell Quillévéré est une réalisatrice très esthétique qui sait tenir une caméra et elle nous le prouve encore une fois. Avec « Réparer les vivants« , elle offre un film superbe, dont certaines idées imprègnent le spectateur. On pense naturellement aux scènes de surf, à la scène bluffante de beauté et de pression pour l’accident. On pense aussi au romantisme d’un effort à vélo, ou encore les derniers adieux silencieux de parents meurtris. « Réparer les vivants » marque durement et émotionnellement celui qui le regarde.
La réalisatrice s’appuie sur les émotions, sur les silences ou encore sur la gêne d’un médecin ne faisant que son travail. À aucun moment, son film est tire larme ou tombe dans la gratuité. Et si l’on est submergé par les émotions, c’est grâce à la mise en scène, grâce à la pudeur des émotions, grâce à ses comédiens et non pas parce que la réalisatrice insiste et appuie sur tel ou tel évènement.
L’attente fut donc plus que payante, puisque « Réparer les vivants » ne passe vraiment pas loin du chef d’œuvre. Katell Quilévéré nous emporte avec simplicité et dureté, avec nuance et sans langue de bois, vers un sujet aussi beau qu’il est presque tabou, tant on n’en entend jamais parler. « Réparer les vivants« , à force d’émotion, de vérité, à force d’hommage et de conviction résonne comme l’un des plus beaux films français sortis en salles cette année. Un film essentiel, loin des clichés ou encore des sentiers battus. Ce serait donc bien dommage de laisser passer autant d’émotions. Et petit plus, une fois sorti de la salle, le film a tendance à vous poursuivre, tant il remue et pose des questions qui parle à tout le monde.
Note : 19/20
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Par Cinéted
Une réflexion sur « Réparer les Vivants – Vie Précieuse »