De : Anne Le Ny
Avec Vincent Lindon, Emmanuelle Devos, Anne Le Ny, Yeelem Jappain
Année : 2007
Pays : France
Genre : Drame
Résumé :
Bertrand et Lorraine sont ceux qui restent… Ils sont ceux qui arpentent les couloirs en se posant des questions interdites, se font repérer au kiosque à journaux, parlent trop fort à la cafétéria, et vont fumer en cachette sur le toit de cet hôpital où leurs conjoints se font soigner.
Car pour supporter la culpabilité d’être bien vivants, Bertrand et Lorraine ont décidé de s’aider à vivre, à rire et à continuer d’aimer.
Avis :
Anne Le Ny, c’est le visage que tout le monde connaît. Actrice, elle a parcouru le cinéma français dans des seconds rôles pour des films aussi bien populaires que dans le cinéma d’auteur. De Pierre Jolivet au duo Nakache et Toledano, de Pascal Thomas à Zabou Breitman, de Claude Miller à Patrice Leconte, Anne Le Ny a tourné pour et avec les plus grands. Puis de l’écriture, Anne Le Ny est passé en 2007 à la réalisation avec ce premier film, « Ceux qui restent« .
Un premier film remarqué, de par sa qualité, mais aussi son sujet. Et si Anne Le Ny compte maintenant quatre films en tant que réalisatrice, ce premier film reste à ce jour son plus beau. Avec « Ceux qui restent« , Anne Le Ny se lance dans un sujet pour le moins dur et difficile, la maladie. Et plus précisément, ceux dont on ne parle que trop rarement. Ceux qui soutiennent, qui aident, famille ou amis, des premiers instants aux derniers. Comme son titre l’indique, Anne Le Ny a décidé de mettre en lumière ceux qui restent. Ceux qui accompagnent et ceux qui restent en vie, et doivent apprendre à vivre avec le départ d’un proche. « Ceux qui restent » est donc un très beau film qui prend par les sentiments, sans jamais tomber dans le misérabilisme ou encore le mortifère.
Bertrand est en train de perdre sa femme qui est atteinte d’un cancer. Lorraine, de son côté, accompagne son compagnon dans les soins, atteint d’un cancer de l’estomac. Un après-midi, Bertrand et Lorraine se croisent dans les couloirs de l’hôpital. Lui est totalement renfermé et taciturne, elle a un côté gauche et se trouve pleine de vie, même si c’est surtout pour masquer ses doutes et sa douleur. Ensemble, Lorraine et Bertrand décident de vivre, de continuer à rire, à boire des coups, et même se permettre de faire l’amour. Ensemble, ils s’entraident, se soutiennent et se font du bien et cela malgré la culpabilité d’être encore vivant, pendant que les êtres aimés s’éteignent à petit feu.
Très belle réussite que ce premier film en tant que réalisatrice pour la très sympathique Anne Le Ny. Avec « Ceux qui restent« , Anne Le Ny s’engage dans un film difficile, sans tomber dans le pathos. « Ceux qui restent » est un film à la fois d’une tristesse absolue et en même temps qui fait du bien au moral, tant la réalisatrice a parfaitement su aborder avec beaucoup de pudeur, l’amour, la culpabilité et l’impuissance de ses personnages. Parler de la maladie et des deuils n’est pas quelque chose de facile, car il faut arriver à trouver la frontière et la limite pour ne pas trop en faire, tout en en faisant suffisamment pour aller clairement dans son sujet et Anne Le Ny le fait très bien dans un film aux dialogues qui trouvent une profonde résonnance. Un film qui n’hésite pas à aller dans le « ce qu’on ne dit pas » pour trouver sa beauté, comme les scènes où Emmanuelle Devos est révoltée contre la maladie de son amoureux qui la dégoute visuellement et physiquement parlant. Les réflexions qu’Anne Le Ny apporte dans ces scènes, comme dans tant d’autres, trouvent beaucoup de vérité et de simplicité. Que ressent-on dans « l’attente » de perdre un proche ? Comment rester en vie face à cette douleur ? Comment trouver un pansement pour couper l’hémorragie émotionnelle en nous, sans paraitre égoïste, alors que la personne aimée s’éteint ? Comment se protéger, tout en soutenant ? Certains restent et assument, d’autres s’en vont, se défilent… Voilà les questions que pose Anne Le Ny au travers de ses personnages. Des questions auxquelles Anne Le Ny ne répond pas vraiment, car chaque cas et chaque personne est unique et si les émotions (douleur, amour, joie, tristesse) sont universelles, les réponses qu’elle donne dans ce film seront spécialement pour ces deux personnages, pour cette histoire, ces moments et cette rencontre.
De plus, Anne Le Ny a eu de très belles et de très bonnes idées de mise en scène, comme l’idée de ne voir que ceux qui restent. À aucun moment le film ne s’aventure dans la chambre des malades, un peu comme par pudeur pour ces personnages, la réalisatrice les laisse dans ces moments intimes et l’on en est encore d’autant plus touché.
« Ceux qui restent« , c’est bien entendu deux acteurs qui trouvent l’un de leurs plus beaux rôles au beau milieu de rôles magnifiques. Vincent Lindon est très bon dans la peau de cet homme dévoué, aimant et brisé. On est touché par sa détresse, mais aussi et surtout ce courage silencieux qui habite le personnage. En face de lui, on trouve une Emmanuelle Devos exceptionnelle. À l’inverse total du personnage qu’incarne Lindon, Devos est drôle, elle dit ce qu’elle pense, même si c’est incorrect. Malgré la douleur et les doutes qu’elle camoufle plutôt bien, elle se permet d’être en vie. C’est un personnage qui fait beaucoup de bien. Le duo fonctionne à merveille et se complète très bien. On prend beaucoup de plaisir à les voir ensemble et se faire du bien.
Si le début peut paraitre bien lent, voire même un peu long, une fois que le film et l’histoire nous ont happés, « Ceux qui restent » ne nous lâchera plus. Bien construit, bien imaginé, loin des happy end et des facilités, le tout sonne vrai, juste, simple et l’on en ressort conquis et ému. Premier passage derrière la caméra (et aussi devant puisque la réalisatrice tient un petit rôle aussi dans son film), Ceux qui Restent est une belle réussite qui mérite amplement son joli succès.
Note : 16/20
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Par Cinéted