Auteur : R.J. Ellory
Editeur : Le Livre de Poche
Genre : Polar
Résumé :
Frank Parish, inspecteur au NYPD, a des difficultés relationnelles. Avec sa femme, avec sa fille, avec sa hiérarchie. C’est un homme perdu, qui n’a jamais vraiment résolu ses problèmes avec son père, mort assassiné en 1992 après avoir été une figure légendaire des Anges de New York, ces flics d’élite qui, dans les années quatre-vingt, ont nettoyé Manhattan de la pègre et des gangs. Alors qu’il vient de perdre son partenaire et qu’il est l’objet d’une enquête des affaires internes, Frank s’obstine, au prix de sa carrière et de son équilibre mental, à creuser une affaire apparemment banale, la mort d’une adolescente. Persuadé que celle-ci a été la victime d’un tueur en série qui sévit dans l’ombre depuis longtemps, il essaie obstinément de trouver un lien entre plusieurs meurtres irrésolus. Mais, ayant perdu la confiance de tous, son entêtement ne fait qu’ajouter à un passif déjà lourd.
Contraint de consulter une psychothérapeute, Frank va lui livrer l’histoire de son père et des Anges de New York, une histoire bien différente de la légende communément admise. Mais il y a des secrets qui, pour le bien de tous, gagneraient à rester enterrés.
Avis :
Qu’il s’agisse de littérature, de cinéma ou d’actualités, New York est le théâtre de tous les fantasmes, de tous les possibles. Le meilleur comme le pire se côtoient aux confins des ruelles les plus sordides ou effleurent les gratte-ciels de la grosse pomme. Pour son huitième roman (le quatrième à sortir en France), R.J. Ellory nous plonge dans un polar pur et dur qui n’est pas sans rappeler, du moins dans ses intentions, certaines références du vingtième siècle. Mafia, corruption, règlements de compte et autres joyeusetés s’avancent en première ligne. Pour autant, il ne faut pas voir ses éléments comme la thématique principale du présent livre…
En effet, ceux-ci agissent comme une contribution non négligeable à l’atmosphère entretenue au fil des pages. D’ailleurs, ils n’ont d’importance que dans les souvenirs du protagoniste qui évoque les faits d’armes de son père au cours des années 1970 et l’incidence que cela a eue sur sa vie et celle de son entourage. Pour ce faire, rien de tel qu’une thérapie freudienne pour exorciser les démons du passé, en particulier inhérent aux parents. Si ces entretiens surviennent à intervalles réguliers, ils ne cassent nullement le rythme puisqu’ils s’insèrent parfaitement dans la continuité des évènements et du quotidien de Frank Parish.
Aussi pertinents que fluides, ils permettent de constater l’évolution ou la stagnation d’un contexte, d’une ville ou d’une société. L’auteur fait montre d’une patience toute particulière quand il s’agit de dépeindre ses personnages. L’approche psychologique est méticuleuse et, entre deux états d’âme, offre une réelle consistance à chacun d’entre eux. Pour autant, ce soin n’empêche pas de remarquer de nombreux écueils qui paraissent trop gros pour être vrais. Un flic tourmenté, oui. Un flic alcoolique, asocial, divorcé et tête brûlée, cela confère aux clichés de circonstances. Ces choix assez discutables se retrouvent également dans l’intrigue.
L’enquête reste plaisante à suivre, ne serait-ce que pour le talent de conteur de son auteur. Toutefois, les investigations, si détaillées et réalistes soient-elles, demeurent assez simplistes. Le cheminement ploie sous une logique implacable qui laisse peu de place aux retournements de situation. En ce sens, la progression est linéaire au possible avec peu de sorties de routes. Entre les séquences d’interrogatoires, les planques ou les scènes de crime, le cahier des charges du bon petit roman policier est respecté à la lettre ; parfois un peu trop au détriment d’une surprise opportune ou d’une prise de risque qui aurait pu rendre l’histoire plus singulière.
Autre aspect déconcertant, le sujet principal du livre. Au-delà du boulot de flic à New York, des pauvres types en mal d’attentions et autres faits divers improbables, la nature et la motivation des meurtres se révèlent des plus sordides. Tueur en série et snuff movie sont synonymes d’une brutalité sans nom, d’une horreur scabreuse que d’autres sont déjà parvenus à retranscrire sur papier ou à l’écran. Ici, on a beau jouer sur un climat délétère, il n’en demeure pas moins que la violence y est très édulcorée, voire absente. Hormis certains poncifs et les découvertes des corps, l’approche (en apparence nihiliste) se révèle trop lisse pour convaincre sur un thème aussi dérangeant et malsain.
Au final, Les anges de New York est un roman particulièrement conçu pour les amateurs de polars qui ne sont pas effrayés par les clichés de leur genre préféré. Malgré une narration entraînante, des protagonistes cohérents (ce qui est sans doute le principal) et une ambiance new-yorkaise réussie, le livre de R.J. Ellory pèche par sa linéarité. Exploiter un sujet déjà vu sous d’autres latitudes n’est pas un handicap, mais ça le devient quand on le rend anodin, presque inoffensif. On le résume à des photos et des spéculations sans creuser le fonctionnement de ce marché de l’ombre. Le réseau n’étant relégué qu’à une rumeur sous couvert des agissements d’un unique pervers. Il en ressort une lecture distrayante, mais nullement marquante. La faute à un traitement presque négligé au regard de ses intentions premières.
Note : 13/20
Par Dante