Avis :
Il semblerait que faire un album solo soit le saint graal de tous les guitaristes ou chanteurs appartenant à des groupes devenus plus ou moins cultes. Entre ça et les super groupes, on ne peut pas dire que la musique rock se réinvente sans cesse, mais elle a le mérite d’essayer de nouvelles choses, en proposant un panel important de mémoire blues et rock. Créateur avec Mick Jagger des Rolling Stones, Keith Richards fait partie des meilleurs guitaristes du monde avec pas moins de 14 hits référencés par le magazine Rolling Stones. Mais comme tout un chacun, il se lance dans une expérience solo en 1988 avec Talk is Cheap. Il faut croire que le succès est présent, puisqu’un deuxième album va suivre quatre ans plus tard avec Main Offender. Mais depuis, silence radio. Enfin, pas tout à fait puisque le magicien des six cordes est toujours présent parmi les Rolling Stones et continue de tourner avec le groupe malgré son âge canonique. C’est avec surprise que vingt-trois ans plus tard, Keith Richards décide de sortir de sa tanière (s’étant remis du tournage de Pirates des Caraïbes après avoir reçu une noix de coco sur la tronche) pour pondre un troisième album solo en studio. Et la déception est assez grande.
Le skeud débute avec un morceau en acoustique qui fait énormément référence au blues des années 50. Seul avec sa guitare sèche, le guitariste nous livre un morceau très classique mais d’une qualité renversante. Entre la voix, les cordes qui claquent et une sobriété loin des gros morceaux de son groupe d’origine, Keith Richards parvient à toucher. Malheureusement, le morceau ne dure pas longtemps et on ne peut pas dire que le reste de l’album soit bien folichon. Si les morceaux rock sont bien présents, ils manquent clairement d’identité et d’une touche personnelle. Heartstopper en est l’exemple flagrant puisqu’il ressemble plus à un titre de Bruce Springsteen ou d’une autre star du rock qu’à du Keith Richards. Et cette sensation de « déjà entendu » ne sera pas présente que sur un morceau. On le retrouve aussi sur le titre Amnesia, qui cette fois-ci ressemble à si méprendre à du Dire Straits. Alors certes, ce sont des noms de renom (sans mauvais jeu de mots), mais c’est là que l’on voit que l’album de Keith Richards manque réellement d’une approche plus personnelle, plus typique. Car même s’il reste fidèle à son univers rock/blues, on a la sensation qu’il ne fait que reprendre des standards déjà entendus des centaines de fois et c’est bien dommage. C’est d’autant plus préjudiciable que le type possède une jolie voix qu’il pourrait plus exploiter dans les Stones et que, bien évidemment, il se débrouille comme un chef à la gratte.
Mais là aussi, c’est un peu la douche froide. Sans être transparente, la gratte, qui doit représenter 90% du skeud, ne marque pas tellement l’album. Aucun riff n’est véritablement transcendant et aucun morceau ne retiendra vraiment l’attention. Mais pire que tout, on s’ennuiera sec devant cet album qui ressemble davantage à un skeud de feignasse ayant du temps libre et comptant sur son fanzinat pour vendre à bloc. On espère vraiment que ce n’est pas le cas, mais même si l’album demeure varié et parfois plaisant, trop de titres passent au travers des mailles de filet cérébral et il n’y a pas cette engouement que peut créer le guitariste au sein des Rolling Stones. Si Blues in the Morning rappelle le bon vieux Chicago Blues. Si Love Overdue s’essaye au reggae. Si Illusion a des faux airs de jazz, il n’y a pas de pièce maîtresse et par moments, on s’ennuie vraiment, comme sur Robbed Blind qui reste soporifique et anecdotique. C’est alors que vient une question essentielle : a-t-on le droit de critiquer l’album solo d’une légende vivante qui n’a plus rien à prouver ? Certainement, surtout si le skeud demeure en deçà de nos attentes et qu’il ressemble plus à une note d’intention qu’un vrai album conceptuel.
Au final, Crosseyed Heart, le dernier album de Keith Richards, est une jolie déception car il manque clairement de tout. Sans identité, sans réelle prise de risque, sans véritable énergie, le troisième album du guitariste des Stones s’avère long et fastidieux, brassant une foule de références sans jamais prendre en compte sa propre philosophie acoustique. Un album qui conviendra certainement aux fans de l’artiste mais qui ne marquera le monde de la musique. Un prochain album des Rolling Stones serait-il envisageable ? Ce serait beau.
- Cross Eyed Heart
- Heartstopper
- Amnesia
- Robbed Blind
- Trouble
- Love Overdue
- Nothing on Me
- Suspicious
- Blues in the Morning
- Something for Nothing
- Illusion
- Just a Gift
- Goodnight Irene
- Substantial Damage
- Lover’s Plea
Note : 08/20
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Par AqME