avril 26, 2024

Les Enquêtes du Département V – Délivrance

Titre Original : Flaskepost Fra P

De : Hans Petter Molland

Avec Nikolaj Lie Kaas, Fares Fares, Pal Sverre Valheim Hagen, Jakob Oftebro

Année : 2016

Pays : Danemark, Suède, Allemagne, Norvège

Genre : Thriller

Résumé :

Une bouteille jetée à la mer, repêchée et oubliée dans un commissariat des Highlands. A l’intérieur, un appel au secours écrit en lettres de sang et en danois. Lorsque le message échoue au Département V de la police de Copenhague, chargé des dossiers non élucidés, les années ont passé… L’imprévisible Carl Mørck, Assad, son assistant syrien au flair infaillible, et Rose, leur secrétaire, vont-ils prendre au sérieux ce SOS ?

Avis :

C’est durant les années 2000 que le polar scandinave va gagner ses lettres de noblesse. Il faut dire qu’avec la trilogie Millenium, feu Stieg Larsson frappait un grand coup et démontrait que les suédois avaient du talent et un sacré univers. Il n’en fallait pas plus pour être envahi par la suite avec d’autres auteurs comme Camilla Lackberg, Jo Nesbo ou encore Jussi Adler-Olsen. Et c’est ce dernier qui va nous intéresser aujourd’hui, car il va marquer les esprits avec ses enquêtes du département V, sorte de Cold Case, en plus lugubre et porté par un duo improbable. Dès lors, le cinéma va s’intéresser à ces histoires, et on va avoir droit à quatre films d’une belle qualité, mais qui n’aura pas le succès escompté. Si certains peuvent reprocher à la franchise de surfer sur le succès du film de Fincher, il faut bien noter que nous ne sommes pas dans une histoire similaire, et que la franchise du Département V a une âme singulière pour des investigations aussi froides que le climat scandinave en plein hiver. Arrêtons-nous alors sur ce troisième opus, Délivrance, qui prolonge les qualités des deux premiers films.

1. In nomine satanis

Un homme trouve une bouteille sur le bord d’une plage qui atterri dans les bureaux du département V. Du sang, un message énigmatique, une disparition d’enfant, tout laisse à supposer à un rapt on ne sait quelle année. Alors qu’Assan est sur le coup, son acolyte Carl a du mal à rejoindre les deux bouts et sombre dans une dépression qui pourrait lui coûter son job. Retrouvant du sens avec cette enquête les deux compères vont mener une investigation dans les milieux religieux, remettant en cause leur croyance, ou plutôt leur athéisme. C’est l postulat de base de cette enquête lugubre qui ne joue pas avec son spectateur. C’est-à-dire qu’avec cette histoire, le film met en avant le tueur en série dès le départ, et ne laisse aucun doute sur son identité. Ici, ce qui intéresse le réalisateur, et par voie de fait, le spectateur, c’est la traque et les raisons de ce tueur machiavélique qui dégage une aura malsaine.

Bien loin du whodunit ou encore du meurtrier à retrouver parmi une galerie de personnages, Délivrance va plus jouer sur la psychologie des personnages et sur leur rapport à la religion. Naviguant constamment entre diverses croyances et autres sectes religieuses, le film veut interroger sur l’existence d’un Dieu, sur la nécessité de croire pour mieux vivre, ou encore sur des rites qui peuvent coûter la vie à de jeunes enfants. Et c’est bien là que le film marque des points, envoyant à chaque fois de belles réflexions sur la tolérance et les religions. Assad est musulman et explique bien à Carl que la religion lui permet d’être heureux et de ne pas croire en un trou noir à la fin. Cela lui donne du sens. Et alors que Carl, athée convaincu, se moque de lui, cette enquête va lui faire entrevoir les bienfaits de croire en quelque chose, tout en respectant les autres. Le film joue constamment sur la tolérance et les « guerres » de religion. Par exemple, la famille victime du rapt refuse catégoriquement qu’un musulman rentre dans leur maison, même pour les aider. Et l’évolution des personnages de démontrer que l’acceptation de l’autre, malgré nos différences, est plus bien important que tout le reste. Nous sommes des humains avant tout.

2. Croix de bois, croix de fer

Si le film joue constamment sur la religion et le rapport que l’on peut avoir avec elle, il n’oublie non plus d’établir un portrait assez glacial du tueur. Un type au passif lourd, et dont les raisons, qui seront évoquées sur la fin, se justifient avec ce qu’il a vécu. On baigne encore et toujours dans des thématiques religieuses, et cela apporte une réelle cohérence. Le film est massif, mais il est aussi très glauque dans son ambiance. Les teintes grises et le climat pluvieux ajoutent un certain malaise, tout comme les rapts et meurtres d’enfant qui pointent du doigt un vrai monstre que rien, absolument rien, n’arrête. La mise en scène est racée. Il y a une vraie application à rendre le film sombre, presque terne, et jouant avec les textures. Avec ce film, l’eau a une importance. Une eau mortelle, purificatrice à quelque part, mais qui reste dangereuse.

Froid, glauque et sombre, le film doit aussi sa réussite à ses interprètes et personnages. En premier lieu, difficile de ne pas évoquer Nikolaj Lie Kaas, bouleversant dans le rôle de ce détective à la dérive. Déprimé, sans religion, sans plan d’avenir, cette enquête va lui permettre de faire le point sur lui-même et de retrouver un sens. L’acteur est incroyable et donne une véritable plus-value au métrage. Tout comme Fares Fares qui est vraiment excellent. Plus jovial, plus tolérant, il tient un discours humaniste qui va faire mouche dans certaines situations et pardonnera à tous ceux qui lui font du tord. Ce duo fonctionne parfaitement, donnant lieu à des disputes qui donneront des thématiques à réfléchir. Sur cet opus, on pourra aussi compter sur Pal Sverre Valheim Hagen qui joue le méchant de l’histoire. Machiavélique, clairement mauvais et manipulateur, l’acteur joue parfaitement la saloperie que l’on va détester du début à la fin.

Au final, Les Enquêtes du Département V – Délivrance, troisième film de la franchise, est encore une fois une belle réussite. Il s’agit d’un thriller froid, qui laisse peu d’espérance, qui ne fait que très peu de concession, et s’octroie même le droit d’être un peu gore par moment. Touchant dans l’évolution de ses personnages, intelligent dans les thèmes abordés, le film propose une enquête passionnante au sein d’un environnement religieux qui ne sera jamais jugé. Et c’est peut-être là le point fort du film, tolérer la religion quand elle apporte du réconfort, et la bannir quand elle détruit, s’impose et traumatise.

Note : 16/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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