Titre Original : The Shadow of the Cat
De: John Gilling
Avec Barbara Shelley, André Morell, Freda Jackson, Conrad Phillips
Année: 1961
Pays: Angleterre
Genre: Thriller
Résumé:
Une chatte d’appartement assiste au meurtre de sa maîtresse par son mari et deux servantes et décide de la venger.
Avis :
En 1961, la maison de production anglaise de la Hammer s’est affiliée avec le distributeur américain Universal avec pour contrat, un film par an à envoyer aux Etats-Unis. Le contrat fut juteux pour les deux parties, puis que la Hammer pouvait du coup se servir dans le catalogue des monstres Universal et ce dernier pouvait distribuer des films qui marcheraient au box-office. Cependant, la Columbia fut jalouse, et à juste titre, puisque au bout d’un moment, la Hammer fournissait plusieurs films par an à la Universal. C’est alors qu’il a fallu trouver une ruse afin de ménager la chèvre et le chou et donc de produire des films Hammer sans que le logo soit pour autant utilisé. On ne voit cela que pour un seul film, Le Spectre du Chat. Réalisé par John Gilling, il s’agit du seul métrage où la Hammer n’est pas citée, mais un autre studio de production, la B.H.P., qui appartient à la Hammer à une hauteur de 51%. Ce film est peut-être le chat noir de la célèbre boîte de production britannique, puisqu’il reste mineur, mais surtout parce qu’il s’attache à des thématiques très différentes des autres films d’épouvante de la maison.
Pour la petite histoire, un mari et deux serviteurs vont tuer la maîtresse de maison pour espérer toucher un gros héritage. Seulement, lors du crime, la chatte de la victime voit tout et réussit à s’échapper. Une psychose va alors monter entre les trois personnages, persuadés qu’ils sont maudits par ce chat qu’il faut à tout prix abattre. Quand on lit de façon rapide le pitch de départ, on se rend vite compte que les monstres de chez Universal ne sont pas utilisés ici et que l’on est plus proche d’un « mini Hitchcock » comme a pu en faire Freddie Francis (Paranoiac et Meurtre par Procuration). Cependant, les fondations même de ce film s’éloignent grandement des standards britanniques. On ne fait pas appel à du Bram Stoker, du Mary Shelley ou encore du Sir Arthur Conan Doyle, mais plutôt à du Edgar Allan Poe et son fameux chat noir. Une inspiration outre-Atlantique donc, pour un film qui va souffler le chaud et le froid et qui va avoir bien du mal à convaincre n’importe quel quidam. Pourquoi ?
En premier lieu, on pourrait dire que la réalisation de John Gilling demeure transparente. Il n’y a pas vraiment de plans iconiques et l’ensemble manque vraiment de panache. On a même la sensation, par moments, de voir du théâtre filmé, ce qui est assez ronflant. La seule chose qui ressort vraiment de la mise en scène, c’est le point de vue du chat. Si au départ on croit à une très mauvaise restauration, car c’est souvent les moments les plus violents qui sont filmés de manière floue et penchée, il n’en est rien. En fait, le réalisateur veut que le spectateur voit le crime à travers les yeux du chat. Une fois que l’on assimile cela, c’est plutôt intelligent et intéressant. Cependant, à aucun moment on ne craindra pour les personnages. La raison est toute simple, ils sont tous détestables, pour ne pas dire pourris jusqu’à la moelle. Outre la psychose générée par le chat, ce sont tous des gens intéressés par l’argent et qui n’hésite pas à tuer pour leur propre bien être. En fait, parmi tous les protagonistes, il n’y a que Barbara Shelley qui ressort du lot, en gentille nièce voulant comprendre pourquoi tout le monde veut s’en prendre au chat tout mignon de la maison.
En deuxième lieu, le film peine à installer une ambiance angoissante et cela pour plusieurs raisons. La première est due à l’absence d’une mise en scène vertigineuse et gothique. Même si on ressent quelques élans de ce genre, ce n’est rien comparé à La Nuit du Loup-Garou qui sortira la même année. La deuxième raison, c’est que le chat en question fait un bien piètre monstre. Déjà parce qu’il s’agit d’un chat européen et non pas d’un chat noir, mais surtout parce que ses attaques se révèlent ridicules et prêtes bien souvent à sourire. Comme ce fameux saut sur la servante qui va s’écrouler dans les escaliers. Il aurait été plus judicieux de ne jamais montrer ce chat, comme un fantôme (ce qui aurait été, en plus, raccord avec le titre), et d’installer une ambiance mortifère au sein de la maison. En l’état, on voit ce que le film aurait pu être avec un peu plus de moyens et d’envie. Tout ça manque cruellement de mordant, surtout quand on compare le film aux autres productions Hammer de l’époque.
Enfin, le film manque de densité. Les personnages sont à peine esquissés et restent cantonnés à leur caractère premier, les interactions sont téléphonées et surtout, la maison n’est pas un personnage à part entière, comme on peut le voir dans Meurtre par Procuration par exemple. On a vraiment l’impression de voir un téléfilm plutôt qu’un film de cinéma. Néanmoins, le film comporte certaines choses qui le sauvent grandement. On peut parler des acteurs, qui sont tous très bons, dont André Morell en vieil acariâtre, ou encore, bien entendu, Barbara Shelley, absolument magnifique dans un rôle qui lui va comme un gant. On pourrait même dire qu’elle est le rayon de soleil de cette histoire. Et puis comment ne pas aimer toutes les références à Edgar Allan Poe, comme La Chute de la Maison Usher avec ce toit qui craque et s’effondre à la fin, ou encore au Chat Noir et au Corbeau. Bref, des références plutôt bien digérées, qui permettent à la Hammer de sortir de sa zone de confort et de proposer autre chose que du gothique, des vampires et monstres.
Au final, Le Spectre du Chat est certainement l’un des Hammer les plus faibles durant les années 60. Entre une réalisation peu grandiloquente, une histoire assez peu crédible (des gens deviennent fous parce qu’ils pensent qu’un chat témoin de meurtre peut les impliquer) et une absence totale d’angoisse, le film de John Gilling peut paraitre peu reluisant. Fort heureusement, son rythme, ses acteurs et quelques bonnes idées viennent sauver le tout d’un joli naufrage.
Note : 11/20
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Par AqME