mars 19, 2024

L’Outsider – Stephen King

Auteur : Stephen King

Editeur : Albin Michel

Genre : Horreur

Résumé :

Le Diable peut avoir de nombreux visages. Et s’il avait le vôtre ?

Le corps martyrisé d’un garçon de onze ans est retrouvé dans le parc de Flint City. Témoins et empreintes digitales désignent aussitôt le coupable : Terry Maitland, l’un des habitants les plus respectés de la ville, entraîneur de l’équipe locale de baseball, professeur d’anglais, marié et père de deux fillettes. Et les résultats des analyses d’ADN ne laissent aucun doute. Dossier classé. À un détail près : Terry Maitland a un alibi en béton. Et des preuves tout aussi irréfutables que les preuves qui l’accusent.
Qui se cache derrière ce citoyen au-dessus de tout soupçon ?

Avis :

Contrairement à ce que la bibliographie de Stephen King laisse présager, l’auteur fait montre d’une maîtrise évidente dans d’autres styles littéraires que le fantastique ou l’horreur. Certes, cela concerne la majorité de sa production. Pour autant, on a eu droit à de surprenantes déclinaisons, comme Dolorès Claiborne, Duma Key ou, plus récemment, la trilogie Bill Hodges. Avec L’outsider, ce n’est pas tant une nouvelle variation « hors catégorie » qui nous est proposée, mais plutôt un mélange des genres qui fonctionne comme un trompe-l’œil pour son lectorat. Après plus de 60 livres, Stephen King continue de nous étonner sur sa façon de conter une bonne histoire.

L’intrigue a ceci de particulier qu’elle commence à la manière d’un polar somme toute classique dans sa mise en place. Au crime effroyable qui se dévoile dans les rapports de police, on se confronte directement à l’arrestation du (présumé) coupable. Cette première partie s’axe sur une description méticuleuse de faits indiscutables, du moins en apparence. Mais l’atout majeur pour accrocher l’attention reste cette impossibilité de trouver le principal suspect à deux endroits différents : sur les lieux du crime et à plusieurs centaines de kilomètres de là. Tout comme les protagonistes, on tend à rechercher une explication rationnelle fondée sur la manipulation des indices.

En complément de témoignages de bonne foi, on se heurte à des preuves matérielles telles que les empreintes digitales, l’ADN ou l’enregistrement vidéo d’une source indépendante et neutre. Chaque parti possède des arguments imparables pour appuyer leur version. On se retrouve donc écartelé entre deux possibilités aussi probantes l’une que l’autre. À savoir, la culpabilité ou l’innocence du principal intéressé. Les comportements, les dépositions, les interrogatoires et le recul nécessaire aux investigations bénéficient d’une rigueur évidente, même si elle atermoie sur certains points de détail au détriment d’une trame plus enlevée. Toujours est-il que les procédures judiciaires et les recherches sont particulièrement réalistes dans leur exposition respective.

Après la trilogie Bill Hodges, on serait presque tenté de penser à une nouvelle itération de l’auteur dans le domaine du polar. Mais comme son incursion précédente, en particulier Fin de ronde, l’histoire ne tarde pas à rejoindre quelques considérations « paranormales » dans le sens où l’enquête s’avance sur des chemins moins balisés que ceux empruntés au début du roman. Par ailleurs, ce n’est pas le seul parallèle que l’on peut faire puisque l’irruption inattendue d’une ancienne connaissance survient en milieu de parcours. À partir de ce moment, le récit prend des atours plus sombres et angoissants sur fond de folklore hispanique et de légendes urbaines.

Là encore, on peut regretter certaines séquences qui tirent sur la longueur. Cela ne concerne pas l’origine ou la nature du « boogeyman », mais plutôt sur l’angle d’approche de la situation afin de découvrir une solution viable et définitive pour en venir à bout. De fait, on peut parler d’un ventre mou pour calibrer les deux aspects du roman. Les différents intervenants sont contraints de réviser leur point de vue et de reprendre l’affaire à zéro. Certaines digressions étant particulièrement dispensables, car elle ne trouve pas la résonnance escomptée dans la suite des événements. Il n’en demeure pas moins une ambiance assez pesante compte tenu de l’omnipotence du véritable coupable et de son emprise sur les esprits faibles.

Au final, L’outsider possède une structure assez déconcertante qui laisse entrevoir une certaine approche avant de la contredire. Ce choix risqué provoque quelques errances narratives, mais permet d’apprécier deux aspects opposés d’un problème commun. Stephen King démontre qu’il aime renouveler la façon d’écrire une histoire, notamment par l’usage de processus expérimentaux et d’un mélange des genres assumé, même si ce dernier n’est pas toujours bien amalgamé. Malgré quelques écueils assez familiers sur ses textes les plus denses, il en ressort néanmoins un thriller fantastique assez singulier qui se distingue surtout par sa manière de confronter l’impossibilité des faits face à une réalité plus malléable qu’elle n’y paraît.

Note : 14/20

Par Dante

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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