mars 19, 2024

Les Abysses du Mal – Marc Charuel

Auteur : Marc Charuel

Editeur : Albin Michel

Genre : Thriller

Résumé :

Mon boulot : filmer le supplice des victimes avant de faire disparaître leur corps. Mon but : être le tueur le plus inventif. Parce que la mort est un spectacle, certains sont prêts à payer très cher pour y assister. Voyeurs protégés par un écran, tortionnaires par procuration… C’est la face cachée du Net. Un monde parallèle qui happe ses proies au hasard et fournit des frissons à prix d’or. Des réseaux sociaux incontrôlables aux mafias spécialisées dans le marché de la mort en direct, le nouveau thriller de l’auteur du Jour où tu dois mourir dévoile les forces insoupçonnées de la perversion humaine.

Avis :

Il est peu de thématiques aussi dérangeantes et malsaines que le snuff movie. Légendes urbaines ou non, le sujet met en exergue les pires déviances de l’esprit humain, reléguant la victime à un simple objet d’exploitation (sexuelle et financière). Tortures, viols, assassinats et autres actes de violences gratuites se rapprochent sensiblement des crimes commis par les tueurs en série. Le fait de tirer bénéfice et jouissance d’une mort filmée suscite nombre de considérations sur les individus qui la perpètrent, mais surtout sur le spectateur qui la regarde derrière le filtre anonyme de son écran. Si le cinéma est plutôt bien fourni dans le genre (Hardcore, 8 millimètres), la littérature n’est pas en reste avec La promesse des ténèbres de Maxime Chattam ou encore La onzième plaie d’Aurélien Molas.

 Avec Les abysses du mal, Marc Charuel n’en est pas à son coup d’essai dans le domaine. D’ailleurs, ce roman peut être considéré comme une suite indirecte d’un autre de ses thrillers : Le jour où tu dois mourir. Il y était aussi question de snuff movies avec une petite originalité. On s’éloigne du cadre américain et asiatique pour rester en France, ce qui est également le cas ici. Au fil de l’intrigue, les allusions sont plus ou moins évidentes. Cependant, elles ne sont en rien un frein à la bonne appréciation du présent ouvrage, simplement elles font office de références pour appuyer les propos précédemment évoqués.

Avec un tel potentiel, on peut s’attendre à une atmosphère proche de l’œuvre de Jean-Christophe Grangé. Les investigations, les crimes sordides et les personnages écorchés semblent aller en ce sens. Toutefois, on s’en éloigne sur plusieurs points. Les descriptions sont assez circonspectes, voire en retrait. Les ambiances tiennent plus à l’exposition des situations et non du cadre environnant. Les chapitres sont également courts et le rythme assez soutenu. Seulement, l’enquête ne constitue qu’une partie de l’histoire. Une part conséquente est allouée aux futures victimes et au point de vue du tortionnaire. Cette alternance présente l’affaire sous différents jours et peut, à certaines occurrences, se révéler déroutante.

On se retrouve donc avec un récit qui, dans le ton et l’approche empruntée, rappelle surtout La sirène rouge de Maurice G. Dantec. La violence y est tour à tour explicite, puis suggérée. Le procédé est similaire aux extraits de vidéos proposés sur le web (ou le darknet). Montrez un peu pour susciter l’envie (ou le dégoût) et fantasmer sur la suite des événements. En cela, Les abysses du mal ne sera pas le théâtre des pires sévices humains envisageables. Le travail de l’esprit étant un mécanisme aussi redoutable que les tortures en devenir. Sur ce point, l’aspect psychologique de la narration suffit à rendre l’atmosphère suffisamment oppressante, voire perturbante.

Pour autant, certains écueils atténuent la qualité de l’intrigue. Les techniques d’enrôlement pour trouver des actrices de snuff sont détaillées par l’entremise de certains passages. Qu’il s’agisse d’opportunisme ou de préméditation, les rouages demeurent similaires. On peut regretter que la portée internationale du sujet ne soit guère développée. Si le fait de rester en France permet de toucher le lecteur autrement, les aboutissants nécessitaient une exploration plus globale, car presque indissociables du web. Preuve en est avec les commanditaires, la mafia chinoise, qui « délocalisent » leur demande en fonction des besoins. Certains retournements fortuits amoindrissent également le réalisme général.

Au final, Les abysses du mal travaille son sujet d’une manière assez inattendue et non moins habile. Là où de nombreuses idées reçues s’imposent à la simple évocation des snuff movies, Marc Charuel s’intéresse davantage aux fondamentaux qui régissent la mise en scène de ces films et non à la violence qu’ils exposent. Bien que représentée dans certains passages, celle-ci joue plus la carte de la suggestion, comme un cinéaste s’appuierait sur le hors-champ pour susciter un effet psychologique sur son public. Malgré quelques ficelles narratives faciles et un dénouement en deçà de ce qui est attendu, on se trouve en présence d’un thriller maîtrisé au traitement soigné et à l’ambiance pernicieuse.

Note : 14/20

Par Dante

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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